| 28 SEPT. 2018 |
Contrairement aux évidences géographiques, la Corée est une île ! Je l’ai constaté de visu : la frontière entre les deux Corées est la plus imperméable au monde et, de fait, consacre le caractère insulaire « du pays du matin calme» car on ne peut s’y rendre qu’en avion ou en bateau ! La ligne de front et de démarcation de 1952, le long du 38ème parallèle, est un endroit étonnant « à visiter » ! Tout près de la passerelle bleue où a eu lieu l’historique première rencontre entre les présidents des deux Corées se trouve trois baraques bleues, à cheval sur la frontière, dans lesquelles est disposée une table avec un trait blanc au milieu symbolisant non seulement la frontière entre les deux Etats mais également l’écart abyssal entre deux systèmes, deux mondes !
Tout ou presque oppose ces deux pays : leurs évolutions, leurs richesses, leurs éducations, leurs démocraties, leurs réformes, leurs soutiens, leurs histoires … Il est parfois des images qui valent tous les discours. Celle qui a été projeté à la délégation par le Chef d’État-major Américain des forces sous mandat des Nations Unies déployées sur cette ligne de démarcation, lors de la sous-commission des relations transatlantiques de l’AP-OTAN, en est un exemple ! C’est une photo de satellite de la péninsule coréenne prise de nuit il y a quelques mois qui symbolise ce contraste saisissant : on voit un halo de lumière au sud et les ténèbres au nord, puis des lueurs sur la Chine et la Russie de Vladivostok confortant ainsi cette idée d’insularité !
Hasard des calendriers, notre visite à Séoul coïncidait avec celle du président sudiste Jae-in MOON à son sulfureux voisin nordiste Kim JONG-UN. Tous nos échanges ont été centrés autour de cette actualité et sur la reprise du dialogue qui suscite autant d’espoirs que de scepticismes. La réunification est une chimère planifiée (aussi improbable que ne l’était à la fin des années 80 celle de l’Allemagne ?).
Peu endettée, ayant beaucoup mis de côté au cas où, la Corée du Sud se prépare et redoute à la fois cette perspective, consciente que seul le nord (ou les robots !) pourront lui apporter ce nouveau marché et cette bouffée d’oxygène démographique pour faire prospérer un modèle économique et industriel à la fois redoutable et efficace. Ce modèle qui a permis, depuis les années 50, de hisser un des plus pauvres pays au rang de dixième puissance mondiale aux équilibres éminemment fragiles. Quel paradoxe pour nous de voir que l’actualité est dominée par la volonté de l’actuel président progressiste de faire baisser la durée hebdomadaire du travail à … 55 heures !!!
Ce pays de nature calme est aussi celui où l’on épargne le plus, où l’on se déplace le plus (25 millions d’habitants à Séoul), où l’on s’éduque le plus et où l’on … se suicide le plus !
In fine, si on ne peut que se féliciter de cette baisse de tension même si, selon moi, la Corée du Nord n’est pas dénucléarisée pour demain, la présence américaine (25 000 soldats) rassure autant que l’imprévisibilité de TRUMP inquiète. Ainsi, si l’avenir passe par Washington, il passera aussi nécessairement par … Pékin !
Amitiés,
Philippe FOLLIOT