Il y a un risque moins frontal et plus pernicieux pour les démocraties : c’est la tentation de prise en otage de décisions prises démocratiquement par une petite minorité organisée et déterminée qui par tous les moyens veulent bloquer les processus décisionnaires.
Il va de soi qu’en démocratie chacun a le droit légitime d’exprimer son opposition à une idée, un projet ou une réalisation, mais pour autant celle-ci s’arrête au moment ou on ne respecte plus le cadre démocratique.
Prenons l’exemple de l’A69 Castres Toulouse. Ce projet a fait l’objet de deux débats publics ( grand contournement de Toulouse en 2007 l’autoroute Castres Toulouse en 2010) qui ont coûté des centaines de milliers d’euros, moultes contributions ont été déposées ou chacun a pu exprimer ses opinions et positions. De tout cela est ressorti une écrasante majorité en faveur du projet puis une décision gouvernementale, un vote parlementaire qui ont abouti à une Déclaration d’Utilité Publique.
Le projet a été financé avec une participation des collectivités locales et de l’Etat (du reste 90% inférieure aux prévisions) et un concessionnaire innovant a été choisi qui prévoit moins d’artificialisation et plus de compensations environnementales. Cette DUP, et c’est le droit des opposants en démocratie, a été contestée devant les tribunaux et tous les recours ont été perdus par ceux-ci. Maintenant on en arrive à la situation actuelle ou certains opposants radicaux et extrémistes veulent faire arrêter un chantier engagé et ce, uniquement, au nom de leurs propres visions des choses.
Tout ceci est insupportable et nous, ruraux et habitants des villes moyennes du sud du Tarn ou d’ailleurs, nous en avons
ASSEZ!
ASSEZ d’être victimes d’une injustice territoriale pénalisante pour tout un bassin d’emploi, ses habitants, ses forces vives économiques et syndicales.
ASSEZ d’être pris en otage par des acteurs politisés extérieurs qui instrumentalisent une cause dite environnementale contre l’aménagement d’un territoire.
ASSEZ des donneurs de leçons extérieurs qui n’ont jamais mis les pieds dans le Tarn et veulent nous dicter ce qui serait bon ou pas pour nous. Samedi dernier, encore, sur une grande radio nationale je me suis retrouvé face à trois opposants à l’A69 : un géographe parisien, un auditeur de Boulogne Billancourt et un gréviste de la faim néo rural vivant dans les hautes Pyrénées !!!!
ASSEZ d’être traités d’ irresponsables écocides alors que nous sommes sur un territoire qui a peu artificialisé jusque là, qui a toujours fait des efforts et les poursuit notamment sur les transports collectifs et doux, la sobriété énergétique et le développement des énergies renouvelables…
ASSEZ que la voix des élus, qui ont reçu la légitimité du suffrage universel, soit par certains, perçue égale ou inférieure à celles d’associations, collectifs, ONG, dont parfois les membres ne représentent qu’eux-mêmes.
ASSEZ alors que l’Etat, suite aux annonces en 2021 sur place du premier ministre, devrait afficher une position ferme et sans faille, , nous ne sommes pas naïfs pour ne pas voir dans les « tergiversations » du ministre des transports, que celui-ci souhaiterait, sur notre dos, donner quelques gages à un électorat écolo-bobo de la capitale au regard de ses probables visées sur la mairie de Paris .
ASSEZ! L’agglomération Castres Mazamet est le seul territoire de plus de 100 000 habitants à ne disposer ni d’autoroute, ni de gare TGV, ni d’aéroport international!
ASSEZ, nous en avons ASSEZ parce que nous voyons que si ce projet était arrêté, la parole de l’Etat serait durablement discréditée et tous projets dans ce département (qui a déjà connu le regrettable abandon du projet de Sivens) comme ailleurs dans le pays, seraient dorénavant susceptibles, même une fois engagés, d’être arrêtés par une minorité organisée contre la majorité démocratique.
Enfin ASSEZ d’être pris pour des « bouseux », des « attardés » , des « imbéciles »… Je sens comme jamais une colère sourde qui remonte de nos territoires et je crois qu’il serait dommage pour ne pas dire irresponsable de ne pas l’entendre.
Extrait de l’éditorial « démocraties en danger »