Lettre d’information n°144 du mercredi 15 juillet 2015
Nos sociétés contemporaines en général, et le monde politique en particulier, ont un problème lié au temps. François Mitterrand disait fort justement « il faut laisser du temps au temps » mais aujourd’hui nous sommes dans une course effrénée contre la perte de… temps !
En cette veille de vacances, le luxe ne serait-il pas d’avoir du temps ? Ce culte de l’immédiateté et de la réaction qui prime sur l’action dans la durée est un problème majeur. De plus en plus, le responsable politique comme économique, voire militaire, doit réagir sur l’instant mais sans prendre un sage temps de recul pour mûrir la décision.
Cela est d’autant plus grave et lourd de conséquences que nous vivons dans une société d’hypermédiatisation et de communication instantanée symbolisée par les chaînes de télévision en continu et les réseaux sociaux.
Un député va travailler une intervention de 10 minutes structurée et de fond à la tribune de l’assemblée, « tout le monde s’en fout », le même va sortir une petite phrase de 15 secondes, une vacherie assassine surtout contre « ses amis », il fera assurément le buzz !!!
Le plus grave, c’est que cette courte vision émotionnelle et instantanée des choses, on la retrouve à d’autres niveaux, en politique étrangère notamment. Parce que c’est « tendance » et que de médiatiques philosophes de plateaux TV battent le rappel ; nous intervenons en Libye pour renverser certes le pire des tyrans et dictateurs mais « parce qu’on ne termine pas le boulot » on a créé le chaos aux portes de l’Europe. On frappe sans réfléchir au temps d’après ni aux conséquences à long terme des actes. Plus loin au Moyen-Orient la chute du sanguinaire Sadam Hussein, et de la structure « fédérative » du parti Bass, a pour conséquence de créer les conditions du développement et de l’expansion du monstre Daech. Toujours dans cette même région, la France qui historiquement avait une voix gaullienne et singulière s’est « atlantisée » et en arrive à perdre ses fondamentaux : traditionnellement consacrée comme protectrice des chrétiens d’Orient comme me l’avait rappelé en son temps le patriarche de l’église maronite au Liban, notre pays ne joue plus ce rôle aujourd’hui, étant de fait supplanté par la… Russie !
En audition sur la politique de cette nation devant la commission de la Défense cette semaine, j’expliquais que ce qui nous différencie aujourd’hui c’est cette notion de continuité historique et de lien au temps qui fait que l’éternelle Russie, celle des tsars, celle des soviétiques, ou celle de Poutine fonctionne, elle, avec le même logiciel. Ainsi on ne peut comprendre sa politique (en Ukraine, en Géorgie, vis-à-vis de l’Europe ou de la Chine) sans analyser ce lien au temps et à la profondeur historique et stratégique.
Il y a quelques jours je faisais un éloge de la lenteur sur la gabarre qui voguant le long du Tarn avançait à dix kilomètres/heure, tout en admirant ce merveilleux joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO qu’est la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi qui a été construite en beaucoup de…temps soit 150 ans !!!
A méditer…
Amitiés
Philippe FOLLIOT