Édito de la lettre d’information n°105 du 1er décembre 2011
Le débat qui anime ces jours-ci le landerneau politique vient directement d’une proposition de François Bayrou issue de son dernier livre « 2012, Etat d’urgence » acheter Français. Sous ce slogan un peu lapidaire se cache en fait une nouvelle façon d’appréhender la mondialisation. Il ne s’agit pas d’un réflexe protectionniste ni de repli identitaire ; ce que voulait dire François Bayrou avec ces mots, c’est « reconsidérons la question de la production en France ».
Refusant, contrairement aux thuriféraires du libéralisme, de faire porter sur le seul coût du travail la compétitivité de l’économie française – cercle sans fin, le candidat centriste souhaite ouvrir de nouveaux marchés, de nouvelles possibilités de consommer. Pour cela, il faut prendre le problème autrement. La France ne produit plus que dans certains secteurs d’excellence ou de haute technologie car depuis des décennies nous avons privilégié le consommateur et surtout le distributeur (les grandes surfaces et leurs terribles centrales d’achat) au détriment du producteur. Notre balance commerciale est déficitaire de 70 milliards d’euros alors que celle de l’Allemagne est en excédent de 200 milliards d’euros, sans parler de celle de l’Espagne qui l’est aussi. Pour renouer avec l’équilibre il faut développer les exportations, miser sur l’innovation et les produits à haute valeur ajoutée. Mais relancer cette machine passera dès le début par l’achat des Français de certains biens produits localement. En effet, c’est ainsi qu’il faut comprendre « acheter Français », c’est renouer avec une consommation de qualité et de proximité (pas une fermeture des frontières) en diminuant les intermédiaires, les trajets et donc le coût des produits au consommateur. C’est un retour au local, l’application du principe de subsidiarité à l’économie.
Ce qu’il nous faut, c’est en quelque sorte un « AOC France » pour valoriser nos domaines d’excellence : le luxe, l’aéronautique, l’agriculture et retrouver nos positions perdues dans d’autres secteurs (textile, machines-outils, électroménager).
Cette démarche, je l’avais en partie initiée lors du débat sur la loi de modernisation agricole en proposant un amendement visant à approvisionner les cantines scolaires en nourriture produite localement. Cette mesure adoptée et mise en œuvre récemment permettra de redistribuer sur place la valeur ajoutée au profit des agriculteurs en diminuant le coût des intermédiaires.
Acheter français, c’est un slogan qui nous ramène à la raison : pourquoi pour nourrir les enfants dans nos cantines acheter des pommes chiliennes ? Du bœuf argentin ? Des perches du Nil ? Des tomates espagnoles ? Ou des produits de l’agriculture biologique des pays de l’Est ? Bien sûr, nous ne pourrons nous suffire à nous-mêmes dans tous les domaines, et ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. Mais à l’heure où le « produire local » est encensé, cette crise est peut-être l’occasion de faire un pas vers une économie plus raisonnable et raisonnée.
Amitiés,
Philippe FOLLIOT