Le 19 juin dernier, Philippe FOLLIOT a interpellé Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères au sujet de l’île de La Passion-Clipperton et des nouveaux accords de pêche signés par la France avec le Mexique en 2017. En effet, à de nombreuses reprises, Philippe FOLLIOT avait interrogé les Gouvernements successifs sur cette question, sans recevoir de réponse précise et concluante. Ainsi, après avoir pris connaissance de cet accord signé le 17 janvier 2017, il a regretté un manque de transparence dans le processus de signature, a dénoncé un texte dont il juge qu’il ne répond pas aux enjeux géopolitiques, économiques, écologiques et scientifiques et a souhaité connaître la position de Monsieur le Ministre dans ce dossier. Enfin, il a souhaité savoir si ce vaste domaine maritime, si important, n’a vocation qu’à rester un territoire en jachère, oublié voire sacrifié ou si la France envisage enfin de se positionner durablement dans cette partie si stratégique de ce monde qu’est le Pacifique nord et de valoriser économiquement et scientifiquement au service de tous ce véritable laboratoire sentinelle unique au monde.
M. Philippe Folliot attire l’attention de M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères au sujet de l’île de La Passion-Clipperton et des nouveaux accords de pêche signés par la France avec le Mexique en 2017. En effet, à de nombreuses reprises, par courriers et par une question écrite en date du 25 juillet 2017, il lui a demandé quel était le contenu détaillé de ces accords et quelles en étaient les modalités. Il n’a, à ce jour, jamais reçu ces accords qu’il n’a pu obtenir que récemment par d’autres sources. Il s’avère que cet accord de 2017 n’est qu’un simple avenant à l’accord de 2007 reconduisant quasiment intégralement celui-ci en l’état. Composé de 6 articles, il a été signé le 17 janvier 2017, pour la France par l’ambassadrice de France au Mexique et pour le Mexique par le sous-secrétaire des relations extérieures au secrétariat des relations extérieures des États-Unis du Mexique. Il ne peut que s’étonner que de tels accords dont les enjeux sont géopolitiques, économiques, écologiques et scientifiques ne soient pas signés de la main du ministre et ce, de surcroît, sans aucun accord préalable du ministère des Outre-mer. Au-delà, cet avenant aux accords apparaît avoir été préparé sans consultation, signé discrètement en pleine campagne électorale et sans qu’aucune diffusion n’ait été prévue. Il est vrai que la France n’en retire rien, ni reconnaissance de sa ZEE, ni redevances de pêche, ni limitation de quotas de pêche dans les eaux françaises. Après une lecture attentive du texte, il apparaît à l’article premier que le régime de renouvellement de cet accord sur dix ans est prévu par « tacite reconduction ». Ainsi, l’accord pourra être renouvelé en 2027 sans aucune autre formalité. À l’article 2, il est fait état d’une « zone marine comprise entre 12 et 200 milles nautiques autour de l’île » mais il n’est pas fait mention de la « zone économique exclusive française ». Or, cette zone, au-delà des eaux territoriales des 12 milles nautiques mis en AMP, représente 99,4 % de la ZEE dans laquelle les autorisations de pêche sont délivrées « à titre gratuit », « sous un délai de 15 à 30 jours », sur simple demande ! À ce jour, 47 senneurs mexicains sont autorisés à pêcher dans les eaux de Clipperton, sans autre engagement du Mexique que celui de « fournir toutes les 5 heures les données VMS des thoniers mexicains » sur zone et de « communiquer pour chaque navire [ ] les déclarations de captures » (art. 4). Or les déclarations des précédentes années n’ont jamais dépassé les 5 000 tonnes de prises par an, voire n’ont été de 1 450 tonnes en 2013, alors que chaque senneur a une capacité d’emport d’au moins 1 000 tonnes et que plusieurs experts ont observé jusqu’à sept senneurs en opération simultanément, souvent au plus près de la côte. Les prises annuelles sont a minima de 15 à 20 000 tonnes, bien loin des chiffres des déclarations officielles. De plus, la question du contrôle et de la verbalisation des visites et débarquements clandestins, de l’atterrissage des hélicoptères des senneurs observés régulièrement à terre (pour y prélever quelques ressources, comme langoustes ou noix de coco) n’ont pas encore trouvé réponses ni moyens. En effet, l’absence d’accords relatifs aux mesures du ressort de l’État (PSMA), dits accords de port à port, avec le Mexique empêche toute action de police sur des navires non autorisés (navires identifiés par satellite). À l’article 5 relatif à la coopération scientifique et universitaire, il est à noter que ce sont des services diplomatiques et juridiques qui présideront aux travaux du comité franco-mexicain mis en place pour élaborer des programmes scientifiques et qui pourraient ainsi les promouvoir ou les bloquer. Le seul point qui apparaît dès lors positif dans cet avenant, est l’engagement du gouvernement mexicain à « apporter un soutien logistique aux activités définies par le comité, notamment par la mise à disposition périodique d’un navire pour le transport d’équipes scientifiques mexicaines et françaises à Clipperton ». Toutefois, la périodicité n’est pas précisée et les conditions de débarquement resteront dangereuses, sinon litigieuses, tant qu’un mouillage fixe et un système d’atténuateur de houle ne sont pas mis en place. Enfin, il est prévu que le gouvernement mexicain octroie « une bourse de doctorat et deux de master à des étudiants mexicains pour des études dans les établissements français spécialisés dans la recherche en sciences de la mer, de la pêche et de l’aquaculture ». Il eut été intéressant que des étudiants français puissent également bénéficier de cette aide. Au-delà, les questions du respect de ces accords et des moyens mis en œuvre se posent. Si le Haut-commissariat de la République en Polynésie française a autorité et est chargé de l’instruction des demandes d’autorisation de pêche et de la suspension des licences de pêche et que les services français peuvent assurer un contrôle effectif des activités grâce à la transmission des données VMS, quand celles-ci sont transmises en temps réel, quelles sont les garanties d’application de ce texte alors, qu’en 10 ans, l’accord signé en 2007 n’a jamais été respecté ? Concernant les moyens, des redevances de pêche, par exemple de 0,40 euros par kg (redevance appliquée aux bateaux coréens pêchant dans la ZEE de Polynésie française avant l’arrêt total des autorisations en 2007), pourraient être mises en place, ce qui rapporterait, ne serait-ce que sur 5 000 tonnes de captures déclarées, 2 millions d’euros par an, soit le coût annuel estimé de fonctionnement d’une station scientifique permanente. Ces éléments sont développés dans le rapport « Valoriser l’île de La Passion (Clipperton) par l’implantation d’une station scientifique à caractère international » remis à Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, le 9 juin 2016. Ainsi, ces accords continuent à entretenir une ambiguïté quant à la souveraineté française sur l’île de La Passion-Clipperton. Alors qu’il convient de mieux protéger et valoriser ce territoire, ce texte représente un réel danger, à tel point que l’on pourrait se demander si cette île ne serait pas une monnaie d’échange contre des intérêts jugés plus importants dans le golfe du Mexique. Malheureusement, les rapports et les propositions des scientifiques spécialistes ne sont pas repris et les mesures qu’ils proposent mises en œuvre. Il souhaiterait savoir si ce vaste domaine maritime, si important, n’a vocation qu’à rester un territoire en jachère, oublié voire sacrifié ou si la France envisage enfin de se positionner durablement dans cette partie si stratégique de ce monde qu’est le Pacifique nord et de valoriser économiquement et scientifiquement au service de tous ce véritable laboratoire sentinelle unique au monde.