Pour répondre aux nombreuses questions que se posent les castrais et les castraises sur la décision de la cour administrative d’appel de Bordeaux de condamner la ville de Castres à une amende record de 33 millions d’euros dans le contentieux l’opposant à la Lyonnaise des Eaux, Philippe FOLLIOT et le groupe Castres Ensemble ont décidé de rédiger un questionnaire vérité sur les tenants et les aboutissants d’une telle décision de justice aux conséquences si inquiétantes pour l’avenir de la ville.
1 – La ville a-t-elle fait une bonne affaire en prenant le risque de rompre unilatéralement le contrat ?
NON. On peut toujours – comme monsieur le Maire à partir de supputations – essayer de faire croire que finalement dans cette affaire la ville ou les usagers de l’eau, auraient gagné une dizaine de millions d’euros ! Le verdict malheureusement est clair, la lourde condamnation en appel a sanctionné la ville à payer 33 millions d’euros, ce qui représente près de 220 millions de francs, 22 milliards de centimes. Si le Maire était en droit de rompre unilatéralement au bout d’une dizaine d’années un contrat signé en 1991 pour 30 ans par la municipalité (dont il était à l’époque conseiller municipal délégué aux affaires juridiques donc en charge de ce dossier), il avait le devoir, ce qu’il n’a pas fait, d’engager des discussions avec le groupe co-contractant Lyonnaise des Eaux, pour négocier les conditions de la rupture. Faute de les mener, la Lyonnaise a entamé des poursuites judiciaires avec le résultat que l’on sait.
2 – Y avait-il une autre solution ?
CERTAINEMENT. Cela a fait l’objet de discussion et d’échanges, notamment lors du dernier conseil municipal, les uns et les autres se renvoyant la responsabilité de la situation, s’accusant mutuellement du péché originel de la privatisation, de la complexe renégociation du contrat ayant entraîné la nullité du prix de l’eau, de la mauvaise façon dont auraient été menés les derniers échanges pour la renégociation du contrat.
On peut par ailleurs noter que dans tous les cas où il y a eu résiliation unilatérale du contrat avant terme, les collectivités ont toujours été condamnées (ex: Briançon…) . Et celles qui ont bien renégocié ont souvent obtenu de meilleures conditions (ex : Cannes avec une baisse de 23% tout récemment obtenue de la Lyonnaise des Eaux). Il est également à souligner que la plupart des mairies qui re-municipalisent le font à l’issue du contrat, n’ayant ainsi aucun risque d’avoir des pénalités à payer.
In fine, tout cela est du passé ne nous intéressant que très partiellement. Pour nous l’essentiel est de savoir comment la ville va se sortir de cette situation et quelles seront les conséquences financières à court, moyen et long termes.
3 – Y a-t-il eu comme l’affirme monsieur BUGIS un soutien unanime de la part du conseil municipal pour la remunicipalisation ?
NON. Dès le conseil municipal du 24 juin 2003, madame Claude DAYON à l’époque conseillère municipale, pourtant élue de la majorité mettait en garde le maire sur les risques liés à ce contentieux.
« Le projet de délibération ne comporte aucun élément sur les conséquences financières pour le budget de la ville d’une rupture des contrats avec la société concessionnaire »
Depuis cette date, Mesdames DAYON et de COMTE jusqu’en 2008, puis les membres du Groupe CASTRES ENSEMBLE ensuite, n’ont cessé d’attirer l’attention sur les risques encourus.
Lors du conseil municipal du 31 mars 2009 notre collègue le professeur Jacques MESTRE, juriste nationalement reconnu, ex- doyen de la faculté de droit d’Aix-Marseille, a mis en garde monsieur BUGIS à la lecture du premier jugement sur la gravité de la situation et sur la nécessité d’en tenir compte, notamment sur la nature et le montant des provisions. Le maire, avec mépris, a ignoré cet avertissement.
Jacques Mestre – « On peut donc une fois que l’expertise sera rendue, s’attendre au pire et penser que la provision de 2 M€ sera un fétu de paille face à la réalité de la décision finale »
4 – Est-ce la première fois que la ville est condamnée dans ce contentieux ?
NON. Dès février 2009 nous avons eu une première alerte très sérieuse au travers de la condamnation à hauteur de 500 000 euros. A l’époque, tout a été fait avec succès pour que l’affaire ne s’ébruite pas trop. dans un contentieux annexe relatif au transfert des matériels et équipements.
5- Est-ce qu’avec 14 millions d’euros de provisions, la ville a effectivement mis de l’argent de coté ?
NON. En terme de comptabilité publique, elle a procédé à des provisions budgétaires et non pas semi-budgétaires. Si les secondes correspondent à des sommes effectivement consignées et mises de côté, les premières, utilisées par la ville, ne sont qu’un jeu d’écriture comptable qui permet simplement de recourir à l’emprunt. En conséquence de quoi, sur les 33 millions d’euros, la totalité de cette somme est à emprunter soit par la ville, soit par la Castraise.
Cm28/06/11 Philippe Folliot, conseiller municipal « Pour bon nombre de Castraises et de Castrais, du moment qu’on leur a dit, on a provisionné, pour eux c’est de l’argent que la ville a de côté et qui est immédiatement disponible, ce qui n’est pas le cas. Ce n’est pas neutre pour la ville de Castres d’avoir une nouvelle fois recours à l’emprunt, pour financer.
6 – La Castraise peut-elle rembourser en lieu et place de la ville ?
OUI. C’est le choix du maire, même si la ville participera au travers d’une aide exceptionnelle de 14,6 millions d’euros, financés par reprise de provision (donc par l’emprunt, cf réponse précédente). Ce choix n’est pas neutre car c’est l’usager qui payera l’essentiel de la facture et non le contribuable. Et tout un chacun sait que les familles les plus modestes seront davantage impactées par une augmentation du prix de l’eau que par une hausse des impôts.
N’oublions pas que pour justifier la remunicipalisation, le maire avait promis une baisse du prix de l’eau de 20% que personne n’a jamais constaté dans ces factures. Pire, monsieur BUGIS a fait voter il y a quelques mois une augmentation du prix de l’eau de 20% ! Le prix de l’eau à Castres est ainsi le plus élevé des villes du département du Tarn.
7 – Le contentieux aura t-il des conséquences sur l’endettement de la ville ?
OUI. La ville de Castres est déjà endettée à hauteur de 74 millions d’euros. Avec les 14 millions d’euros supplémentaires empruntés pour verser une aide exceptionnelle à la Castraise de l’Eau, cet endettement passera à 88 millions d’euros, ce qui fait que la ville de Castres est deux fois plus endettée que la moyenne des villes de la même importance.
8 – Et pour la dette de la Castraise ?
OUI. En ce qui concerne la Castraise, dont l’endettement est aujourd’hui de 15 millions d’euros, c’est encore plus grave ; l’emprunt pour le paiement des 19 millions d’euros supplémentaires en règlement du contentieux aurait pour conséquence de plus que doubler son endettement à près de 34 millions d’euros. En conséquence de quoi nous craignons que cela ait un impact sur les comptes de cette société ainsi que sur le prix de l’eau. Si l’on regarde le périmètre « élargi » de la dette, ville + eau et assainissement, le montant total de la dette de Castres (43 000 habitants) est donc de 122 millions d’euros: 88 pour la ville et 34 pour la Castraise. A titre de comparaison, pour Albi (51 000 habitants), elle est de 42 millions d’euros ( 32 pour la ville, 10 pour l’eau et l’assainissement).
Ainsi, la dette globale de la ville représente à Castres 8 500 euros par famille, contre 2 500 euros à Albi !!!
9 – Est-il vrai comme l’affirme monsieur le Maire que cette condamnation n’entraînera ni augmentation des impôts, ni augmentation du prix de l’eau, ni baisse des services, ni annulation d’investissements ?
???… Il est difficile pour une ville déjà très endettée, qui a vendu, pour ne pas dire bradé, l’essentiel de son patrimoine, qui compte parmi celles qui ont les taux d’imposition les plus forts de sa strate de population, qui a le prix de l’eau le plus élevé des villes du Tarn, d’encaisser un tel choc sans jouer sur l’une des deux composantes du budget, au travers de l’augmentation des recettes ( impôts, prix de l’eau) ou de la diminution des dépenses (fonctionnement ou investissement). L’exemple grec est là pour nous rappeler que poursuivre dans la spirale de la dette ne pourra nous entraîner que dans des difficultés à venir et des marges de manœuvre très réduites pour les municipalités futures, ainsi que pour nos enfants et petits-enfants.
10 – Le groupe Castres Ensemble s’est-il impliqué dans la recherche d’une solution?
OUI. Dès le début, le groupe Castres Ensemble a tenu des propos très modérés dans cette affaire, alors que comme vu plus haut, nous étions les seuls à avoir dénoncé les risques dès l’origine. Philippe FOLLIOT s’est proposé, dans une attitude constructive, d’organiser une rencontre au ministère des collectivités territoriales. Suite à ses premières déclarations « Je me mets à la disposition du Maire pour l’accompagner à Paris, en vue d’une rencontre avec les ministres concernés » (Dépêche du Midi 15/06/11) M. BUGIS a refusé cette offre de service et a préféré se tourner vers le Député-maire de LAVAUR, Bernard CARAYON, pour une manœuvre dont le caractère politicien n’aura échappé à personne.
De plus, lors du dernier conseil municipal, soucieux de la responsabilité engagée envers les générations futures, et afin d’alléger l’augmentation de la dette, notre groupe a proposé en vain l’ajournement des travaux non essentiels et non urgents de l’Albinque, ce qui représenterait une économie de 6 millions d’euros permettant de diminuer d’autant le recours à l’emprunt. Car « offrir » à nos petits-enfants la perspective de payer jusqu’en 2043 un équipement (l’Archipel) construit 50 ans plus tôt n’est vraiment pas raisonnable… ni responsable.