Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Japon est singulier.
Singulier de par sa géographie.
Singulier de par son histoire.
Singulier de par sa situation géostratégique.
Singulier de par sa démographie.
Je rentre de quelques jours passés au cœur de l’Empire du Soleil Levant, et même si nous avons, dans le cadre de ce séminaire de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, rencontré nombre de politiques et spécialistes avec lesquels nous avons parlé des enjeux et défis de ce pays au cœur d’un environnement géostratégique complexe, ces quelques réflexions doivent être considérées non pas comme une analyse de fond mais comme des premières impressions. En effet, la singularité de ce pays est telle qu’une seule petite semaine ne permet assurément pas de l’appréhender.
La singularité géographique du Japon repose sur son caractère insulaire du bout du monde asiatique. Au-delà de « la terre qui tremble » au sein d’un archipel tout en longueur qui s’étend sur une distance égale à Paris-Casablanca, il existe une forme d’unité au-delà des diversités régionales issues d’une histoire et d’une politique commune pour ne pas dire homogène.
La singularité historique repose sur trois dates qui, dans l’histoire récente, ont marqué le pays :
– 1865 et la fin de l’ère Meiji qui marque le début de l’ouverture sur la modernité ;
– 1905 et la victoire de Tsushima sur les Russes, première victoire d’une nation asiatique sur un pays européen qui marque le début de l’expansion coloniale du Japon sur une bonne partie de l’Asie ;
– 1945 et la défaite Nippone après Hiroshima et Nagasaki qui ont été suivis par un formidable développement économique pour en faire aujourd’hui la 3ème puissance mondiale.
La singularité géostratégique du Japon repose sur le fait qu’il est en première ligne face aux soubresauts Coréens, c’est un pays qui officiellement n’a pas d’armée mais des forces d’autodéfense étroitement liées aux Etats-Unis qui ont, au Japon, une de leurs plus importantes bases militaires au monde. Au regarde des tentations isolationnistes et du rejet du multilatéralisme des Etats-Unis, et devant l’imprévisibilité de l’erratique politique étrangère du Président TRUMP, comme on vient de le voir avec la Corée du Nord, il y a de quoi susciter de lourdes interrogations au Japon dont la politique de défense repose sur le parapluie américain.
Tout ceci est complexifié par les nombreux différends frontaliers du secteur avec les îles Kouriles au nord occupés par la Russie et revendiquées par le Japon, les îles Senkaku au sud occupées par le Japon et revendiquées par la Chine, et, à l’ouest, les îles Dodko occupées par le Japon et revendiquées par la Corée du Sud…
Les liens à approfondir avec l’Inde et l’Australie, les deux grandes démocraties de cet ensemble Asie-Océanie sont une des clés de l’avenir Nippon comme ses relations à renforcer avec l’ASEAN et les pays du Pacifique dont la France est un acteur important via la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie qui représentent plus de la moitié de la ZEE Française, deuxième domaine maritime au monde. Le Japon comme l’Australie ne peuvent laisser la Chine étendre seule son influence sur le Pacifique ouest à l’instar de ce qu’elle fait avec d’autres méthodes et d’autres moyens en Mer de Chine du sud !
La singularité démographique enfin repose sur un pays très homogène qui compte moins de 1% de la population d’origine étrangère, qui n’accueille pratiquement pas de réfugiés, de demandeurs d’asile, qui officiellement ne reçoit pas de travailleurs étrangers à l’exception de « stagiaires » qui peuvent rester jusqu’à … 10 ans !
Il n’y a pas de politique familiale ou nataliste affirmée. Ainsi, à l’horizon 2050, la population Japonaise pourrait passer à 85 millions contre 126 aujourd’hui. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un pays va subir un choc démographique majeur avec la perte de plus d’un tiers de sa population sans que cela ne soit dû à une famine, à une catastrophe naturelle, à une guerre ou à une épuration ethnique…
La population Japonaise est vieillissante et quand on les interroge sur le profil de leurs compagnons pour les vieux jours, les japonais sont les seuls au monde à répondre … un robot !
Amitiés.
Philippe FOLLIOT