Edito lettre d’information n°89 du 25 février 2011
Le débat que souhaite lancer le patron de l’UMP, Jean-François Copé, sur la place de l’islam en France me paraît inutile et incertain.
Inutile et incertain parce qu’après le fiasco du débat sur l’identité nationale, pousser les Français les uns contre les autres, prendre le risque de susciter des amalgames et stigmatisations à l’encontre d’une partie de la communauté nationale comprenant près de 5 millions d’individus frise l’irresponsabilité. Poser le problème de la place de la laïcité en France m’eut paru plus sage, républicain et consensuel.
Sans état d’âme, j’ai voté la loi d’interdiction du niqab car pour moi tout ce qui a trait à la religion est de l’ordre de l’intime et du personnel. Ainsi, au-delà de l’aspect choquant de telles pratiques plus ou moins subies ou forcées, c’est le caractère public ostentatoire et provocateur qui devrait être stoppé. Dans un pays tel que le nôtre où la liberté de culte est constitutionnellement reconnue, les prières dans la rue, pratique marginale mais réelle, heurtent profondément et légitimement les consciences. Nul ne s’y adonne par plaisir mais simplement parce que les mosquées sont parfois trop petites et que tout le monde ne peut y entrer. Nos concitoyens de confession musulmane ont le droit de pouvoir pratiquer dans des mosquées correctes et adaptées, financées en toute transparence par des fonds privés collectés en France dans la limite des lois de la République sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est là que se situe le débat sur la laïcité, à travers l’impossibilité de financements publics de tous les lieux de culte et l’assouplissement ou non de cette loi qui date de 1905.
Nul ne conteste les racines chrétiennes de notre civilisation que l’on perçoit par des symboles allant de l’architecture de nos églises, temples, cathédrales jusqu’aux processions religieuses dans les rues ou fêtes chômées de Noël à Pâques en passant par l’Ascension, l’Assomption, Pentecôte !
Pour moi, pas besoin d’un débat pour réaffirmer cela et corollairement dire que la population en général et la quasi-totalité de nos compatriotes musulmans ne veulent pas de minarets (quoi qu’ils existent légitimement dans l’île française de Mayotte à 95% musulmane qui, bientôt, deviendra notre 100ème département), les lois existantes sur l’urbanisme sont suffisam-ment tatillonnes pour contrecarrer de tels projets, pas d’appel public à la prière, pas de prières dans les rues (phénomène subi comme nous l’avons dit plus haut)… En fait ces clichés reposent sur une forme d’amalgame entre une religion et une dérive extrémiste de celle-ci et sont au final dangereux et contre productifs. C’est en tout cas ce que me disent, avec sagesse, mes amis de confession musulmane (Français ou non). Plutôt que d’interdire des prêches en arabe dans les mosquées qui auraient pour corollaire l’interdiction des messes en latin ou de cultes israélites en hébreu, favorisons concrètement l’émergence d’un islam de France autour du Conseil Français du Culte Musulman… Jouer sur la peur de l’autre plutôt que sur la main tendue entre communautés est d’autant plus dangereux que nous avons de lourds défis à relever concernant la fracture sociale du pays et les conséquences à gérer, suite aux justes et légitimes révolutions en cours dans les pays arabes qui ne doivent pas justifier ou favoriser de nouveaux flux migratoires.
En conclusion, nous, centristes, pensons que chaque fois qu’on pousse les Français les uns contre les autres, c’est aussi dangereux que la négation de réels problèmes qui touchent notre société. Au-delà de l’effet « muleta » et de tentatives de diversions orchestrées et pernicieuses. En effet, quand on parle de cela on ne parle pas du reste ! Les raisons de ce faux débat ne sont-elles pas finalement liées à une posture purement politicienne en vue de surenchérir contre le Front National que, in fine, l’UMP risque de légitimer et de renforcer plutôt que de combattre en s’engageant sur de tels terrains glissants… inutiles et incertains !
Amitiés,
Philippe Folliot.