Éloge du temps long

En ce triste jour du troisième anniversaire de la sauvage agression de la Russie contre l’Ukraine, en ce pathétique jour de « deal » à Washington entre Macron (qui essaye de sauver ce qu’il peut) et Trump (qui essaye d’accaparer ce qu’il veut), même si nous sommes à l’époque des réseaux sociaux, de l’immédiateté, de l’émotion, je voudrais vous parler… du temps long !

Que l’on essaye d’arrêter cette terrible guerre qui ensanglante l’Ukraine et asphyxie la Russie pourquoi pas, mais que cela se fasse sans, ou dans le dos des Ukrainiens est tout juste inacceptable, mais que cela se fasse sans, ou dans le déni du droit international est tout juste impensable !

Bas les masques, alors que jusqu’à présent les États-uniens aidaient les Ukrainiens au nom du droit et des valeurs communes, maintenant, il s’agit plus ou moins d’histoires de marchands de tapis ou plus précisément de prédation de terres rares. Face à un Poutine aux allures de chef de clan mafieux, je ne suis pas sûr que reprendre ses méthodes et son narratif éhonté est de bonnes manières, pas plus qu’à Munich capituler devant Hitler fut de bonnes manières.

À l’époque, nous pensions choisir le déshonneur pour éviter la guerre, nous nous sommes déshonorés puis nous avons eu la guerre. Sur le temps long, l’Histoire ne se répète pas, mais parfois elle bégaie. Nous avions lâchement abandonné les Sudètes, pensant rassasier un des plus grands dictateurs de l’histoire, ne reproduisons pas les mêmes erreurs auprès de nos courageux et valeureux amis Ukrainiens. S’il doit y avoir des discussions, des échanges, des concessions, c’est à eux de le décider, c’est à eux de le faire. Je salue le courage, la force la détermination, la sagesse du président Zelensky qui comme son peuple épuisé par tant de sacrifices et de souffrances doit être, non en marge, mais au coeur des accords à venir.

Tout ce qui se passe sous nos yeux, ce désordre international créé par l’administration Trump ne sera pas sans conséquences. Au niveau de l’OTAN tout d’abord, ou de très sévères coups ont été portés par son premier contributeur (et premier bénéficiaire en termes d’achats d’armement aussi) que sont les États-Unis. Pour beaucoup, la confiance inébranlable en la solidité du lien transatlantique est écornée, voire rompue. Je regrette du reste que l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, dont je suis membre actif, ne soit dans un tel contexte qu’une forme de théâtre d’ombres alors que ce serait le moment de nous exprimer haut et fort au nom de la représentation démocratique des pays membres de parler des principes, des valeurs mais aussi de solidarité envers nos alliés Canadiens et Danois, de soutien à nos amis Ukrainiens…

Si l’ONU, socle du multilatéralisme, est complètement absente et marginalisée, peut-être que l’heure de l’Union européenne et de l’Europe de la défense plus particulièrement va enfin sonner.

Les déclarations du futur chancelier allemand et la prise de conscience de nombre de pays de l’Union vont servir de formidable accélérateur à un concept que la France portait jusqu’à présent un peu seule contre tous. Pour cela, et pour être crédible au-delà des mots, il faudra des actes et… des moyens. Ne nous y trompons pas, pour retrouver une autonomie stratégique, les pays européens devront consacrer beaucoup, beaucoup plus d’argent à leur politique de défense et au renforcement de leur base industrielle. Passer de 2 à 3% du PIB consacré à la Défense d’ici 2030 va nécessite des efforts budgétaires colossaux (soit pour la France au moins une douzaine de milliards d’euros supplémentaires par an) et ce dans une contexte financier difficile pour ne pas dire délétère.

Plus que des évolutions, c’est une véritable révolution dans l’approche de la dépense publique que nous devons avoir non pas à la tronçonneuse comme certains mais en changeant nos paradigmes pour faire mieux avec moins, faire plus local et moins national !

Cet éloge du temps long, les fondateurs de l’Europe l’avaient, comme le Général de Gaulle toujours plus soucieux « de la prochaine génération que de la prochaine élection ». Mais cet éloge du temps long, vous pouvez aussi le retrouver sur la fresque du plafond de la neuvième salle du musée Charles X au magnifique et exceptionnel « grand Louvre » que j’ai pris le temps court de visiter. Elle est intitulée Le génie de la France anime les arts, protège l’Humanité.

Que vive longtemps, pour un temps long, le génie de la France !

Amitiés,

Philippe Folliot

Gros, Antoine-Jean Baron France, Musée du Louvre, Département des Peintures
Éloge du temps long