Comme la presse s’en est fait l’écho, êtes-vous favorable a plus de transparence dans l’utilisation de l’I.R.F.M (Indemnité Représentative de Frais de Mandat) ?
Tout ce qui ira vers plus de justice et de transparence va dans le bon sens. L’indemnité représentative de frais de mandats est versée tous les mois aux parlementaires (députés et sénateurs) pour faire face aux dépenses liées à l’exercice de leur fonction. Cela leur permet d’assurer une certaine indépendance financière et constituer donc un meilleur rempart contre la corruption. Si je suis favorable à ce qu’une instance indépendante de l’exécutif – au nom du principe de séparation des pouvoirs – assure un contrôle a posteriori sur l’utilisation de ces fonds, je souhaite qu’il y ait des limites pour que tout ne soit pas dit publiquement et que l’on respecte ainsi une certaine confidentialité.
Si j’invite par exemple un syndicaliste à déjeuner au restaurant, il ne souhaite pas forcément que son patron sache ce qu’il a mangé et avec qui, et vice versa.
Quand un élu (et cela m’est arrivé tout cet été) m’invite à un repas de fête, par principe, je laisse plusieurs fois l’équivalent du prix des repas à la buvette en offrant à boire aux élus ou aux personnes présentes. A cette question de bienséance, qui permet de soutenir les organisateurs de festivités locales, voyez-vous le député demander un justificatif pour avoir commandé 5 bières et 3 jus de fruits !
Pour autant, en ce qui me concerne, dans les grandes lignes, j’utilise les 6412 euros brut mensuel de l’I.R.F.M de la manière suivante :
Tout d’abord, 510 euros sont retenus pour payer les cotisations sociales, CSG et CRDS. Un gros tiers de la somme restante sert à financer mes permanences (Castres et Albi) ainsi que les charges inhérentes (assurances, électricité, eau, impôts, taxes, photocopieurs, maintenance informatique…). A noter que le redécoupage des circonscriptions « m’oblige » à ouvrir une seconde permanence sans que l’enveloppe augmente. Seule la fin des mensualités de l’emprunt contracté pour l’achat de la 1ère permanence (Castres) me permettra d’assumer le loyer de la seconde d’Albi (qui sera opérationnelle d’ici deux mois environ).
Le second tiers est consacré aux charges courantes telles que les cotisations au Groupe à l’Assemblée nationale, les restaurants, buvettes, cafés ou autres bars sans compter l’essence, l’entretien du véhicules et les parts non remboursées par l’Assemblée pour les frais de taxi ou de téléphone. Etant un élu de terrain, je parcours près de 30 000 km par an, le plus souvent seul, sans chauffeur. Dorénavant, la nouvelle circonscription est près d’un tiers plus étendue que la précédente, avec plus d’1h45 de route d’une extrémité à l’autre (d’Angles à Lédas-et-Ponthies).
Le troisième tiers, plus variable de mois en mois, est consacré aux charges plus exceptionnelles : frais d’imprimerie (cartes de visites, lettres d’information, bulletins du député, bilan de mandat) ; site internet ; cuvée de l’amitié ; achat de costumes, de fleurs, de gerbes pour dépôt aux monuments aux morts, de mobilier et entretien de mon vélo ! Il est à noter qu’une partie des frais exceptionnels (journal de mi-mandat, véhicule, certains frais de réception, ainsi qu’une partie des frais du siège social) sont assurés par Agir Pour Demain, dont les bilans financiers sont contrôlés annuellement par deux commissaires au comptes et dûment vérifiées par la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et de financement de la vie politique.
Si la presse s’est fait l’écho d’agissements condamnables de certains parlementaires quant à l’utilisation de ces fonds, cela concerne surtout des élus en situation de cumul de mandats, et notamment de mandats exécutifs (Président de Conseil régional ou de Conseil général ou encore maires de grandes villes) qui eux voient une partie de leurs charges supportées par leurs collectivités et les cabinets afférents (prise en charge des collaborateurs, véhicule de fonction avec chauffeur, frais de représentation, gerbes,…).
De plus, le crédit collaborateur de 9138 euros brut me permet de rémunérer mon équipe parlementaire composée de quatre personnes en circonscription sous contrat Assemblée, dont trois à temps partiel (9/10ème, 6/10ème et 3/10ème). De plus, je dispose à l’Assemblée d’un étudiant de Sciences Po Toulouse, qui fait sa 3ème année de stage en césure. Enfin, j’ai conformément à la loi un collaborateur détaché par la mairie pour le groupe Castres Ensemble qui m’assiste dans le cadre de mes fonctions d’élu municipal.
Par ailleurs, comme cela est rendu public sur le site de l’Assemblée, tout député se voit mis à sa disposition un bureau (où je dors), avec matériel informatique et téléphone. Il bénéficie de 40 allers-retours en avion par an entre Paris et sa circonscription, de 4 allers-retours sur une autre destination en France métropolitaine, d’une carte de gratuité d’accès en 1ère classe à la SNCF (utilisant peu le train, j’y ai renoncé), d’un quota de frais de taxi, de téléphone, d’affranchissement et d’équipement informatique, que je dépasse plus ou moins largement et dont j’assume la charge du reliquat.
En conclusion, même s’il gagne le 10ème du salaire d’un joueur de ligue 1, ou la moitié de celui d’un rugbyman du Top 14, un député fait partie de la catégorie des privilégiés (ce que le fils d’ouvrier agricole que je suis n’oublie pas). Moi qui m’investit sans compter 70 heures par semaine (ce qui dans le contexte particulier du mois de juin, assiduité à l’Assemblée et présence sur le terrain, m’a certainement valu ma réélection) j’estime que nous avons le juste nécessaire pour assumer notre fonction (j’ai d’ailleurs pu comparer la différence de moyens qu’ont nos collègues allemands au Bundestag).
Du légitime effort de transparence à la démagogie anti-parlementariste il y a une fine limite qu’il vaut mieux, pour notre démocratie, ne pas dépasser.