| 22 AVR. 2020 |
Elle est belle dans sa robe dorée, délicieusement charnue, rondelette et savoureuse, la bougnette. Il parait que les catalans appellent bougnette nos oreillettes, un dessert prenant, empruntant, pour ne pas dire usurpant, l’appellation bougnette c’est… renversant. Je pense qu’il sera un jour utile de défendre la bougnette de « nostra montanha », son originalité, son intégrité, son unicité et son exemplarité. Qui n’a pas gouté, j’allais dire testé, une bonne bougnette une fois dans sa vie manque aux plaisirs de la table, manque aux joies du palais, manque aux plaisirs joyeux du partage de la bonne chère. Le secret de réalisation est bien gardé et il se transmet de générations en générations, et aujourd’hui je la préfère familiale donc ancestrale voire artisanale ! En fait, chez les amateurs de bougnettes, il y a deux écoles, j’allais dire deux clans, pour ne pas dire… sectes. Il y a ceux qui la préfèrent nature, avec un bon morceau de pain voire un lit de salade, ils vous diront que nue et fraiche elle est tellement désirable, suave et authentique. Les autres la préfèrent légèrement chaude, un aller-retour à la poêle, dorée comme au soleil de la plage, légèrement croustillante pour ne pas dire complètement… craquante ! Je dois vous l’avouer je pense faire partie de cette petite minorité d’indécis, d’autres diront de gourmets, qui n’ont jamais voulu trancher le débat et qui apprécient le met quelle qu’en soit la présentation, la préparation, la finition !
Nul ne peut vous parler de la bougnette sans allusion à son succulent et original cousin qu’est le melsat. La rousseur de l’une contraste singulièrement avec la pâleur, pour ne pas dire la blancheur, de l’autre. Je ne vais pas entrer dans une querelle historico-gastronomique avec mon ami le maire de Mazamet Olivier FABRE mais, ne lui en déplaise, le melsat vient des hauteurs et, comme l’Arn, il est descendu dans la cité lainière y trouver nombre d’adeptes, d’afficionados dirait-on dans le pays bas, d’autant plus que comme la bougnette, le melsat peut se déguster nature ou poêlé !
Saucissons, saucisses, jambons, fricandeaux, pâtés, jambonneaux… complètent cette famille d’excellence qui, ancestralement, a élu Lacaune pour capitale, où les savoir-faire de la nuit des temps ont enrichi cet unique capital-expérience des maseliers qui n’a d’égal que celui des maîtres fromagers de Viane ou Paulinet, des façonniers du casse-museau du pays Brassagais…
Puiser ici cette authenticité et ce savoir-faire, pour ne pas dire ce savoir-vivre, qui permettra de relever les défis de demain, tel est l’enjeu. Face à la crise que nous vivons, cette grande crise de l’uniformisation, à commencer par celle de la nourriture et du goût, défendre et apprécier la bougnette est un salutaire acte de résistance.
On me dit que depuis un mois il s’en consommerait de plus en plus, comme nombre de produits de nos terroirs, et c’est tant mieux ; de la même façon que confinés nous avons retrouvé le chemin des fourneaux, et ça, c’est une bonne nouvelle, car en France, la table c’est important, c’est essentiel, d’autant plus que la « table Française » a été inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO !
Une fois n’est pas coutume, je ne terminerai pas mon propos en vous disant amitiés mais… bon appétit !
Philippe FOLLIOT