L’État islamique a revendiqué l’attentat qui a frappé Nice et a coûté la vie à 84 personnes. Encore une fois, la France a été frappée par un acte de terrorisme atroce.
Alors que nos forces de sécurité ont déjoué plusieurs tentatives d’attentat ces derniers mois, et que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve nous rappelait que le risque zéro n’existe pas, on peut se demander comment le gouvernement envisageait sérieusement de lever l’état d’urgence le 26 juillet prochain.
Cette forme de naïveté gouvernementale s’accompagne d’une vraie difficulté à mettre des mots sur le mal qui touche la France suite aux attaques de janvier 2015.
Alors que c’est la France qui est visée, son modèle, son mode de vie démocratique et républicain et de surcroît sa politique internationale, le gouvernement a commis une erreur initiale d’appréciation en s’évertuant à “catégoriser” les victimes. Il y a d’abord eu les journalistes avec Charlie Hebdo. Puis, avec le drame de l’Hypercasher, il y a eu les Juifs (déjà touchés par les actes odieux de Mohamed Merah en 2012), et enfin, les policiers ou les militaires. On avait tout simplement omis de dire aux Français qu’ils étaient tous des cibles potentielles de la folie meurtrière de Daesh !
La sidération de notre population après les attaques de novembre a donc été totale. Certaines victimes du Bataclan l’ont dit, elles ne se sentaient jusqu’alors pas menacées puisque ni juives, ni journalistes, ni membres des forces de sécurité. Il ne peut y avoir de réelle résilience sociétale dans ces conditions. La résilience est pourtant le socle nécessaire à l’établissement d’un état de “vigilance permanente” plutôt d’un état d’urgence permanent, comme il peut exister un en Israël.
En réalité, chaque défaite majeure de Daesh dans un engagement conventionnel là-bas, se traduit par un recours au mode terroriste ici. Notre soutien aérien aux forces qui luttent contre Daesh est légitime, mais faut-il pour autant continuer à faire croire aux Français que cela réduit le risque d’attaques terroristes sur notre sol ?
Nos concitoyens ont mérité un discours de vérité propice à faire naître l’esprit de résilience. Le regain d’adhésion récent des Français pour leur drapeau et pour leur hymne indique qu’ils sont prêts pour cela.
Mais il faut aussi s’interroger sur notre incapacité à reconnaître nos erreurs d’appréciation de l’évolution de la menace et sur la nécessité de réformer notre outil de renseignement à cette fin.
En dépit des satisfecit relevés dans la plupart des rapports parlementaires publiés depuis l’an dernier, dont celui des députés Pietrassanta et Fenech sur l’engagement des forces de l’ordre suite aux attentats du 13 novembre dernier, force est d’admettre que tout n’a pas été parfait, loin s’en faut.
Les Français le savent, et parmi eux les victimes d’attentats. Aussi il est grand temps de parler franchement de ce qui doit être amélioré. Le rapport de l’Assemblée nationale rédigé après les attentats de l’année dernière recommande une refonte du système de renseignement, notamment avec la création d’une agence nationale de lutte antiterroriste. Il s’agit ni plus ni moins que de la mise en place d’une instance supérieure comme celle instaurée aux États-Unis au lendemain des attaques du 11 septembre 2001. Pourquoi attendre ?
Il est donc d’autant plus important que les préconisations prônées par les députés Sébastien Pietrassanta et Georges Fenech dans le domaine du renseignement soit mises en œuvre dans les meilleurs délais, tout comme la nécessaire fermeture administrative des mosquées salafistes, ainsi que l’expulsion des imams radicaux.
Par ailleurs, le Président de la République a fait de nouveau appel à la réserve opérationnelle, en demandant cette fois la mobilisation totale des réservistes de la Gendarmerie.
Le hasard du calendrier a voulu que le rapport du Sénateur Jean-Marie Bockel rédigé suite à l’annonce de la future mise en place d’une Garde nationale, en novembre dernier, soit présenté au Sénat le 13 juillet.
Ses préconisations s’inscrivent totalement dans l’esprit du programme de Défense présenté par l’UDI en novembre 2013. Pourtant, en l’état actuel, on est loin de la nécessaire prise en compte de l’ensemble des mesures figurant dans le rapport comme celles figurant dans le programme de Défense de l’UDI, notamment celles incontournables pour mobiliser et mettre en œuvre des forces de réserve.
En effet, comment mobiliser aujourd’hui massivement des réservistes opérationnels de la Gendarmerie nationale qui ne bénéficient pas d’une couverture claire ni de garantie concernant leur emploi civil passés cinq jours de mobilisation ? Contrairement à ce qui vaut pour les réservistes américains, anglais ou encore canadiens, les mesures sociales et administratives préalables à l’emploi des réserves n’ont jamais été adoptées en France.
De plus, alors que l’objectif de la réserve opérationnelle avait été fixé à 100.000 hommes après la suspension effective du service national en 2001, nous avions en 2014 difficilement atteint les 54.000 contrats à servir dans les réserves, dont près de la moitié en Gendarmerie. Manque de valorisation, absence de garanties sociales véritables, entraînement difficile (nous sommes bien loin des trente à quarante jours d’entraînement annuel des réservistes anglo-saxons) et limitation à des emplois de renfort dont le plus retentissant est Vigipirate, on aura rarement plus mal utilisé une ressource volontaire et sincèrement motivée alors que tous les militaires de haut rang s’accordent à dire que les Forces Armées sont exsangues.
Il faut dire que l’intégration des réserves dans le giron des forces d’active n’est pas forcément du goût de tous. Dans le modèle anglo-saxon, l’intégration de la réserve a donné lieu à une diversité des recrutements qui a sonné le glas de l’accès aux hauts postes étoilés par les seules grandes écoles militaires. L’actuel chef d’état-major des armées américaines, le général Joseph Dunford, est d’ailleurs issu d’une formation universitaire pour officiers de réserve.
Ceci étant, le plan audacieux d’organisation des réserves présenté au Sénat en juin par le Général délégué aux réserves de l’Armée de Terre et la campagne de recrutement test lancée le 10 mars dernier sont autant de marques de progrès vers l’objectif annoncé des 40.000 réservistes des trois Armées pour 2019, contre environs 28.000 actuellement (soit une augmentation de 77%). Il est prévu, du reste, qu’un millier soit déployé en permanence pour des missions de protection sur le territoire national, contre 400 à 450 aujourd’hui.
Cependant, en l’état actuel des textes, quelle que soit l’ambition réelle du Président de la République lorsqu’il parle de mobiliser les réserves, il est permis de douter qu’on assistera prochainement à l’activation générale des 25.000 réservistes sous contrat que compte la Gendarmerie nationale. D’ailleurs on parle de chiffes en réalité bien inférieurs, avec un effort d’engagement de 4.000 réservistes de la Gendarmerie par jour d’ici la fin du mois de juillet.
Il conviendrait de revenir à la logique qui sous-tendait la défunte défense opérationnelle du territoire (D.O.T) : c’est-à-dire nous doter, à travers une réserve renforcée, de capacités de réaction face à des événements exceptionnels nécessitant le déclenchement d’opérations importantes de protection et de secours.
Bref, il nous faut parvenir – sous un nom ou sous un autre – à créer et disposer de véritables « forces territoriales de réserve », de véritables « réserves opérationnelles du territoire ».
Cette Garde nationale devrait, donc, le plus rapidement possible, prendre le relais des effectifs classiques de nos armées engagées dans les opérations intérieures “Vigipirate” et “Sentinelle”, afin d’alléger les tensions pesant sur nos armées.
Alors que le monde dans lequel nous vivons est chaque jour plus instable et dangereux, nous devons non seulement donner des moyens supplémentaires à notre Défense, mais également susciter une prise de conscience collective.
Le spectre de la guerre civile, brandie par certains médias, n’est, heureusement pas encore une réalité. Pour en éloigner définitivement la perspective, il convient de penser aussi aux politiques à mener “en amont”, en premier lieu desquels, au niveau de l’éducation et de la formation des jeunes, parfois pris dans un cycle infernal du décrochage éducatif, de l’exclusion sociale et de la rupture sociétale, qui laissent sur le “carreau” près de 150.000 jeunes français.
La réelle et effective prise en compte d’une ambitieuse politique de lutte contre la radicalisation, avec moyens afférents, est aussi une impérieuse nécessité. L’engagement de dizaines de milliers de citoyens au service de la France et de la sécurité de tous constituera une réponse déterminante face au terrorisme, car c’est par la résilience de chacun et de tous que nous pourrons faire face à la barbarie qui nous a frappé et menace malheureusement de nous toucher à nouveau.