Proposition de loi tendant à favoriser l’habitat en zone rurale tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement
I. Contexte
Cette proposition de loi déposée par M. Pierre LOUAULT (Union Centriste) a pour objet de répondre à certains problèmes vécus en zone rurale, en particulier en zone de revitalisation rurale (ZRR). Au 7 juillet 2017, le TARN comptait 269 communes sur les 314 en zone de revitalisation rurale.
Les difficultés majeures rencontrées jusqu’ici pour une grande partie des élus concernent principalement l’habitat et son développement, l’urbanisme et la consommation de l’espace, ainsi que la coexistence des activités agricoles avec les nouveaux habitants des zones rurales.
Le code de l’urbanisme a particulièrement évolué au cours des dernières années, notamment à la suite de la loi « Climat et résilience » et son objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), afin de protéger l’artificialisation des sols et les zones agricoles.
En conséquence, les constructions dans les territoires ruraux sont de plus en plus difficiles. Après la période de crise sanitaire vécue, un mouvement de retour à la ruralité s’est amplifié. La problématique aujourd’hui est donc de favoriser ce retour à la campagne, en garantissant une bonne « cohabitation » entre les habitants et les activités. Pour l’auteur de la PPL, cela passe par :
- la réhabilitation des logements anciens ;
- la facilitation des réaffectations du patrimoine bâti ;
- l’autorisation de plus de constructions nouvelles.
Même si les législations successives ont été bien adaptées pour réglementer l’urbanisation galopantes des périphéries, il apparaît qu’elles ont parfois été mal calibrées pour le monde rural. Ce dernier vit, du coup, ces lois comme une forme de pénalisation pour leur développement et d’injustice entre l’urbain et le rural.
C’est pourquoi cette proposition de loi a pour objectif de modifier le code de l’urbanisme et de l’adapter aux territoires ruraux en perte de densité démographique et pris dans un cercle vicieux qui ne leur permet pas de se revitaliser par le biais de l’urbanisme.
Afin de délimiter dans la loi ces territoires et restreindre à eux seuls les dispositions particulières du texte, l’auteur a souhaité les concentrer au maximum dans les ZRR.
La proposition de loi introduit plusieurs dispositifs spécifiques et exceptionnels restreints aux ZRR. Ils permettent notamment :
- d’élargir la constructibilité en zones agricoles et naturelles et hors agglomérations, afin de construire plus de logements ;
- de réduire la portée des objectifs chiffrés de réduction de consommation d’espace fixés par les SCoT et les PLU ;
- d’instaurer une réduction d’impôts, du type « Pinel » en faveur de la création ou de la réfection de logement ;
- d’autoriser en toutes circonstances, y compris hors ZRR, la construction de logements sur des terres agricoles ou naturelles au bénéfice du foyer d’un exploitant ;
- de garantir que siège à la CDPENAF au moins un élu issu d’une ZRR en tant que représentant des collectivités territoriales.
Outre les nombreux signataires issus du groupe Union centriste, cette PPL est également soutenue des sénateurs des groupes LR et Indépendants. Elle sera examinée dans le cadre de l’espace réservé à notre groupe.
II. Présentation et évolutions en commission puis en séance publique
La proposition de loi s’articule en trois chapitres et huit articles.
- Chapitre Ier – Faciliter l’habitat dans les zones de revitalisation rurale dans le respect de l’agriculture et de l’environnement (articles 1er à 4)
L’article 1er vise à inscrire pleinement dans le code de l’urbanisme les ZRR et les objectifs tels que cités dans l’article 61 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire.
En séance, cet article a été réécrit par la rapporteure et le sénateur Louault. Il s’inscrit dans la droite ligne des mesures adoptées lors de l’examen en commission. Tout en répondant à l’intention exprimée, il améliore la rédaction proposée en renforçant les objectifs du code de l’urbanisme relatifs à la ruralité : il cible mieux les territoires ruraux au sens large et pas seulement les ZRR ; il s’adapte au droit existant et inscrit « la revitalisation des espaces ruraux, le développement rural maîtrisé, la réhabilitation du bâti rural dégradé et l’amélioration de l’habitat au sein des espaces ruraux » dans les objectifs du code.
L’article 2 crée un nouveau chapitre dans le code de l’urbanisme et prévoit des dispositions particulières aux ZRR dans le but de développer l’habitat de ces territoires. Ces dispositions particulières assouplissent les conditions de réfection et de changements d’affectation des constructions existantes. Elles prévoient ainsi l’autorisation :
- des adaptations et des réfections des constructions existantes ;
- des changements de destination avec avis simple de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDEPENAF) ;
- des extensions limitées des constructions existantes et de la construction d’annexes, avec avis conforme de la CDEPENAF en zone naturelle, agricole ou forestière (NAF) ;
- de la construction d’installations publiques même incompatibles avec le voisinage des zones habitées ;
- de construction nouvelle en continuité urbaine des bourgs, même en zone NAF ;
Cet article permet également de prendre en compte les spécificités des ZRR lors de l’établissement des objectifs de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain. Une dérogation à la règle de compatibilité des documents d’urbanisme avec les documents supérieurs est sollicitée concernant la consommation de l’espace.
Cet article a été entièrement réécrit en commission en conservant les objectifs initiaux, mais en proposant un critère alternatif aux ZRR, ciblant mieux les communes peu denses en déclin.
Il propose désormais de compléter de manière ciblée les dispositions relatives au règlement nationale d’urbanisme (RNU), aux cartes communales et aux plans locaux d’urbanisme (PLU), afin d’y insérer les assouplissements proposés en termes de constructibilité et changement de destination.
Il propose ainsi de remplacer le ciblage spécifique aux ZRR par 2 types de mesures :
- des mesures d’assouplissement ouvertes à l’ensemble des communes de petite taille (par exemple améliorant la constructibilité des anciennes zones de bâti agricole en déprise) ;
- des mesures plus larges au bénéfice des « communes peu denses en déprise démographique dont le territoire est principalement constitué de zones non constructibles », c’est-à-dire en zone rurale en perte d’activité démographique. Ces communes seront déterminées, dans chaque département, sur proposition des intercommunalités par arrêté préfectoral. Il y sera possible de transformer plus facilement des anciens corps de ferme ou granges inoccupées en logement ; ou encore de construire de nouveaux bâtiments en continuité directe des bourgs.
La nouvelle rédaction apporte des garde-fous aux assouplissements proposés : les mesures relatives à la construction nouvelle et au changement de destination sont recentrées sur la création de logement et d’hébergement. La possibilité de construire en continuité de l’urbanisation existante se fondera sur l’urbanisation actuelle. Enfin, un avis de la CDPENAF est prévu.
Enfin, la nouvelle rédaction supprime la dérogation à la règle de compatibilité aux SCoT, afin de maintenir le rôle de planification et de coordination des SCoT à l’échelle des territoires.
En séance, deux amendements sont venus compléter cet article. Le premier de la rapporteure et du Sénateur Louault vise à permettre au règlement du PLU des communes concernées de fixer les règles de bases applicables aux constructions qu’il est proposé d’autoriser hors des zones urbanisées mais en continuité de l’urbanisation. Le second, de la rapporteure, renvoie au décret le soin de préciser les définitions et le type de données utilisées pour déterminer les « communes peu denses en déprise démographique » et dont le territoire fait l’objet de fortes contraintes urbanistiques visées par cet article 2.
L’article 3 précise la prise en compte des particularités des ZRR, décrites à l’article 2, dans l’établissement des SCoT et l’analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix dernières années.
En séance, la rapporteure et l’auteur du texte ont souhaiter réécrire l’article afin d’améliorer la prise en compte des projets de développement rural des petites communes au sein des schémas de cohérence territoriale (SCoT).
L’article 4 étend le dispositif « PINEL » au logement locatif dans les ZRR, ou tout autre dispositif favorisant le développement de logement locatif. Cette réduction d’impôts s’applique pour l’achat, la construction ou la transformation d’un logement dans un bâtiment collectif à fins de location.
Cet article a été entièrement réécrit en commission.
Plutôt qu’une extension de l’ensemble du dispositif « Pinel », qui vise principalement la construction ou l’acquisition de logement neuf à des fins locatives, la nouvelle rédaction propose de recentrer cette mesure sur l’extension du dispositif « Denormandie dans l’ancien », plus adapté et spécifique aux enjeux des zones rurales. Elle élargit également l’horizon temporel du dispositif jusqu’en 2025.
En séance, la rapporteure a légèrement corrigé en particulier en renvoyant à un décret le soin de préciser les définitions et le type de données utilisées pour déterminer les « communes peu denses en déprise démographique » caractérisées par un fort taux de vacance – communes qui bénéficieront de l’extension géographique du « Denormandie dans l’ancien » prévue par cet article.
- Chapitre II – Faciliter l’exercice d’activités agricoles (articles 5 et 6)
L’article 5 rétablit un droit pour les agriculteurs de vivre sur leur exploitation.
Il crée une section dans le code de l’urbanisme relative à la construction de logements destinés à faciliter l’exercice d’activités agricoles. Elle donne la possibilité pour les agriculteurs de réaliser des constructions ou des aménagements de constructions existantes nécessaires au logement d’un foyer dont l’un des membres au moins exerce à titre principal une activité sur l’exploitation.
Cet article permet de fixer, par décret en Conseil d’Etat, la surface maximale du logement (en fonction du nombre de personnes composant le foyer).
Cet article a été amendé, afin de sécuriser le droit au logement des agriculteurs sur leur exploitation.
D’une part, il remplace la notion de foyer dont l’un des membres exerce une activité agricole par la notion de logement nécessaire au bon fonctionnement de l’exploitation agricole, attachant ainsi la dérogation à l’exploitation plutôt qu’au statut d’exploitant.
D’autre part, il permet à l’autorité compétente, notamment au maire de la commune, d’assortir le permis de construire de prescriptions visant à assurer que le logement construit s’insérera bien dans l’exploitation et correspondra au besoin. L’autorisation sera également soumise pour avis à la CDPENAF.
Il prévoit enfin que les logements ainsi autorisés ne pourront faire l’objet d’aucun changement de destination dans les dix ans suivants, afin d’éviter des détournements du dispositif.
En séance, un amendement du groupe socialiste a été adopté. Il remplace le terme « à proximité » par celui de « continuité », afin de limiter le risque de créer de l’habitat diffus.
L’article 6 prévoit que les troubles inhérents à l’activité agricole causés sur le voisinage d’une exploitation ne soient pas considérés comme des dommages si cette activité était déjà exercée à la date à laquelle la personne a acquis son titre à occuper son logement. Il prévoit aussi que ne sont pas des troubles inhérents un changement d’exercice n’excédant pas les troubles de l’activité précédente.
En séance, à l’initiative de la rapporteure et des groupes UC et RDSE, cet article a été réécrit. Il propose de remplacer la mesure proposée par une amélioration de la mesure existant déjà à l’article L. 113-8 du code de l’environnement, afin lui rendre sa pleine efficacité.
L’amendement améliore le droit existant en introduisant des évolutions spécifiques au cas de l’activité agricole :
– Les occupants d’un bâtiment, mais aussi les propriétaires d’un bien immobilier, pourront se voir opposer l’exception de pré-occupation ;
– L’exigence de conformité des activités agricoles à la législation ou réglementation applicable est maintenue, mais l’absence de législation ou réglementation spécifique ne saurait rendre inopérante l’exception de pré-occupation, comme la jurisprudence de la Cour de cassation l’a laissé entendre ;
– L’exigence de poursuite des activités agricoles « dans les mêmes conditions » est assouplie, afin de permettre une évolution à la marge des pratiques agricoles (liées par exemple à l’évolution des machines agricoles ou à la variation des cultures). Elle est transformée en exigence de poursuite des activités « sans changer de nature ».
- Chapitre III – Dispositions diverses (articles 7 et 8)
L’article 7 vise à inclure la présence d’au moins un élu issu d’une ZRR au sein de la CDEPENAF.
Adopté sans modification ni en commission, ni en séance.
Après l’article 7, un article 7 bis (nouveau) a été introduit. Il vise à faire émerger une forme de « doctrine » lisible et cohérente des CDPENAF. Ainsi, dans un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la loi, dans chaque département, la CDPENAF élabore et publie des lignes directrices présentant ses orientations générales concernant les avis qu’elle rend en application du code de l’urbanisme ou du code rural et de la pêche maritime.
L’article 8 constitue le gage financier des mesures prévues dans cette PPL.
Adopté sans modification ni en commission, ni en séance.
Pour finir, la commission des affaires économiques a modifié le titre de la proposition de loi pour supprimer la notion de ZRR et la remplacer par celle de zones rurales, faisant écho aux amendements précédemment adoptés.