Philippe Folliot, vice-président de la commission de la défense, a été désigné rapporteur pour avis de la commission sur l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense. Après avoir présenté son rapport en commission de la défense, il en a présenté les conclusions en séance publique ce jeudi.
Ces accords de partenariat de défense, fondés sur la concertation et l’égalité de statut, visent à promouvoir un chantier commun : celui de la sécurité de l’Afrique. La non intervention en cas de crise intérieure, les activités menées d’un commun accord, la contribution à la réalisation du système africain de sécurité collective voulu par l’Union Africaine et soutenu par l’Union Européenne en sont les caractéristiques principales.
Philippe Folliot a particulièrement insisté dans son intervention sur la philosophie de ces accords avec les pays partenaires africains qui ouvrent une nouvelle étape dans la modernisation des relations de défense entre la France et l’Afrique. En conclusion, il a émis quelques recommandations sur la mise en oeuvre et le suivi de cet accord en souhaitant notamment que le Parlement soit pleinement associé à la politique de coopération de défense avec l’Afrique tant par le biais des commissions organiques que par les groupes d’amitié.
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l’accord France-Cameroun. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi ainsi que des trois suivants a été l’occasion pour notre commission de nous pencher sur l’évolution de notre politique de défense en Afrique.
Comme chacun le sait et comme notre histoire commune en témoigne, ce continent a toujours occupé une place essentielle pour notre pays. Au lendemain des indépendances, la France et nombre de ces nouveaux États ont souhaité conserver des liens étroits. Notre pays a donc maintenu d’importantes forces en Afrique, soit sur une longue durée, avec un dispositif de présence, soit de façon plus ponctuelle, à l’occasion d’opérations extérieures.
Cet investissement est toujours d’actualité, ainsi que l’illustrent les soubresauts que connaît actuellement le continent africain. Cependant, à la suite de l’adoption du Livre blanc sur la défense, les forces françaises de présence en Afrique vont être concentrées essentiellement à Djibouti, Libreville, Dakar, et peut-être, à terme, de manière plus pérenne à N’Djamena. Les effectifs vont être limités à 4 100 personnels.
Parallèlement, c’est aussi le rôle de nos troupes en Afrique qui s’est transformé. En cinquante ans, les États africains ont non seulement renforcé leurs capacités militaires mais également affirmé leur volonté de gérer eux-mêmes les questions de sécurité sur leur continent. Il faut s’en réjouir et en tirer les conséquences.
C’est ce qu’a fait la France en réduisant quantitativement mais non pas qualitativement son dispositif de présence et aussi en accompagnant la construction des armées nationales ainsi que de la force régionale de maintien de la paix et de gestion de crises, dite Force africaine en attente. C’est le sens du dispositif RECAMP, auquel nos partenaires européens se sont joints.
La renégociation des accords de défense liant la France à certains pays africains vient parachever ce processus. Les accords de partenariat négociés avec ces huit pays africains sont fondés sur un modèle unique. En effet, être membre du Conseil de sécurité implique pour notre pays certains droits mais aussi certains devoirs. Nous avons une responsabilité toute particulière vis-à-vis de l’Afrique ; du reste, les événements qui se déroulent en Côte d’Ivoire l’illustrent à bien des égards.
Leur adoption permettra d’abroger les anciens accords de défense. Ceux-ci sont en effet devenus obsolètes et leur maintien suscite inutilement la polémique. Ils prévoyaient généralement une intervention automatique de la France en cas de menace pesant sur la souveraineté territoriale de l’État partenaire, voire, pour certains accords, des clauses d’assistance au maintien de l’ordre qui ne sont plus d’actualité.
En somme, il nous faut aujourd’hui valider une nouvelle étape dans la modernisation des relations de défense entre la France et l’Afrique. Le Président de la République en avait tracé les grandes lignes dans son discours du Cap du 28 février 2008. Ce continent jouera un rôle de plus en plus important et essentiel dans les affaires du monde au XXIe siècle.
Soutenir cette nouvelle étape me semble d’autant plus nécessaire que l’actualité nous montre à quel point la sécurité et le rang de la France sont indissociables de notre présence en Afrique. Nous en avons des illustrations parfaites en Côte d’Ivoire ou dans le Sahel.
En outre, la France est plus que jamais en situation de concurrence stratégique avec d’autres puissances, comme le suggèrent l’investissement sécuritaire américain sur ce continent ou encore l’offensive commerciale chinoise pour y « rafler » les matières premières.
J’en viens au détail de l’accord avec le Cameroun.
Celui-ci partage un tronc commun avec les autres accords : il définit un champ de coopération suffisamment large, règle le statut des personnes et le droit applicable à leur activité.
Ainsi, nos coopérants relèveront du droit camerounais pour leur activité quotidienne. L’utilisation des armes de dotation relèvera du droit camerounais, sauf accord des deux parties pour appliquer le droit français. Enfin, l’accord assure la mise à disposition de moyens immobiliers et logistiques pour la mise en œuvre de la coopération.
Il diffère des autres accords en ce qu’il définit le statut de personne à charge en fonction du droit du pays d’accueil, ce qui pourrait poser un problème pour nos personnels pacsés. Surtout, il contient une annexe réglant le fonctionnement de la mission logistique française de Douala, essentielle à l’activité de nos opérations extérieures au Tchad et en République centrafricaine.
Je me réjouis de cet accord qui nous permettra d’entretenir la relation de confiance qui unit la France à ce partenaire stratégique qu’est le Cameroun. Je rappelle que ce pays, un condensé d’Afrique à la stabilité remarquable, est le premier bénéficiaire de notre coopération de défense. Malgré des difficultés que nul n’ignore, et la situation spécifique de ce pays qui n’est pas toujours en phase avec nos standards démocratiques, il est un acteur fiable qui sait faire preuve d’efficacité, comme l’illustre la lutte qu’il mène contre les actes de brigandage et de piraterie maritime avec ses bataillons d’intervention rapide.
En conclusion, je crois nécessaire de partager avec vous quelques réflexions.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’accord lui-même, je souhaite que le Gouvernement se montre plus précis sur la composition des comités qui assureront le suivi. Notre commission a d’ailleurs décidé d’assurer un contrôle régulier de leurs activités.
Ensuite, je crois que notre devoir est d’engager une réflexion sur les moyens de maintenir notre présence au Tchad puisque l’opération Épervier dure depuis près de trente ans.
Sur un plan plus général, je tiens à souligner que nous devons sanctuariser les moyens pour la coopération bilatérale. La mise en œuvre d’actions dans un cadre multilatéral ne doit pas nous interdire d’agir directement avec nos partenaires.
Enfin, je souhaite que ce débat engage dans la durée la pleine association du Parlement à la politique de coopération de défense avec l’Afrique tant par le biais des commissions organiques que par les groupes d’amitié.
La commission de la défense, comme le rapporteur, a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.