Lettre d’information n°145 du vendredi 24 juillet 2015
Condescendance, rires narquois à l’Assemblée, quand les « bien-pensants » me moquent alors que j’explique que sur le marché aux veaux de Valence-d’Albigeois les transactions se font en francs, sans écrits, avec comme seul contrat non pas des avocats ou conseils juridiques, mais la parole donnée, un « tocas manetas » (poignée de main), les prix sont ensuite convertis en euros. Que n’auraient-ils rajouté si en plus je leur avais dit que souvent on y parle occitan, et qu’après on y boit un coup de rouge ou de jaune au bistrot « Le Bon Temps », qu’on y mange d’excellents produits du terroir, de la charcuterie, de la soupe, des tripoux… pour un coût équivalent à celui d’une petite salade allégée en poids mais pas en prix, dans un restaurant branché de la capitale !
Cette anecdote démontre bien la fracture qui traverse notre pays entre le rural et l’urbain, entre la France d’en-haut et celle d’en-bas. La crise de l’élevage et le mal-être paysan en sont aussi le symbole, comme je l’avais déjà écrit dans un précédent édito : nous sommes « face à deux France qui ne se parlent plus, pire, qui ne se comprennent plus ». Je ne vais pas revenir sur les multiples causes de cette crise (charges trop lourdes, contraintes des normes, zones vulnérables, fermeture des marchés à l’export notamment en Russie et en Grèce, tracasseries liées aux textes tatillons, notion du bien-être animal, rapports très déséquilibrés avec la grande distribution…) mais je voudrais que les « bien-pensants » comprennent qu’ils ne peuvent pas continuer à ne pas assumer la contradiction entre vouloir manger bon et sain et ne pas vouloir en payer le juste prix. La grande distribution doit elle aussi accepter de partager plus équitablement les marges ; je le dis, « le cartel » des quatre centrales d’achat des grandes enseignes est un accélérateur de la crise agricole comme de la désindustrialisation de notre pays.
Un des rares députés de la majorité de l’époque, en 2009, ayant voté contre la loi de la modernisation de l’économie, j’avais dénoncé tout cela et la part trop belle faite aux grandes surfaces ; j’étais même allé jusqu’à déclarer à la tribune de l’Assemblée « de même que le Général de Gaulle, à son époque, disait que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille », de même, aujourd’hui, elle ne doit pas se faire en fonction des intérêts du caddie de M. Michel-Édouard Leclerc ».
Plus que des mots et des constats, il faut trouver des solutions au-delà des propositions gouvernementales, qui risquent d’être aussi efficaces qu’un demi-cachet d’aspirine administré à un grand malade. L’Alliance Centriste, par le biais de notre Président Jean Arthuis, a toujours défendu l’idée de la « TVA sociale » : c’est le seul outil permettant d’alléger les charges sociales des producteurs, agriculteurs ou entreprises, et qui permet de donner du pouvoir d’achat aux salariés, et d’aligner la fiscalité de leurs produits sur celle des importations agricoles (ou pas) qui à ce jour ne sont soumises à aucune taxe ou impôt spécifique.
Il est temps d’engager le redressement de ce pays, et il est dommage que le gouvernement ne soit pas plus audacieux sur un tel sujet, car en toute responsabilité et sans état d’âme, nous le soutiendrions.
Amitiés
Philippe FOLLIOT