Au cours du 1er trimestre 2014 la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée nationale a auditionné à plusieurs reprises le Ministre de la Défense Jean-Yves Le DRIAN, ainsi que le Général Pierre de VILLIERS, Chef d’Etat-Major des Armées sur l’opération Sangaris. A cette occasion Philippe FOLLIOT, secrétaire de cette commission, a eu l’occasion de les interpeller sur la place des gendarmes au sein de la MISCA et sur la présence de militaires de différents pays européens au sein de l’EUFOR.
Vous pouvez lire ci-dessous la transcription des auditions mentionnées ci-dessus :
Audition de Jean-Yves Le DRIAN, Ministre de la Défense, sur l’opération Sangaris en République centrafricaine (Mardi 14 janvier 2014)
Monsieur Philippe FOLLIOT. Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre, de venir nous rendre compte de l’opération Sangaris, comme vous l’aviez fait pour l’opération Serval. J’aimerais que vous transmettiez l’hommage de la représentation nationale à nos soldats, engagés dans une mission peut-être plus complexe encore que ne l’était celle du Mali. Nous nous félicitons de votre optimisme, même si la situation risque de durer plus longtemps que prévu, ne serait-ce qu’en raison de l’absence d’État – ce qui n’était pas le cas au Mali. Le 18 décembre dernier, lors des questions au Gouvernement, je vous avais interrogé sur un éventuel déploiement des forces de gendarmerie européennes. Demander à des piliers de jouer à l’aile, ou l’inverse, n’est pas évident : les tâches de maintien de l’ordre, dont nos soldats s’acquittent avec sang-froid et retenue, ne sont pas le cœur de leur métier. Au sein de la MISCA, le nombre de gendarmes et policiers devrait passer de 400 à 800. Le déploiement de gendarmes français est-il prévu, ne serait-ce que pour encadrer des forces de l’ordre venues de pays de l’Union africaine ? Cela permettrait de redéployer nos soldats vers des missions plus spécifiquement militaires. Si, comme vous l’espérez, une opération européenne a lieu, le quartier général sera-t-il établi en France, éventuellement au mont Valérien comme ce fut le cas pour d’autres opérations ? Y a-t-il, outre l’envoi d’un contingent belge, d’autres perspectives de participations, qu’elles soient humaines ou, surtout, financières ?
Monsieur Jean-Yves Le DRIAN. Les Estoniens ont manifesté leur intention de participer, même dans un cadre bilatéral. L’État centrafricain existe encore par lambeaux ; le réactiver est donc possible, pour organiser des élections avant la fin de l’année, si l’autorité de transition en a la volonté. Une évolution positive est possible si cette dernière gagne le respect de tous. Le Président et le Premier ministre ne pourront se présenter à l’élection présidentielle ; les membres du Gouvernement, eux, le pourront. Pour nos soldats, l’opération est peut-être moins difficile physiquement qu’au Mali, mais plus difficile nerveusement. Leur action me laisse admiratif. Ils doivent souvent passer, en très peu de temps, d’une opération de maintien de l’ordre à une autre, plus spécifiquement militaire. La présence de gendarmes européens me paraît effectivement nécessaire ; elle devient au demeurant visible au sein de la MISCA. L’une des difficultés de la situation que nous avons trouvée en arrivant sur place était que les gendarmes et policiers centrafricains, réputés réguliers, étaient en réalité des Séléka déguisés. L’assemblée du CNT vient d’annoncer que l’élection aurait lieu samedi, et que les candidatures peuvent être déposées jusqu’à jeudi. Comme je l’indiquais, le processus de transition se met en œuvre.
Audition de Jean-Yves Le DRIAN, Ministre de la Défense, sur l’opération Sangaris en République centrafricaine (Mardi 04 février 2014)
Monsieur Philippe FOLLIOT. Quid de l’éventuel envoi de gendarmes européens en RCA, dans le cadre de missions de maintien de l’ordre ? Les Égyptiens s’inquiètent non seulement de la situation au Sinaï, mais aussi des incursions à partir du Sud libyen : des actions alliées – mobilisant des forces spéciales ou des drones, par exemple – visent-elles les groupes terroristes installés dans cette zone ? Le Tchad fait tampon entre le Sud libyen et la RCA, mais des incursions me semblent possibles par le Darfour et le Soudan du Sud, malgré la présence de nos forces spéciales à Birao. D’autres moyens ne seront-ils pas nécessaires pour régler le problème ?
Monsieur Jean-Yves Le DRIAN. Une mobilisation des forces de gendarmerie européennes est tout à fait envisageable, monsieur Folliot, mais seulement dans un second temps. Quant au Sud libyen, nous collaborons avec les États-Unis dans le domaine du renseignement. Les ministres des Affaires étrangères se réuniront à Rome, début mars, pour évoquer le sujet. Il faudra bien, un jour ou l’autre, engager le dialogue avec les autorités libyennes, mais l’on connaît la complexité de la situation. La déclaration de l’amiral Guillaud sur la nécessité d’une nouvelle intervention en Libye a été sortie de son contexte : le propos, plus général, relayait la préoccupation de la communauté internationale s’agissant de la zone qui, en fait, s’étend de la Guinée-Bissau jusqu’en Syrie.
Audition du Général Pierre de VILLIERS, Chef d’Etat-Major des Armées, (Mercredi 26 février 2014)
Monsieur Philippe FOLLIOT. Nous comprenons votre lucidité, saluons votre détermination et partageons votre fierté. Vous avez dit que vous attendiez 500 hommes pour l’EUFOR : or on nous en a annoncé 1 000. Qu’en sera-t-il et quelle sera la composition de cette force ? Par ailleurs, reste-t-il un peu de « gras dans le jambon » ? En effet, vous avez dit que notre effort porterait en priorité sur l’environnement et le soutien des forces, mais comme c’est déjà le cas depuis longtemps, nous avions cru comprendre qu’on avait atteint l’os. Comment peut-on aller plus loin, sachant que cela suscite beaucoup d’inquiétudes chez nos soldats ?
Général Pierre de VILLIERS. S’agissant de l’EUFOR RCA, je ne peux répondre ni sur le nombre de ses effectifs ni sur sa composition. Le deuxième tour de la génération de force qui a eu lieu hier après-midi à Bruxelles n’a pas été conclusif et un troisième est prévu la semaine prochaine. Je pense que la cible retenue sera entre 500 et 1 000, sachant que je préférerais naturellement qu’il y en ait 1 000 ! Reste à voir la capacité logistique et en soutien. Cela étant, le quartier général d’opération (OHQ) à Larissa en Grèce est prêt à quasiment 100 % et le FHQ – le poste de commandement de théâtre sur place – à 75 %. Monsieur Folliot, cela fait vingt ans qu’on entend le débat sur le « gras » et le « jambon » ! Mais on ne doit pas voir les choses ainsi : la modélisation d’une armée est une démarche globale entre des hommes, un budget, des équipements, du soutien, de la logistique, etc. Pour préserver les forces, nous avons décidé de faire peser l’essentiel de la déflation supplémentaire sur leur environnement. Nous ne ferons pas de pari sur le soutien interarmées car ce serait trop risqué pour la capacité opérationnelle. Les analyses fonctionnelles en cours nous permettront d’y voir plus clair en juin. Par ailleurs, si on m’envoie des gendarmes dans le cadre de l’opération Sangaris – j’attends qu’on me le confirme -, je les accueillerai à bras ouverts. Ils pourront avoir deux types de mission : le mentoring des forces de sécurité d’une part, l’aide au contrôle des foules et à la lutte contre toutes les exactions, avec le volet police judiciaire d’autre part. S’agissant des OPEX et du prépositionnement, je répète que nous avons une démarche globale.. Dans ce cadre, la régionalisation de la bande sahélo-saharienne arrive au bon moment : elle répond à la mobilité des groupes armés terroristes – qui ne connaissent pas les frontières mais les pistes et les trafics.