| 6 SEP. 2019 |
Bruno LE MAIRE, ministre de l’Economie et des Finances, et Gérald DARMANIN, en charge de l’Action et des Comptes publics, ont répondu cet été à deux questions écrites adressées par Philippe FOLLIOT plus tôt cette année.
Interrogé sur un dispositif inséré dans la loi PACTE, la responsabilité de « plein droit » des agents de voyage et tour-opérateurs, qui inverse la charge de la preuve dans les cas où des clients subissent des préjudices pendant le déroulement de leur voyage, Bruno LE MAIRE a fait valoir un certain nombre d’arguments défendant ce qu’il ne considère pas comme une surtransposition du droit européen et a détaillé certaines réserves visant à rassurer les professionnels du tourisme.
Texte de la question
M. Philippe Folliot attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la responsabilité de « plein droit » qui pèse sur les agents de voyage et tour-opérateurs. En effet, l’Assemblée nationale a voté, dans le cadre du projet de loi PACTE, l’institution d’une responsabilité de « plein droit » pour les professionnels spécialisés dans le service de voyage. Issue de la transposition de la directive européenne voyages à forfait (DEVF), cette mesure est considérée, selon certains, comme une surtransposition. La directive initiale prévoyait un niveau de responsabilité « pour non-conformité avec le contrat pour les organisateurs ou les vendeurs d’un voyage à forfait. Or, la France a souhaité, dans le cadre du projet de loi PACTE, transformer cette responsabilité en responsabilité « de plein droit » relevant ainsi le niveau initial de la directive de manière importante, et même excessive selon un grand nombre d’acteurs du tourisme. Elle est la seule dans ce cas en Europe. L’application d’une telle mesure conduirait les juges à condamner les professionnels automatiquement sans entrer dans le cas d’espèce et vérifier qu’un dommage a été subi ou sans vérifier que ce dommage a un lien avec l’exécution du contrat de voyage. Cette situation entraînerait de nombreuses difficultés pour la filière et pourrait participer à sa fragilisation. Cette disposition a été supprimée par le Sénat en première lecture, ce qui ramène la responsabilité des professionnels français du voyage au même niveau que celui de leurs confrères européens. Dans un marché très concurrentiel, un même niveau de responsabilité entre européens supprimerait l’écart de compétitivité et, en l’occurrence, n’abaisserait pas la protection du consommateur, qui serait protégé à toutes les étapes du voyage. Ainsi, il souhaiterait connaître son avis à ce sujet et savoir si le Gouvernement envisagerait l’adoption de la proposition sénatoriale.
Texte de la réponse
La directive 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (dite « DVAF ») a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées ainsi que par le décret n° 2017-1871 du 29 décembre 2017 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées et par l’arrêté du 1er mars 2018 fixant le modèle de formulaire d’information pour la vente de voyages et de séjours. Le Gouvernement accorde une grande importance au tourisme, à l’équilibre des relations économiques et juridiques entre les professionnels du secteur et à la protection des consommateurs. C’est l’esprit qui a guidé la rédaction de la transposition de la DVAF. Aujourd’hui, ainsi qu’à l’avenir avec un niveau de protection inchangé par la présente transposition, la responsabilité de l’agence de voyage est engagée dès qu’un préjudice est subi par un client pendant le déroulement du voyage, sans que ce dernier n’ait à prouver la faute du professionnel puisque le lien de causalité est présumé lorsque le dommage survient au cours du voyage. Tel ne serait plus le cas en supprimant les termes « de plein droit », puisque ce serait au consommateur victime qu’il appartiendrait de rapporter la preuve de la faute du prestataire. La victime devrait donc d’abord parvenir à remonter la chaîne des responsables potentiels, qui peuvent se trouver parfois à l’étranger, pour rechercher la faute. Cela n’empêche pas les professionnels de pouvoir, dans certains cas précis et légitimes, appeler la responsabilité de tierces parties. Et les dispositions de l’article L.211-16 du code du tourisme prévoient des clauses d’exonération qui sont d’ores et déjà plus étendues qu’en droit commun de la responsabilité civile. Le professionnel peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve que le dommage est imputable soit au voyageur, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitable, soit à un « tiers étranger » à la fourniture des service de voyage – cause qui a été d’ailleurs légèrement assouplie par l’Assemblée nationale en deuxième lecture lors de l’examen du projet de loi PACTE. Le professionnel jouit en outre évidemment d’une possibilité d’action récursoire contre tout tiers. Par ailleurs, concernant le risque de surtransposition, après des travaux sur ce sujet, menés par différents départements ministériels, tant du côté du ministère de l’économie et des finances que du ministère de la justice, il ressort que le maintien de la responsabilité de plein droit est conforme au droit européen. Explicitement, la DVAF ne précise pas la nature du régime de responsabilité, qui relève des États membres. Aussi les dispositions de l’article L.211-16 alinéa 3, qui se bornent à reprendre le régime existant en France, résultent-elles d’une transposition de l’article 14 de cette directive. Implicitement, les dispositions de la DVAF prévoient une responsabilité sans faute, que l’ordonnance se contente d’expliciter en maintenant le système de responsabilité de plein droit. En effet, la DVAF dispose en son article 13, que dans le cas du forfait, l’organisateur (et le détaillant, si les États membres en décident ainsi) est responsable de l’exécution des services de voyage, que ceux-ci soient exécutés par eux-mêmes ou d’autres prestataires. La directive n’exige pas l’existence d’une faute pour que la responsabilité du ou des professionnels soit engagée. Ainsi, elle ne fait pas peser la charge de la preuve sur le consommateur. Dès lors que la prestation n’est pas conforme au contrat (et sauf circonstances exonératoires), le professionnel est responsable. Enfin, pour diminuer l’insécurité juridique, préjudiciable à la bonne marche des affaires, le Gouvernement a décidé de réduire le délai dont bénéficie le voyageur pour intenter une action contentieuse, de 5 ans (avant la transposition) à 2 ans. Ce délai reste à 10 ans pour les dommages corporels, conformément au droit commun. La directive imposant un délai de 2 à 5 ans, le Gouvernement a donc retenu le délai le plus court que permettait la transposition. Ce délai raccourci renforce la sécurité juridique des professionnels, sans priver pour autant le consommateur d’un régime de responsabilité protecteur et efficace.
Gérald DARMANIN, le ministre de l’Action et des Comptes publics était, quant à lui, interrogé par Philippe FOLLIOT sur la dématérialisation des paiements des collectivités aux entreprises prestataires qui a pour effet de souvent allonger les délais de paiement, faisant courir un certain nombre de risques sur l’équilibre économique de ces entreprises.
Texte de la question
M. Philippe Folliot attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la dématérialisation des paiements pour les entreprises. En effet, alors que de nombreuses entreprises viennent de boucler leur bilan 2017-2018, celles-ci s’inquiètent de la dématérialisation des paiements. Dans de nombreux cas, ce non-paiement concerne près de 50 % du chiffre d’affaires. Si certaines structures, grâce à un chiffre d’affaires en hausse, arrivent à survivre, d’autres ont beaucoup plus de mal car elles travaillent, parfois, depuis plusieurs mois sans rémunération. Il apparaît que, dans la majorité des cas, seules les petites communes et les petits établissements règlent rapidement leurs factures. Ainsi, il souhaiterait connaître sa position à ce sujet et savoir ce que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre pour que les relations entre administrations et entreprises puissent à nouveau fonctionner dans un cadre administratif et financier cohérent, condition nécessaire à l’investissement et la création d’emploi.
Texte de la réponse
La diminution des délais de paiements dans l’achat public constitue un objectif constant de l’action de l’État et une priorité pour le Gouvernement. Par la transposition de la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales et notamment le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, pris pour l’application de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (titre IV), le Gouvernement a mis en place, en sus des intérêts moratoires déjà dus, une règle de versement complémentaire et systématique d’une indemnité forfaitaire de 40 € en cas de dépassement du délai réglementaire. Le versement de cette indemnisation forfaitaire à l’occasion de chaque retard de paiement constitue une obligation à laquelle ne sauraient déroger les administrations publiques et les collectivités territoriales et a fortiori leurs comptables publics. Depuis lors, on constate que le délai global de paiement (DGP) des personnes publiques s’est nettement amélioré. En effet, les données statistiques de l’observatoire des délais de paiements (rapport 2018) permettent de constater, d’une part, que le DGP de l’État a diminué de plus de 50 % entre 2011 et 2018, pour atteindre 16,3 jours en 2018, et d’autre part, que le DGP de 27 jours des collectivités et établissements publics locaux toutes catégories confondues était inférieur au délai réglementaire de 30 jours. Il est vrai, malgré cette amélioration d’ensemble, que certaines catégories d’acheteurs ne parviennent pas à respecter les délais réglementaires. C’est pourquoi, la pleine mobilisation du Gouvernement reste entière sur ce dossier. La poursuite du déploiement progressif de la facturation électronique, via la solution mutualisée Chorus Pro, s’imposant aux fournisseurs et aux administrations publiques (État, collectivités territoriales et leurs établissements publics) depuis le 1er janvier 2017, contribuera à la réduction des délais de paiement. En effet, depuis le 1er janvier 2017, l’ensemble des acheteurs publics a l’obligation d’accepter des factures transmises par voie dématérialisée. Parallèlement et progressivement selon leur taille, les fournisseurs de l’État, des collectivités territoriales et leurs établissements publics, devront transmettre leurs factures par voie dématérialisée aux acheteurs publics à compter de cette date (pour les grandes entreprises) et jusqu’au 1er janvier 2020 (pour les microentreprises), conformément à l’ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique. Ainsi, sur l’année 2018, la plateforme publique Chorus Pro a déjà traité 27 millions de factures électroniques pour le compte de l’État et des collectivités territoriales. En complément des mesures réglementaires contraignant l’ensemble des administrations publiques à une maîtrise de leurs délais de paiement, la direction générale des finances publiques (DGFiP) se mobilise avec l’ensemble des services de l’État pour l’atteinte de cet objectif grâce à différents leviers d’action, tels que la modernisation du processus de la dépense. Cette modernisation se matérialise par la mise en place de services facturiers (service rattaché au comptable public chargé de mettre en paiement les factures des ordonnateurs relevant de son périmètre), du contrôle allégé en partenariat, de la facturation électronique et la modernisation des moyens de paiement (ex : recours à la carte d’achat, carte voyagiste, plan de facturation, au prélèvement). Ces leviers sont également promus par la direction générale des finances publiques auprès des collectivités locales et des établissements publics de santé. Les conventions de services comptables et financiers et les engagements partenariaux qu’elle signe avec eux matérialisent systématiquement la volonté commune de l’ordonnateur et du comptable de contribuer à la maîtrise des délais de paiement.