Philippe Folliot est intervenu mercredi 9 mars en séance lors de la discussion sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à actualiser l’ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs. Accordant une importance toute particulière aux difficultés liées à l’absence de statut général des fonctionnaires en Polynésie, Philippe Folliot a rappelé son soutien, ainsi que l’appui des députés du groupe centriste, quant à cette proposition de loi.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, durant quelques heures, nous abolissons aujourd’hui les distances et franchissons les océans pour aborder, dans cet hémicycle, les défis de la décentralisation appliqués au cas de la Polynésie française.
La proposition de loi dont nous discutons, issue d’une initiative prise conjointement par M. Richard Tuheiava, sénateur de Polynésie française et par notre collègue député Bruno Sandras – dont nous connaissons le volontarisme –, peut surprendre, puisqu’il s’agit en réalité de relancer un chantier ouvert voici plus de quinze ans par la loi du 5 février 1994, dite d’orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française, consistant à doter les communes, les groupements de communes et les établissements publics administratifs de Polynésie française d’une véritable fonction publique territoriale.
À ce jour, et alors qu’elles constituent pourtant des collectivités territoriales de plein exercice, dont le droit à la libre administration est garanti par la Constitution, les quarante-huit communes qui se répartissent sur les cent dix-huit îles des cinq archipels qui composent la collectivité de Polynésie française ne disposent pas juridiquement de fonction publique dédiée, à même de soutenir et mettre en œuvre leurs politiques locales.
Ces communes, le plus souvent fortement dépendantes sur le plan financier, se voient contraintes d’employer des agents – 4 547 sur l’ensemble de la collectivité – sous des statuts divers pour remplir les missions et les compétences qu’elles se sont vu confier par la loi organique du 27 février 2004 : police municipale, voirie communale, cimetières, transports communaux, distribution d’eau, collecte et traitement des ordures ménagères, des déchets végétaux et des eaux usées, construction, entretien et fonctionnement des réseaux d’eaux usées.
Loin d’être anecdotique, l’absence de statut pour la fonction publique communale de Polynésie française constitue une raison structurelle des difficultés que peuvent rencontrer certaines de ces communes au quotidien dans la poursuite de leurs missions. La Polynésie présente une spécificité, celle de posséder un territoire s’étendant sur une superficie neuf fois supérieure à celle de la métropole et comportant 4 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive – la plus importante de toute la France. Au sein de la Polynésie, l’unité de déplacement dans l’archipel n’est pas le kilomètre, mais l’heure d’avion ou la journée de bateau. À titre d’exemple, si Tahiti était à la place de Paris, les Marquises seraient à Reykjavik ! Compte tenu de ces particularités géographiques, la nécessité de doter la Polynésie française d’une administration communale de qualité est d’autant plus importante.
Je salue le fait que cette proposition de loi soit inscrite à notre ordre du jour quelques semaines seulement après son adoption au Sénat – lequel, je veux le rappeler, l’avait approuvée à l’unanimité. Pour autant, son existence même peut surprendre les non-initiés : il ne s’agit pas de combler un vide juridique, mais bien de permettre l’application d’une ordonnance, prise le 4 janvier 2005, donc il y a près de sept ans, et qui reste, à ce jour, dépourvue d’effets juridiques faute de textes d’application, décrets et arrêtés du haut-commissaire de la République.
Les concertations constituant un nécessaire préalable à l’adoption de ces textes, menées de manière exigeante et patiente, ont ainsi pris un certain temps avant d’aboutir. Les décrets d’application pris sur la base des résultats de cette concertation vont enfin être adoptés. Vous aviez d’ailleurs indiqué, madame la ministre, lors de l’examen au Sénat de cette proposition de loi, que la parution de ces décrets était désormais prochaine. Je souhaite donc, comme d’autres sans doute, profiter de cette discussion pour vous demander de nous indiquer les délais dans lesquels ces décrets pourront intervenir.
Surtout – c’est le cœur de cette proposition de loi – le texte de l’ordonnance de 2005 était parfois inadapté, parfois excessivement dérogatoire du droit commun, et parfois tout simplement devenu obsolète. En effet, plusieurs réformes majeures étant intervenues depuis 2005 en ce qui concerne le droit de la fonction publique, sans pour autant être transcrites dans le texte de l’ordonnance, que les futurs fonctionnaires des communes de Polynésie française se seraient vus privés de possibilités et d’opportunités reconnues à leurs homologues de métropole – notamment en matière de formation, qui représente un enjeu essentiel. Partant de ce constat, cette proposition de loi vise à traiter plusieurs aspects du problème afin de permettre à ce chantier d’aboutir enfin, pour le plus grand bien des communes polynésiennes : son application devrait permettre également de substantielles économies.
Une fois que le droit commun aura été rétabli, les élus polynésiens pourront s’engager sur un certain nombre de réformes structurelles, sur la rationalisation des outils de gestion des collectivités, sur l’utilisation des moyens au sein de ces collectivités, ainsi que sur les réformes à engager, notamment sur le plan fiscal, pour assurer la permanence fiscale et la pérennité des ressources.
In fine, l’objectif doit être avant tout de doter les collectivités des moyens juridiques adéquats pour assurer une stratégie de développement économique. Il y a là un enjeu essentiel pour l’archipel, car ce développement économique sera la garantie d’une plus grande harmonie et d’une plus grande justice sociale, mais aussi le moyen de mettre en œuvre une réelle politique d’aménagement du territoire à l’échelle de l’archipel.
Je veux saluer le travail effectué tant par les auteurs de cette proposition de loi que par ses rapporteurs à l’Assemblée nationale – je salue tout particulièrement notre collègue Didier Quentin pour l’implication dont il a fait preuve, dans la rédaction de son rapport comme en commission. Dans un premier temps, l’Assemblée nationale et le Sénat ont travaillé sur le texte de l’ordonnance pour y incorporer les principales réformes intervenues depuis son adoption, qu’il s’agisse du principe de la promotion au mérite ou des perspectives de mobilité au sein de chacune des fonctions publiques.
Il s’agit également, dans un second temps et dans une perspective plus large, de poursuivre l’alignement du statut général des fonctionnaires des communes de Polynésie sur le droit commun de la fonction publique territoriale, tout en prenant soin de parvenir à une adaptation de ce modèle qui soit conforme aux enjeux et aux spécificités de la Polynésie.
Sans revenir sur le détail de ces mesures, je veux insister sur le caractère consensuel que revêt cette proposition de loi aux yeux des principaux intéressés, c’est-à-dire des maires polynésiens eux-mêmes qui, par le biais d’associations, se sont pleinement impliqués en amont dans l’élaboration de ce texte et qui attendent son vote avec impatience. C’est un exemple de travail législatif vertueux : non pas une décision venant d’en haut pour s’appliquer sur le terrain, mais au contraire une prise en compte des préoccupations et des enjeux exprimés à partir du terrain et aboutissant à une réponse législative. Ayant pris attache avec mes collègues et amis élus centristes de l’archipel, je peux affirmer que cette proposition de loi fait consensus.
Si je ne m’étendrai pas, comme d’autres l’ont fait, sur le caractère décourageant pour les élus que nous sommes, de voir, faute de textes d’application, les dispositions que nous votons dans cet hémicycle rester inappliqués de longs mois – quand ce ne sont pas, comme dans ce cas, de longues années –, je partage l’opinion selon laquelle ce problème est préoccupant.
Pour conclure, je veux saluer l’occasion que nous avons de faire avancer un texte extrêmement attendu de nos concitoyens de Polynésie. Les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés se prononceront en faveur de son adoption. L’année 2011 ayant été déclarée année des outre-mer, nous devons saisir cette opportunité pour mettre en avant la chance que représente, pour la France et pour la République, l’ensemble des territoires d’outre-mer.