Dans le cadre de la campagne présidentielle, Philippe Folliot a publié une tribune dans la Revue de la Défense Nationale (mars 2012, n°748) intitulée “La défense au cœur des enjeux présidentiels” . Etant responsable des questions de défense au sein de l’équipe de campagne de François Bayrou , c’est à ce titre que le député a tenu à montrer l’importance que revêt l’élection présidentielle et le choix du nouvel hôte de l’Eysée pour l’avenir de nos forces armées, et plus généralement pour la politique extérieure de notre pays.
La défense au cœur des enjeux présidentiels
A quelques semaines des élections présidentielles, il m’apparaît important de rappeler que la défense, si elle n’est pas un des thèmes centraux de la campagne, devrait en être l’un des enjeux majeurs. On peut regretter que ce thème soit souvent éludé par certains responsables politiques, alors même que les orientations qui seront définies au terme des échéances électorales seront capitales pour l’avenir de notre pays.
Le cadre institutionnel de la Ve République offre de très larges prérogatives au Président de la République en matière de défense. Le choix de celui qui assumera bientôt cette responsabilité n’est donc pas anodin. En tant que chef des Armées, il disposera du feu nucléaire, il présidera le Conseil de défense et de sécurité nationale et il fixera les grandes orientations diplomatiques et militaires de notre pays. C’est lui qui portera la voix de la France au sein des instances internationales, notamment au sein des Nations Unies et du Conseil de sécurité. Or la force demeurant l’ultima ratio, l’influence de notre diplomatie, notre aptitude à faire entendre notre voix et notre capacité à défendre nos intérêts dépendront en grande partie de la crédibilité de nos forces armées. Ses choix seront donc déterminants pour l’avenir de notre pays et sa place au sein du concert des nations.
La responsabilité du futur chef de l’Etat sera d’autant plus importante que l’armée française demeure l’une des plus puissantes du monde. Il sera ainsi à la tête d’une des rares nations disposant d’une dissuasion nucléaire indépendante, à même de projeter ses forces sur l’ensemble du globe et pouvant mener simultanément plusieurs opérations de combat de haute intensité. Nous figurons également parmi les leaders mondiaux de l’industrie de défense. Notre pays est le quatrième exportateur d’armes au monde (sous-marins, frégates, porte-hélicoptères, avions de combat…) avec des entreprises qui sont des fleurons de l’économie nationale et du produire en France, à la pointe de l’innovation, compétitives à l’exportation et qui emploient plusieurs centaines de milliers de salariés. Le futur chef de l’Etat devra donc définir une politique industrielle nationale, voire européenne, à même de préserver notre rang en la matière.
Il devra aussi porter une attention toute particulière à une armée qui se sent déconsidérée et à qui l’on a témoigné peu de reconnaissance. Son budget n’a souvent été qu’une variable d’ajustement, fluctuant davantage au gré des impératifs budgétaires et peu en fonction des nécessités opérationnelles et des besoins réels de ses hommes. La défense est pourtant indispensable à la vie de notre Nation : elle garantit son intégrité territoriale, métropolitaine et ultra marine, terrestre et maritime, notre sécurité et celle de nos compatriotes expatriés et la sauvegarde de nos intérêts dans le monde, qu’ils soient géopolitiques, économiques et humains. Elle joue également un rôle primordial au sein de notre société. Au-delà des valeurs qu’elle véhicule, c’est un corps indispensable en ce qu’il participe activement à la vie de la Nation, à son dynamisme économique, à l’aménagement de son territoire, et même en cas de crise majeure, l’un des piliers de notre sécurité civile (catastrophe naturelle, nucléaire…).
Dans un monde en pleine mutation, le rôle du futur chef de l’Etat sera capital. On assiste en effet à un rééquilibrage géostratégique majeur et à une redéfinition totale des rapports de forces sur la scène internationale. Pour la première fois depuis près de cinq siècles, les nations occidentales voient émerger des puissances à même de remettre en cause leur leadership. Alors que de nouveaux pôles de puissance démographique, économique, monétaire et militaire s’affirment, l’Europe ne cesse de péricliter, et tout particulièrement sur le plan militaire. Elle consacre une part de plus en plus faible de son budget à la défense (les dépenses militaires européennes étant passées de 29% à 20% des dépenses militaires globales entre 2001 et 2011), alors même que les dépenses américaines représentent près de la moitié des dépenses mondiales et que la Chine a augmenté son budget militaire de 12,7% l’an passé.
Certes, il ne s’agit pour le moment que d’un déclin relatif, et les pays occidentaux resteront encore des acteurs de premier plan. C’est un changement radical de paradigme dont le futur président ne peut faire fi au sein de sa réflexion stratégique. Pour autant, si le basculement du centre de gravité international vers le Pacifique semble inéluctable – et que l’on doit considérer l’outre-mer comme un atout pour la France – nous devons garder à l’esprit que la sphère d’intérêts stratégiques de l’Europe, et plus particulièrement celle de la France, demeure l’aire méditerranéenne.
Alors qu’un duopole sino-américain tend à émerger, il serait illusoire de penser que la France peut à elle seule contrebalancer de telles puissances et imposer ses vues au sein de ces nouveaux rapports de forces. La construction d’un pôle européen crédible devient dès lors nécessaire si l’on veut avoir voix au chapitre et être à même de défendre nos intérêts au sein des instances internationales. Ces quelques thèmes figurent parmi les principaux enjeux des décennies à venir, tout comme la nécessité de préserver l’unité nationale dont l’armée est le symbole, si ce n’est la garante.
Le choix du futur président de la République sera donc crucial pour l’avenir de notre pays. Je pense pour ma part que François Bayrou a pris la pleine mesure de ces défis et qu’il est plus que tout autre, prêt à les relever.