Lettre d’information n°143 du mercredi 10 juin 2015
Vous avez tous entendu parler de la ferme dite des « mille vaches » dans la Somme qui a suscité tant de commentaires, de suspicions et d’interrogations. Pour ne rien vous cacher, très attaché à notre modèle d’exploitations familiales, je suis particulièrement réservé sur de telles initiatives mais surtout en colère contre l’hypocrisie ambiante en ce domaine. Les discours officiels lénifiants du ministre de l’agriculture vont dans le sens du poil de nos agriculteurs mais ses actes font exactement le contraire.
Nous en avons une spectaculaire illustration avec la nouvelle carte des zones vulnérables qui impacte terriblement un département d’élevage extensif tel que le Tarn. En plus du caractère complètement arbitraire des taux en question (50 mg/litre hier contre 18 mg/litre aujourd’hui) que j’avais en leur temps dénoncés lors d’une question d’actualité au ministre, c’est l’absurdité totale de la politique agricole en la matière qui me frappe. Allons ensemble jusqu’au bout de cette logique. Selon les écolos ou agro-environnementalistes bien-pensants, il faut cesser tout épandage de fumier, lisier et autres déjections animales pour les mettre dans des méthaniseurs en vue de produire de l’énergie renouvelable. Au-delà du problème pas neutre de fertilisation des sols grâce aux fumures, pour créer un méthaniseur de taille suffisamment importante pour être performant, il faut avoir à disposition d’énormes capitaux que seuls peuvent générer les groupes financiers qui investissent dans des fermes de… mille vaches ! La boucle est bouclée !
Bien entendu, pour faire avaler la pilule des zones vulnérables, on nous dit qu’il va y avoir des compensations pour nos éleveurs, mais quand on sait que les caisses de l’État sont vides et celles des collectivités exsangues, il ne faut pas se faire d’illusions : ce qui sera versé dans une poche sera… récupéré dans l’autre.
Nul ne conteste la nécessité de protéger notre environnement et nos ressources en eau, mais la Bretagne et son élevage hyper-intensif n’est pas la France et encore moins le Tarn. Sous couvert de diktats européens, généraliser des contraintes vis-à-vis d’exploitations déjà fragilisées risque d’être mortel pour notre élevage départemental.
Ce lundi, j’étais sur le marché de Valence d’Albi : le cours des veaux était pour les plus beaux à… 21 francs / kg (les transactions se font toujours en francs sur les marchés traditionnels), soit le même prix qu’il y a trente ans ! Pourtant, depuis, les charges ont singulièrement augmenté alors les marges, en proportion, ont diminué et à cela on ajoute de nouvelles contraintes : ça ne peut plus continuer !
Comme me le disait il y a quelques mois un jeune éleveur de la montagne, « qu’on nous oblige à construire des toits pour couvrir de la merde (du fumier) alors que des gens dorment dehors, cela montre que dans notre société il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ! ». Puisse le gouvernement l’entendre…
Amitiés,
Philippe FOLLIOT