Les débats sur le projet de loi relatif à la bioéthique ont début cette semaine à l’Assemblée nationale. Sujet passionnant et sensible, il a donné lieu à une discussion générale où les députés ont exposé leurs convictions les plus intimes, bien loin des joutes oratoires politiciennes et partisanes. C’est dans ce sens que Philippe Folliot a souhaité prendre la parole.
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour parler d’un sujet particulièrement difficile. Alors que j’avais souhaité écrire un discours, j’ai finalement décidé de vous parler plutôt avec le cœur, tant ce débat touche à l’intime.
Je voudrais dédier les quelques propos qui vont suivre à Jordan. Jordan avait six ans et a été enterré dimanche dans le cimetière d’un petit village de la montagne tarnaise. Certains diront qu’il était handicapé, je dirai qu’il était différent. L’indicible douleur de ses parents, Sébastien et Florence, l’amour qu’ils n’ont cessé de lui porter m’ont convaincu de monter à la tribune pour dire quelques mots, appuyés sur quelques convictions tout en sachant que la question, s’agissant de l’amour, ne peut être formulée qu’ainsi : « Est-ce codifiable ? »
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. J’ai assurément moins lu, moins écouté, moins participé à des colloques ou à des réunions que d’autres. Je n’ai pas non plus pris part aux travaux de la commission spéciale, dont je salue néanmoins le travail important, ainsi que celui accompli par les états généraux. À cette tribune, je souhaite m’exprimer en qualité de parent responsable, de citoyen vigilant et de législateur attentionné.
Certains ont dit qu’il fallait ne toucher aux lois que d’une main tremblante. Sur ce texte, en effet, peut-être plus que sur tout autre, nous devons avoir la main tremblante et le propos mesuré, tant les questions abordées sont difficiles et complexes. En ce qui me concerne, je le fais avec humilité.
Nous constatons tous les progrès fulgurants de la science : il y a quelques décennies, nul n’aurait pu penser que nous irions si loin, si vite, jusqu’à toucher aux fondements mêmes du vivant. Ce que nous avons à traiter, c’est l’écart grandissant entre ces progrès scientifiques et la capacité d’assimilation de la société.
Il s’agit d’un difficile équilibre à trouver. Certains ont évoqué des situations personnelles touchantes, le vécu de personnes de leur entourage, ayant trait aux difficultés de couples en mal d’enfant, aux problèmes liés à la maladie ou au handicap. Face à ces situations personnelles et à ces demandes très fortes, nous devons, lorsque les moyens techniques existent, apporter des réponses, mais il faut aussi poser des principes dans la loi pour éviter les dérives : l’eugénisme, la marchandisation…
Il existe un certain nombre de bornes auxquelles se réfère chacun d’entre nous, quelles que soient ses convictions intimes et ses croyances. Si toutes sont, à mes yeux, respectables, je crois que, sur un point au moins, nous pouvons nous retrouver : la dignité humaine, qui est inviolable et doit être protégée. La volonté de défendre les plus vulnérables doit également être un moteur de notre action.
L’un des points essentiels de ce texte a trait au statut de l’embryon. Nous sommes souvent revenus sur cette problématique forte – et pour cause : ne l’avons-nous pas tous été ? La réponse à la question de ce qu’est l’embryon – une chose, une personne, une réalité intermédiaire, ce que certains appellent un corps embryonnaire – est un élément essentiel à la compréhension des différentes positions possibles. En ce qui me concerne, je dis oui à la recherche sur l’embryon, mais non à l’embryon comme matériau de recherche.
La question qui en découle est celle des embryons dits surnuméraires, au nombre de 170 000, et conservés en état de congélation. Il est clair que nous devons être très prudents, et je pense personnellement que nous n’avons pas à les conserver. Je le dis de façon responsable : demain la situation peut être différente, et si nous ne mettons pas dès à présent des garde-fous, nous risquons gros.
Il faut qu’il y ait, préalablement à toute volonté de procréer, un projet parental. Les questions du diagnostic prénatal, du dépistage des maladies par le biais des DPI, sont posées. Si le risque d’eugénisme n’existe pas directement, nous ne pouvons exclure qu’il existe de manière larvée. Dans une société où celui qui est jeune, beau, riche, intelligent, a plus de chances et de possibilités que d’autres, il ne faudrait pas qu’un déterminisme scientifique prenne le pas sur le mystère et les hasards de la vie.
Oui à l’assistance médicale à la procréation. Oui au don de gamètes dès lors qu’il reste anonyme. Non à la gestation pour autrui. Oui à l’utilisation du sang du cordon ombilical, aux travaux sur les cellules adultes. Au-delà, il faut favoriser l’information, la recherche, favoriser aussi, pour celles et ceux qui sont en mal d’enfant, l’adoption ; même si le thème n’est pas directement lié au débat, il est important.
De nombreux collègues ont évoqué les dons d’organes. Bien entendu, il faut les favoriser, passer d’une réalité quelque peu statique à des schémas plus actifs. Il est en effet des situations personnelles pour lesquelles il est important de faire que ces dons se généralisent.
« Seul l’amour peut garder quelqu’un vivant », disait Oscar Wilde : l’amour pour donner la vie, l’amour pour sauvegarder la vie, l’amour pour prolonger la vie. Je crois que, pour légiférer sereinement, il faut le respect. Sur ce texte, plus que sur les autres, respectons-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)