Les réductions budgétaires en 2014 confirment les écueils capacitaires en 2019!
Le choix du Gouvernement de choisir le dernier Conseil des ministres dans la torpeur de l’été pour présenter la Loi de programmation militaire exprime clairement le peu de considération pour ce qui constitue la rédaction budgétaire pour les cinq prochaines années, du dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Que nous apprend-elle ? Elle vient nous rappeler une douloureuse réalité : celle de la programmation de la dégradation stratégique de la France !
Que peuvent bien faire, en effet, des forces opérationnelles – qui plus est dans un format de projection lui aussi fortement réduit (30 000 forces actuellement qui seront réduites d’ici 2019 à 15 000) – sans capacités suffisantes de gestion et de soutien ? Au-delà, ce saupoudrage qui va de pair avec la suppression de plusieurs régiments et fermetures de plusieurs bases aériennes, touche les hommes comme les territoires. Aurons-nous encore les moyens de nous réjouir demain de la réussite tactico-opérationnelle de l’Opération Serval au Mali ? Si le taux du PIB consacré au secteur de la défense se situe aux alentours de 1,5% en 2014, sans doute sera-t-il réduit à 1,2% d’ici 2019. Faudra-t-il alors compter exclusivement sur les « recettes exceptionnelles » qui – de l’ordre de 6 milliards d’euros de recette espérées issues des cessions immobilières, de participations publiques au sein d’entreprises de défense (Nexter, Safran, EADS) et de ventes de fréquences de téléphonie mobile en 4G et de télévision numérique – n’en sont pas moins trop fortement aléatoires. Espérer, comme le fait ce Gouvernement, que la planche de salut pourrait dès lors venir des grands marchés industriels attendus depuis si longtemps – Rafales indiens ou brésiliens en tête – reviendrait à miser l’avenir de notre outil de défense sur un coup de dés. Malgré la volonté du ministre, la défense n’est pas une priorité budgétaire et stratégique. L’autosatisfaction gouvernementale n’a d’égale que l’inquiétude et le désarroi que sa politique suscite chez nos militaires. Car, c’est un sentiment profond d’injustice qu’ils ressentent, tant ils ont déjà, par leurs louables efforts, lourdement contribue, a l’effort budgétaire pour faire face à la crise. Ce n’est pas parce que la perspective de faire ingurgiter un boa a été globalement évite que les couleuvres que ce Gouvernement prépare doivent être avalé sans broncher… Serons-nous encore ainsi au rendez-vous de la sécurité collective transatlantique ? De la coopération-complémentarité entre les forces armées de nos 27 partenaires européens ? De nos responsabilités au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies ? De la Realpolitik d’un monde en émergence certes, mais dans lequel la volatilité des menaces est toujours aussi grande ? Des enjeux du rééquilibrage de puissances en premier lieu au niveau maritime, notamment à travers les extensions de la souveraineté nationale sur les plateaux continentaux – au-delà de nos 11 millions de Km2 de ZEE ?
Rien n’est moins sûr et ce n’est très certainement pas en retardant et en obérant cet important débat que la France aura encore les moyens de trouver les ressorts d’investir dès à présent dans les secteurs d’avenir ou ceux qui lui donnent une spécificité stratégique (en premier lieu desquels la complémentarité de notre dissuasion nucléaire et de nos capacités en matière de cyber-défense) qui maintiendront in fine sa capacité à se projeter comme grande puissance d’équilibre.