| 18 NOV. 2019 |
Le mercredi 13 novembre, Philippe FOLLIOT, rapporteur pour avis du Projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique nord sur l’accession de la République de Macédoine du Nord, a présenté ce texte dans le cadre de la Commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale.
En effet, suite au règlement des différends régionaux, la Macédoine du Nord, dans le droit fil de son évolution, souhaite aujourd’hui adhérer à l’OTAN et devenir le 30ème Etat membre. Au-delà du sens militaire, peut-être un peu limité, c’est le sens politique qui prévaut dans la ratification de ce protocole.
Selon Philippe FOLLIOT, cette ratification marque la reconnaissance de son attachement à bien coexister dans la région mais aussi l’ancre durablement dans le bloc euro-atlantique. Défendant ardemment le texte, il s’est ainsi exprimé en faveur du projet et a appelé ses collègues à le voter.
Au-delà, il a souhaité dire un mot sur la crise que traverse aujourd’hui l’OTAN. En effet, l’institution se trouve à la croisée des chemins et doit faire face à de nombreuses situations complexes (retrait américain du théâtre syrien, invasion turque d’une partie de la Syrie…). Pour autant, l’Alliance a déjà connu de nombreuses crises et s’en est toujours remise. Ainsi, selon le rapporteur pour avis, un travail politique profond reste à mener pour que l’OTAN ne devienne pas une coquille vide : et dans, ce cadre, les Français et les membres de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN prendront leur part !
Suite à l’intervention de Philippe FOLLIOT, de nombreuses questions ont pu lui être posées et les députés ont ensuite voté le texte à l’unanimité.
Vous retrouverez ci-dessous le texte de son intervention :
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs mes chers collègues,
Il me revient de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification du protocole au traité de l’Atlantique Nord sur l’adhésion de la République de Macédoine du Nord.
La Macédoine du Nord, vous le savez, c’est le nom désormais adopté par l’ancienne république yougoslave de Macédoine. Celle-ci revendiquait le nom de « Macédoine », ainsi que, dans le texte même de sa constitution, une vocation à la protection de la minorité macédonienne établie en Grèce ; toutes choses inacceptables pour nos alliés grecs. Les deux gouvernements sont parvenus le 17 juin 2018 à un accord, dit « accord de Prespa », aux termes duquel, d’une part, les dispositions contestées de la constitution macédonienne ont été supprimées et, d’autre part, le nom de « Macédoine du Nord » a été reconnu.
On pourrait penser qu’il ne s’agit là que de symboles, sans grande prise sur la vie des peuples. Mais les symboles politiques ont leur valeur, et pour pouvoir s’appeler « Macédoine du nord », l’ancienne république yougoslave de Macédoine a fait de sages concessions.
De même, la Macédoine du Nord s’est attachée à résoudre les contentieux qui l’opposaient depuis son indépendance avec d’autres de ses voisins. Avec la Bulgarie, rival historique, un traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération a été signé le 1er août 2017. Les relations avec la Serbie ont pu être difficiles depuis l’éclatement de la Yougoslavie ; celles avec l’Albanie ont pu être compliquées par la proximité existant entre Tirana et la minorité albanaise de Macédoine du Nord, impliquée dans des tensions intercommunautaires vives entre 2014 et 2017. Mais là encore, les relations se sont apaisées.
L’adhésion de la Macédoine du Nord à l’OTAN est la suite directe de cet effort de règlement des différends régionaux, notamment avec la Grèce. En effet, les membres de l’Alliance ont invité la Macédoine du Nord à entamer des pourparlers d’adhésion moins d’un mois après la signature de l’accord de Prespa, et ces pourparlers ont abouti le 6 février dernier. Une fois le protocole d’adhésion dûment ratifié, la Macédoine du Nord sera le trentième État membre de l’Alliance atlantique.
L’adhésion de la Macédoine du Nord a ainsi un sens au moins autant politique que militaire.
Militairement, en effet, il serait très exagéré de soutenir que l’adhésion de la Macédoine du Nord se traduira par un apport déterminant pour la capacité de l’Alliance à remplir ses missions de défense collective… La Macédoine du Nord, c’est en effet deux millions d’habitants environ et une armée de 8 000 soldats, équipés de matériels soviétiques ou yougoslaves qui ne sont pas interopérables avec ceux des États membres.
Je ne voudrais pas, cependant, laisser penser que l’apport militaire de la Macédoine du Nord à l’OTAN serait nul. Même si le pays ne dispose pas de capacités militaires de premier rang, il a démontré sa volonté de s’engager aux côtés de ses alliés. Ainsi, Skopje a projeté une quarantaine de militaires en Afghanistan, et quelques personnels au sein de l’opération EUFOR Althea. À l’avenir, quelques compétences de niche ou quelques appuis ponctuels pourraient être utiles aux opérations occidentales. D’ailleurs, la Macédoine du Nord a fait savoir qu’elle était désireuse de participer à des opérations de maintien de la paix ; elle pourrait, dans cet ordre d’idée, contribuer à certaines de nos opérations en Afrique.
Il n’en demeure pas moins que le sens de cet élargissement de l’OTAN est avant tout politique. Et, à cet égard, il est double.
D’une part, comme je le disais, l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Alliance marque la reconnaissance de son attachement à coexister en bonne intelligence avec ses voisins, c’est-à-dire à s’inscrire pacifiquement dans le concert des Balkans.
D’autre part, cette adhésion vise aussi à ancrer la Macédoine du Nord dans le bloc euro-atlantique. Je ne sais pas si c’est du goût de tout le monde ici, mais je note que l’adhésion à l’OTAN fait l’objet d’un véritable consensus politique en Macédoine du Nord, à l’exception d’un parti expressément pro-russe, Macédoine Unique, qui recueille moins de 5 % des voix.
En s’élargissant ainsi, je crois que l’on peut dire que l’Alliance remplit une de ses fonctions historiques.
Rappelons en effet qu’après les crises des années 1990, l’adhésion à l’OTAN a constitué, pour la plupart des pays des Balkans, un horizon stratégique, un cap, un grand but politique national qui les a incités à s’engager dans un processus de stabilisation, puis de coexistence pacifique et, enfin, de coopération. D’ailleurs, selon nos informations, c’est bien ainsi que l’OTAN reste vue dans les Balkans, même par les États qui, comme la Serbie, n’ont pas l’intention d’en devenir membre : une force qui a œuvré à la stabilisation des Balkans après les crises dramatiques des années 1990.
Alors, m’objecterons certains, l’OTAN est loin d’être vue ainsi partout ! Il n’est nullement dans mon intention d’éluder le sujet : oui, c’est vrai, l’OTAN traverse une crise. Ou, plus précisément, l’Alliance se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. En disant cela, je pense plutôt à l’Alliance elle-même qu’à l’organisation, qui n’est que l’outil militaire – certes très puissant – au service d’une alliance politique euro-atlantique. Chacun a en tête certaines formules employées par le président de la République dans un entretien à un quotidien économique britannique ; je n’ai pas besoin de les citer ici.
Dans le fond, ces formules ne disent pas autre chose que le constat que nous faisons – nous, députés membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, outil de diplomatie parlementaire pertinent et je salue nos collègues membres de cette délégation pour leur positive implication – lors de nos réunions : l’Alliance traverse une crise.
Que l’on se rassure – mais peut-être certains ne trouveront-ils pas cela rassurant – : l’Alliance a déjà traversé des crises, et s’en est remise. Le retrait américain du théâtre syrien, que nous regrettons très vivement, et l’invasion turque d’une partie de la Syrie ont ouvert une crise, et nous ne faisons que mettre un nom sur une réalité en le disant. Mais des crises, il y en a eu d’autres… Notre collègue Aude Bono-Vandorme en évoquait d’ailleurs une tout à l’heure. Rappelons-nous : en 1974, lorsque la Turquie, État membre de l’OTAN, envahit illégalement un tiers de l’île de Chypre, État très étroitement lié à la Grèce, elle-même membre de l’OTAN, ce n’est que de justesse que l’on évite une guerre entre la Grèce et la Turquie, deux États membres, et le premier s’est retiré des instances de l’OTAN pendant six ans en signe de protestation.
L’Alliance surmontera-t-elle la crise actuelle ? nous sommes nombreux à le souhaiter, et je crois qu’elle le fera. Reste néanmoins, comme je le disais, qu’elle est aujourd’hui à la croisée des chemins. Pour que l’Alliance ne devienne pas une coquille vide de tout sens politique, il y a un travail politique à accomplir. Je crois d’ailleurs que nous, les Français, sommes bien placés pour poser ces questions. En effet, nous sommes à la fois un allié de poids – la deuxième puissance de l’Alliance, derrière les États-Unis évidemment – et un allié qui a toujours su défendre un point de vue original, indépendant, quitte à dire des vérités qui ne plaisent pas à nos grands partenaires, que ce soit sous les présidents de Gaulle, Mitterrand ou Chirac…
Je crois également que nous, parlementaires, avons un rôle particulier à jouer dans cette situation. À l’assemblée parlementaire de l’OTAN, notre statut nous donne une certaine liberté de parole et d’action. C’est ainsi, par exemple, que nous avons pu faire le choix de nous réunir prochainement à Kiev, choix d’une portée symbolique les Exécutifs auraient peut-être hésité à faire. À nous, donc, d’être à la hauteur des enjeux.
Pour l’heure, j’émets un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.