Membre titulaire de la commission d’évaluation des politiques de l’Etat Outre-mer, Philippe Folliot est naturellement intervenu comme porte-parole de son groupe sur la proposition de loi organique des sénateurs Louis-Constant FLEMING et Michel MAGRAS tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française.
Ce texte technique, concernant les dispositions fiscales nouvelles rendues nécessaires par le changement de statut des collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy, a toutefois permis à l’auteur de France-sur-Mer, un empire oublié de rappeler l’importance humaine, géostratégique et politique de l’Outre-mer pour la France – particulièrement en cette année 2011 des Outre-mers. Citons à cet égard la conclusion emblématique de l’intervention de Philippe Folliot sous forme d’interpellation de la Ministre de l’Outre-mer:
“Vous devriez profiter de cette année, Madame la Ministre, pour nous donner d’autres occasions de débattre de l’importance de l’outre-mer. Nous devons veiller, tous ensemble, à ce que l’Assemblée soit un lieu d’échanges qui nous permette de réfléchir à un véritable projet pour l’outre-mer et d’afficher une ambition et une volonté pour ces territoires. J’espère, Madame la Ministre, que l’ensemble de la représentation nationale se retrouvera à vos côtés pour poursuivre cet objectif.”
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’actualisation de l’ordonnance portant statut général des fonctionnaires de Polynésie française, nous voici à présent saisis, comme un second temps de cet après-midi consacré à nos collectivités d’outre-mer, de quatre accords fiscaux conclus par l’État avec les collectivités de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et de la Polynésie française et nécessitant, afin d’entrer en vigueur, l’approbation du législateur organique.
Rappelons que ce texte, adopté en première lecture par le Sénat le 14 février 2011, résulte d’une proposition de loi de nos collègues sénateurs Louis-Constant Fleming et Michel Magras, respectivement sénateurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il nous propose d’approuver quatre accords de nature fiscale – un accord fiscal de plein exercice et trois conventions d’entraide fiscale – conclus entre l’État et des collectivités territoriales d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution.
Il s’agit de la convention entre l’État et la collectivité territoriale de Saint-Martin en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales, signée à Saint-Martin le 21 décembre 2010 ; de l’accord entre l’État et la collectivité territoriale de Saint-Martin concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Saint-Martin le 23 décembre 2009 ; de l’accord entre l’État et la collectivité territoriale de Polynésie française concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Papeete le 29 décembre 2009 ; enfin, de l’accord entre l’État et la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Saint-Barthélemy le 14 septembre 2010.
Ce faisant, nous abordons un débat qui se situe au croisement entre, d’une part, le combat pour la transparence financière et la coopération fiscale internationale, dans la ligne des conclusions du G20, et, d’autre part, la réorganisation du paysage institutionnel des collectivités d’outre-mer, opérée en 2003.
Parmi ces quatre accords, trois concernent donc plus particulièrement deux jeunes collectivités, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui, de communes rattachées au département de la Guadeloupe, se sont vues érigées en collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, à la faveur de la loi organique du 21 février 2007.
Fortes de la souplesse du cadre juridique fixé par l’article 74, ces collectivités ont ainsi choisi, en décidant de se doter d’un régime fiscal spécifique, conformément à la possibilité ouverte par le législateur organique, de constituer deux nouvelles juridictions fiscales, au sens que donne à ce terme l’Organisation pour la coopération et le développement économique, constituant ainsi des territoires fiscalement autonomes de la métropole.
Ce choix ayant été fait et traduit dans les actes, il appartenait à ces nouvelles autorités fiscales d’organiser leurs relations avec l’État, en fixant notamment l’étendue de leurs assiettes fiscales respectives, ainsi qu’en prévenant les risques de double imposition, à la manière de deux États étrangers négociant une convention fiscale sur la base des préconisations de l’OCDE.
Si le choix opéré par la collectivité de Saint-Barthélemy de ne prévoir aucun impôt direct, à l’exception d’une taxe sur les plus-values immobilières, a rendu sans objet une telle démarche après l’adoption voilà un an de dispositions organiques spécifiques, Saint-Martin a pour sa part emprunté une voie différente en décidant de prélever, sous réserve de certaines adaptations, la plupart des impôts directs prévus par le code général des impôts et s’est ainsi trouvé dans l’obligation de négocier avec l’État la convention fiscale dont l’approbation est proposée à l’article 1er de ce texte.
Si je n’entends pas revenir ici sur le dispositif précis de cette convention, que notre rapporteur Didier Quentin a justement et brillamment exposé, je veux néanmoins saluer l’esprit dans lequel celle-ci a été négociée, en ne se limitant pas à prévenir les cas de double imposition ou à prévenir la fraude et l’évasion fiscales, mais en s’attachant également à définir une répartition équitable de l’assiette fiscale entre l’État et la collectivité de Saint-Martin.
En témoigne ainsi l’entorse faite au principe, constant dans ce type de conventions, selon lequel les revenus versés par un État à ses agents ne peuvent être imposés que par lui. Afin de ne pas priver la collectivité de Saint-Martin d’une part substantielle de ses ressources, les fonctionnaires de l’État y représentant plus de 5 % de la population active, il a ainsi été décidé que les rémunérations versées par l’État à ses fonctionnaires seraient imposées au profit des deux parties à l’accord – l’État, donc, mais également Saint-Martin –, dans une configuration ne se traduisant pas pour ces agents par une perte ou une diminution de leur pouvoir d’achat.
Il s’agit là, me semble-t-il, d’un choix des plus heureux. C’est le signe d’une solidarité permanente avec nos concitoyens de Saint-Martin, où le chômage continue d’être bien plus élevé qu’en métropole ; cela témoigne de l’existence d’un lien fort qui ne saurait être remis en cause par le chemin institutionnel que s’est choisi cette collectivité.
Je voudrais toutefois, madame la ministre, vous poser une question au regard de la spécificité de Saint-Martin, qui dispose d’une frontière de quatorze kilomètres, si ma mémoire est bonne,…
M. René Dosière. Cette frontière est très virtuelle !
M. Philippe Folliot. Justement !
Cette frontière, disais-je, sépare Saint-Martin de l’autre partie de l’île, qui est sous juridiction néerlandaise. J’aimerais savoir si, de l’autre côté de l’île, les mêmes efforts sont faits en matière de fiscalité et de transparence. Car s’il s’avérait que nous sommes vertueux du côté français de Saint-Martin, mais que le côté néerlandais l’est moins, cela ne manquerait pas de poser problème, d’autant que, comme notre collègue Dosière l’a fort justement souligné, cette frontière est virtuelle à certains égards. Il ne faudrait pas créer de distorsions entre les deux parties de l’île.
Saint-Martin et, cette fois, Saint-Barthélemy ont d’autre part conclu, de même que la Polynésie française, qui y avait pour sa part été incitée dès 2009 par l’adoption de la LODEOM, des accords de coopération administrative en matière fiscale, destinés à permettre les éventuels échanges d’informations et de renseignements nécessaires pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Alors que le G 20 a fait de la conclusion ou de la mise à jour de ce type d’accords l’un des leviers privilégiés du combat pour la moralisation de la finance internationale et contre ces véritables trous noirs financiers que constituent les paradis fiscaux, lesquels méritent d’être dénoncés avec force, je voudrais, cette fois, saluer le souci d’exemplarité qui marque ces trois accords passés avec nos collectivités d’outre-mer. Certes, quelques points posent problème, notamment en ce qui concerne la réciprocité des échanges d’informations entre ces collectivités et des États ou territoires tiers, et nous formons le vœu que ce soit une interprétation souple de ces accords qui continue de prévaloir, afin de ne pas hypothéquer la qualité de la coopération que nous entendons mener avec l’ensemble de nos partenaires.
Cette remarque étant faite, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera en faveur de l’approbation de ces quatre accords.
Toutefois, si l’année 2011 est l’année des outre-mer, elle ne doit pas se limiter au vote de textes comme ceux que nous examinons cet après-midi. Le statut de la fonction publique territoriale en Polynésie ou la ratification de conventions fiscales sont certes des sujets très importants. Mais l’année des outre-mer ne doit pas se limiter à cela, ni au symbole représenté par l’illumination particulièrement réussie du fronton de l’Assemblée nationale. Vous devriez profiter de cette année, madame la ministre, pour nous donner d’autres occasions de débattre de l’importance de l’outre-mer. Nous devons veiller, tous ensemble, à ce que l’Assemblée soit un lieu d’échanges qui nous permette de réfléchir à un véritable projet pour l’outre-mer et d’afficher une ambition et une volonté pour ces territoires. J’espère, madame la ministre, que l’ensemble de la représentation nationale se retrouvera à vos côtés pour poursuivre cet objectif.