L’Alliance centriste, présidée par Jean ARTHUIS, réunie en convention nationale ce le 2 juillet à Angers, s’est prononcée pour le report de son adhésion à la Confédération des Centres lancée par J. L. Borloo. Pour Jean Arthuis, l’adhésion à la confédération est liée à trois conditions, l’indépendance, le positionnement au centre et l’ouverture à tous les centristes, qui ne sont pas réunies pour le moment. Le président de l’alliance a par ailleurs mis en exergue, lors de ce rassemblement, les différentes grandes idées de l’Alliance Centriste.
ANGERS – 2 juillet 2011
CONVENTION DE L’ALLIANCE CENTRISTE
« La Ve République fait de l’élection présidentielle une redoutable épreuve pour la famille centriste. A l’exception de Valéry Giscard D’Estaing, son candidat est à la peine pour se hisser au second tour. Et lorsqu’il y parvient, tel Alain Poher en 1969, la confrontation avec le candidat de droite ne lui offre pas l’appui des voix de gauche. Avec le raccourcissement à cinq ans du mandat présidentiel, nous l’avons vécu en 2002 puis en 2007, l’épreuve a pris l’allure d’une véritable centrifugeuse, comme si nous étions voués à la dispersion, voire à la disparition. Et pourtant, nos idées n’ont peut être jamais été si adaptées à la situation que traverse notre pays désormais confronté aux défis de la mondialisation.
Si nous sommes réunis aujourd’hui à Angers, c’est que nous entendons enrayer cette malédiction institutionnelle. C’est peu dire que de rappeler combien nous avons été malheureux de constater, au début du printemps 2008, la confusion entre indépendance et isolement. Notre premier appel au rassemblement date de juin 2008 ! Depuis lors, nous n’avons cessé de nous engager, de nous mobiliser pour refonder notre mouvement sur ses valeurs de solidarité sociale et de liberté, prônant le dialogue entre les militants et les élus des différentes composantes dispersées par les querelles d’égo, les calculs à court terme, les cultures et traditions locales. Il y a urgence à revenir aux fondamentaux et aux évidences.
L’Europe et la France restent en crise profonde. Crise des dettes souveraines de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal dans une Union européenne en proie au doute, menacée par l’implosion. En effet, par voie de contagion, le risque systémique met en danger les banques et le financement de l’économie. Crise de nos finances publiques lourdement hypothéquées par nos déficits chroniques et crise de notre modèle social que nous n’avons pas eu le courage d’adapter aux enjeux de la compétitivité. Nous doutons de nos capacités à retrouver la croissance sans laquelle le chômage ne peut rester qu’à un niveau élevé, financièrement insupportable dans la durée, socialement et humainement inacceptable. Face aux défis de la mondialisation, la gouvernance publique s’abandonne à l’illusionnisme, au déni de réalité, à la communication qui fait de l’annonce le substitut de l’action. Cette pratique conduit fatalement à de trop fréquents affichages de l’impuissance publique !
La Gauche et la Droite continuent à ferrailler sur des partitions archaïques, chérissant des tabous anachroniques, endettant les institutions publiques pour perpétuer les inégalités, ajournant ou renonçant aux vraies réformes pour espérer occuper le pouvoir au risque de ne plus l’exercer faute de vision réaliste. L’exigence éthique elle-même semble avoir pris ses distances avec l’action publique. Le cynisme et l’inconséquence ont montré toutes leurs limites, plongeant les citoyens dans un profond désenchantement par rapport à la politique. La tentation devient forte pour les électeurs de se tourner vers l’offre extrémiste, celle de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélanchon dont les propos sont en résonnance avec ce qu’ils subissent et ressentent. Funeste orientation vers des impasses absolues : rejet de l’euro et de l’Europe, négation de la globalisation, repli sur soi, amalgame entre immigration et insécurité, nostalgie de l’Etat providence, refus de la mondialisation, retour en arrière. C’est dans ces conditions qu’une partie de l’UMP tente de courir derrière le Front national alors que le PS va appeler à gauchir ses propositions. L’espace central ne peut demeurer en jachère, inoccupé pour cause de division au centre.
A dix mois de l’élection présidentielle, échéance cruciale dans notre vie nationale, les centristes ont le devoir d’assumer leur mission, d’occuper la place qui leur revient sur l’échiquier politique et de faire émerger, par leurs propositions, les grandes lignes des réformes qui nous attendent. Réformes qui ne peuvent plus attendre et dont la mise en œuvre ne peut s’accomplir en opposant un camp contre l’autre. A l’heure de la mondialisation, nos querelles rituelles et claniques sont devenues mortifères.
Signe encourageant et prometteur, le rassemblement centriste est apparemment enclenché mais nous devons prendre quelques précautions pour en faire une alternative crédible. Nous devrions nous en réjouir car nous n’avons eu de cesse, depuis 2008, d’appeler au rassemblement. Si l’élection présidentielle est bien la rencontre du candidat avec le peuple français, il importe que le candidat exprime une vision lucide et soit porteur d’un projet d’action inspirant la confiance en notre avenir. Pédagogue, le candidat doit en outre se porter garant d’une gouvernance impartiale, conforme à l’éthique inspirée par les valeurs dont nous sommes porteurs, a l’abri des conflits d’intérêts et du mélange des genres.
La vision, c’est la prise en compte de la mondialisation soudainement accélérée par les moyens modernes de transport et de communication numérisée. Quelle politique énergétique au lendemain de la catastrophe de Fukushima ? Quel rôle des Etats et quelle régulation mondiale en matière de sûreté nucléaire ? Quelle régulation des marchés financiers, quelle surveillance prudentielle des banques et des assurances, à quel niveau ? Etats, Union européenne, G20 ou FMI? Quels moyens développer contre les « paradis fiscaux », ces « trous noirs » de l’économie, complices des pires turpitudes, et quelle réponse face à l’optimisation fiscale des grands groupes internationaux tels Google ou Microsoft ? Comment réagir face à la volatilité de la matière imposable ? Comment prévenir les délocalisations d’activités et d’emplois ? Toutes ces questions appellent des réponses concrètes. Il n’y a plus place pour les propos anesthésiants ou les gesticulations de circonstance.
La vision lucide, c’est de considérer que la gouvernance politique du monde reste largement virtuelle. En tout état de cause, n’attendons pas du Monde qu’il règle nos problèmes à notre place. Si les sommets des chefs d’Etat ou de gouvernement sont des événements médiatiques, les annonces promettent des mesures dont la concrétisation s’inscrit à l’horizon et s’éloigne comme lui. En tout état de cause, le poids de la France seule ne saurait suffire à faire bouger les lignes. Nous ne pouvons peser qu’à l’échelon européen, dans le cadre d’une gouvernance commune digne de ce nom. Mais pour être entendue par ses partenaires, la France doit être exemplaire et afficher une réussite incontestable dans la résolution des problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens. C’est peu dire que nous avons d’immenses marges de progression et que c’est précisément sur ce terrain que nous sommes attendus. Cessons de nous payer de mots et commençons donc par nous rassembler, au centre, pour mettre nos idées au clair et articuler notre projet. Il n’y place ni pour le ressentiment ni pour l’antisarkozysme. Commençons donc par démontrer que nous sommes capables de concevoir un projet original, à la mesure des difficultés que nous devons surmonter et des dérives qui hypothèquent notre avenir. Pour cela, nous devons rompre avec les discours faussement rassurants et prendre en compte la réalité, sortir du jeu stérile où s’est malheureusement cantonné la politique et l’art de gouverner.
Deux impératifs s’imposent à nous : rétablir la compétitivité pour gager notre attachement à la solidarité sociale, et assainir nos finances publiques en actionnant un frein puissant à l’endettement. Notre souveraineté, notre indépendance nationale, la solidarité intergénérationnelle sont en cause. Les pays qui s’endettent se mettent dans la main de leurs créanciers. Il ne suffit pas d’inscrire une hypothétique règle d’or dans la Constitution pour dissiper le doute. La loi de finances rectificative que vient de voter le Parlement est-elle en phase avec l’ambition affichée ? A l’évidence, non. En ce qui nous concerne, l’exercice n’est crédible que si nous parvenons à démontrer que nous avons identifié les sources d’économies dans les dépenses publiques. L’exercice n’est crédible que si nous démontrons la faisabilité de nos propositions pour rétablir la compétitivité, notamment en réformant notre système fiscal et l’ensemble de nos prélèvements obligatoires pour les rendre lisibles, compréhensibles, stables, prévisibles et justes. Allons-nous continuer à taxer le travail et la production pour privilégier la consommation de produits et de services venus d’Europe centrale, d’Asie ou d’ailleurs ? Si nous entendons faire disparaître les déficits et organiser le reflux de nos dettes, l’exercice n’est crédible que si nous annonçons que la hausse des prélèvements obligatoires est inéluctable, pour l’essentiel par la suppression des coûteuses niches fiscales. Puisque nous n’échapperons pas au consentement d’un effort collectif, celui-ci devra être équitablement réparti et chacun devra contribuer à la mesure de ses capacités contributives. Les plus fortunés payeront plus, c’est la règle. A l’inverse, la solidarité ne doit en aucune façon dériver vers un assistanat laxiste.
L’excès d’habilité politique, celle qui mène au pouvoir, a conduit la France dans l’impasse où nous sommes, c’est-à-dire au bord du chaos. Je me permets de vous recommander mon dernier livre « SOS Finances publiques – Osons les vraies réformes ». Il contient des pistes de redressement adaptées à notre situation, c’est ma contribution au débat que je crois incontournable. Notre feuille de route centriste est clairement balisée, par la lucidité et le courage. Le projet dont nous avons arrêté les grandes lignes, auquel vous avez collaboré par vos propositions d’amendements, par vos suggestions et vos critiques, projet qui n’est pas totalement abouti. Je suis bien conscient de la nécessité de l’améliorer encore. Il reste un « projet martyre ». Mais c’est déjà notre projet et nous sommes prêts à en discuter avec nos partenaires centristes, dès que le rassemblement se sera opéré!
Pouvons-nous rassembler sur un tel impératif ? Je veux vous faire partager ma conviction que c’est notre raison d’être, notre valeur ajoutée spécifique, le sens de notre engagement.
Quelle est la situation au centre ? Elle bouge, une confédération vient de se constituer, réunissant le Nouveau Centre, le parti Radical et la Gauche Moderne. Nous avons participé à l’étude de sa fondation et avons posé trois conditions à notre adhésion :
– La confédération doit être indépendante de tout autre parti. Aucune ambiguïté ne peut subsister sur ce point, c’est une question de crédibilité ;
– Le positionnement politique est délimité par nos valeurs et milite pour un saut qualitatif de l’Europe. La gouvernance actuelle a montré toutes ses limites face à la crise. Il est temps de jeter les bases du fédéralisme si nous entendons éviter l’implosion de l’euro et de l’Union européenne ;
– L’ouverture à tous les centristes ne supporte aucune exclusive. Elle ne signifie pas pour autant qu’un bonapartiste en délicatesse avec son propre parti ou avec le Président de la République puisse se recycler chez nous.
C’est trois conditions sont-elles remplies aujourd’hui ? Vous me permettrez d’en douter. Si le parti Radical a fait le choix de sortir de l’UMP, il faudra attendre le mois d’octobre, la rentrée parlementaire, pour compter le nombre de ses députés et sénateurs ayant concrétisé cette option. Quant au positionnement politique, il exclut que l’on puisse présenter notre candidat à l’élection présidentielle en proclamant avant le premier tour vers quel autre candidat irait notre ralliement si le notre n’était pas qualifié pour le second tour. Enfin, pour satisfaire à l’ouverture, nous avons besoin de prévoir la présence de François Bayrou et du Modem. Les premiers pas de la confédération, dénommée Alliance, constitue une vraie reconnaissance pour l’Alliance Centriste et une vraie confusion qu’il convient de dissiper, oui, ces premiers pas sont sans doute prometteurs. Mais rappelez sans cesse autour de vous que la « Vraie Alliance », c’est nous !
Observant, avec toute la bienveillance requise, les modes de communication de la toute nouvelle Confédération, vous m’autoriserez toutefois à m’interroger sur la sincérité de tel thuriféraire de Nicolas Sarkozy promptement reconverti à chanter les louanges de Jean-Louis Borloo. De même, à moins de trois mois du scrutin sénatorial, je constate que la Confédération semble encourager des candidatures contre des sénateurs sortants membres du groupe de l’Union Centriste. Etrange signal alors que ce groupe symbolise précisément le regroupement des centristes. Tout cela pour vous dire que nous devons confirmer notre volonté de rassembler les centristes et laisser passer l’été pour qu’aboutisse la convergence générale. D’ici là, je vous encourage, dans les départements à conforter la dialogue et le travail en commun avec tous les élus et militants centristes. Les édifices durables, sont ceux dont les fondations sont solides. L’étude, la mise en forme, l’écriture, les arbitrages de notre projet sont essentiels pour les échéances à venir. Nous y sommes prêts puisqu’en ce qui nous concerne, les grandes orientations de notre projet sont déjà sur table. Nous testerons ainsi la gouvernance qui nous a tant fait défaut jusqu’à maintenant. L’heure viendra alors de choisir dans nos rangs centristes, celle ou celui qui nous paraîtra le plus apte à porter le projet devant les Français lors de l’élection présidentielle. Mais soyons bien conscients que le crédit de notre candidat dépendra de l’esprit d’équipe, de confiance, de conviction et d’enthousiasme qui nous animera tous. Ce sera la fin des querelles d’égo, des rumeurs, des calculs et des vaines gesticulations. Le pire serait de faire du premier tour de l’élection présidentielle une primaire dans la majorité ! Telle ne peut être notre démarche.
Si nous entrons en campagne, c’est parce que nous entendons résoudre les problèmes des Français. C’est la fin de l’anesthésie collective. Pour qu’il en soit ainsi, il faudra sortir des sentiers battus et oser. Oser réformer, oser rompre avec les tabous de la République, oser sortir des inégalités, oser sortir des propos clivant, oser tordre le cou aux dénis de réalité, oser secouer les conservatismes et les attentes catégorielles, oser privilégier l’intérêt général.
Alors oui, osons conclure un « pacte de confiance » avec les Français et faisons de la préparation de l’élection présidentielle l’activateur de notre rassemblement. Nous aurons ainsi clos le néfaste enchaînement des échéances passées et démontré que si l’élection présidentielle est désormais prometteuse pour la famille centriste, le centre et les centristes sont prêts à sortir la France des sentiers battus. Oui nous sommes prêts à remettre la politique au service de tous les Français.