| Article publié le 10 AVR. 2020, mis à jour le 17 AOU. 2020 |
Le mardi 7 avril, a été publiée au Journal Officiel une question écrite adressée par Philippe FOLLIOT à la ministre des Outremers au sujet de la propagation du virus Covid-19 dans les départements et régions d’outre-mer Français.
Toujours impliqué pour la défense et la reconnaissance de ces territoires bien spécifiques de notre République, le député tarnais demande à la ministre de faire un point, territoire par territoire, sur l’avancée du virus et de la prise en charge des malades, bien plus complexe dans certains de ces territoires que dans l’Hexagone (comme en Polynésie Française où il n’y a qu’un seul centre hospitalier pour 118 îles !).
Articulant cet intérêt de longue date pour les populations ultramarines avec sa présence ininterrompue depuis 18 ans en Commission de la Défense nationale et des forces armées, Philippe FOLLIOT interroge aussi la ministre sur le déploiement de l’Opération Résilience dans des territoires où la solidarité interrégionale prend des modalités forcément différentes de celles que nous voyons à l’œuvre sur le continent.
M. Philippe Folliot attire l’attention de Mme la ministre des outre-mer sur la situation dans les départements et régions d’outre-mer liée au Covid-19. « Déjà fragile, l’outre-mer craint le pire. » Ce titre d’un article paru récemment dans la presse quotidienne régionale inquiète. Pire, il alarme. En effet, depuis de nombreuses semaines, le pays doit faire face à une pandémie qui touche l’ensemble du territoire, dont les départements et régions d’outre-mer, qui subissent une « situation spécifique » et comptent plus de 550 cas à ce jour. Dans l’océan Indien, La Réunion et Mayotte sont les territoires aujourd’hui les plus touchés. La Réunion a désormais passé le stade des 183 cas identifiés et doublé sa capacité de lits de réanimation. Mayotte, qui a dépassé les 50 cas, doit faire face à une situation extrême où près de la moitié de l’habitat est constitué de cases en tôle. Ces deux territoires, qui sont depuis une semaine passés en stade 2, affrontent ainsi une double épidémie (Covid-19 et dengue) et se préparent à affronter une possible crise sanitaire. En Guadeloupe, les autorités de santé dénombraient 106 cas confirmés avec un décès et 23 patients hospitalisés. Alors que, déjà avant la crise, la santé était un sujet préoccupant, aujourd’hui, le système accuse le coup. Le matériel est insuffisant. Et les professionnels de santé demandent la commande rapide de tests ainsi que des doses nécessaires au traitement de symptômes de ce virus. De plus, l’accès à l’eau courante est une problématique plus que préoccupante. Les réseaux sont vétustes et la distribution difficile à mettre en œuvre. Dès lors, effectuer le plus simple des gestes barrières, se laver les mains, est un exploit. En Polynésie, 35 cas ont été confirmés mais la situation évolue d’heure en heure. Depuis le confinement général, ce territoire s’est refermé sur lui-même. Alors qu’il compte 118 îles, dont 76 habitées, l’épidémie pourrait devenir une catastrophe. Seule Tahiti possède un centre hospitalier, aux capacités humaines et matérielles limitées. Les îles les plus éloignées, elles, ne disposent d’aucune structure médicale ni même de médecins. Ainsi, au-delà d’une crise économique terrible (le tourisme étant la première richesse du territoire), on ne peut là aussi que redouter une crise sanitaire majeure ! Dans ce contexte, le Président de la République, à travers l’opération Résilience, a annoncé de nombreux renforts. Le porte-hélicoptères « Mistral » sera ainsi déployé dans l’océan Indien. Le « Dixmude », mis à disposition par la ministre des armées, sera envoyé et installé entre les Antilles et la Guyane afin de transporter 20 000 tonnes de matériels et accueillir plusieurs malades. Le Premier ministre, lui, a évoqué le renforcement des moyens hospitaliers (lits de réanimation et respirateurs), la mobilisation de la réserve sanitaire et le recours à des médecins diplômés hors Union européenne. On ne peut que se féliciter de cette décision même si, selon M. le député, le Pacifique ne devrait être oublié ! Aujourd’hui, la Nation doit faire face et accompagner tous les territoires. Dans ce cadre, il souhaiterait lui demander si, face à cette situation difficile, un passage en stade 3 des territoires ultramarins est envisageable ; quels sont aujourd’hui les moyens et dispositions d’anticipation et de gestion de cette future crise sanitaire ; comment, avec l’opération Résilience, peut s’articuler la solidarité interrégionale, plus difficile à mettre en œuvre dans ces territoires, et notamment l’évacuation des cas les plus graves vers la métropole évoquée par le Premier ministre.
Le 17 juillet, la réponse détaillée du ministère à cette question a été publiée au Journal Officiel. La voici ci-dessous :
M. le député interroge Mme la ministre des outre-mer sur la situation dans les départements et régions d’outre-mer liée à l’épidémie de covid-19. Comme la question le souligne, les territoires ultra-marins font face à une « situation spécifique ». En effet, la distance et l’insularité doivent ainsi être tout particulièrement intégrées dans la gestion de cette crise sanitaire car l’éloignement de ces territoires rend effectivement plus complexes la projection de moyens et la mise en œuvre d’une solidarité inter-régionale. Pour ces raisons, alors même que les territoires d’outre-mer n’étaient pas encore frappés par l’épidémie de covid-19, le Gouvernement a décrété le confinement général sur tout le territoire national. Cette mesure en décalage avec la propagation de l’épidémie outre-mer a permis de préserver ces territoires en retardant et limitant très fortement la propagation du virus. Dans son avis du 8 avril 2020, le conseil scientifique estime que l’application outre-mer, dès le 17 mars, de mesures identiques à la métropole a été salutaire : « Ces mesures de confinement installées précocement sont à même de limiter, et d’étaler dans le temps, la vague épidémique et ainsi réduire son impact sanitaire sur les territoires d’outre-mer ». Des mesures de couvre-feux sont venues compléter le dispositif à Mayotte, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et en Polynésie française. Enfin, un principe de quatorzaine préventive pour les arrivants sur les territoires ultra-marins a été mis en œuvre avec l’ouverture de structures dédiées, permettant là aussi, de limiter l’introduction et la propagation du virus. Au total, une soixantaine de décès liés à la covid-19 sont à déplorer outre-mer. Sur le volet sanitaire, les capacités de réanimation ont été renforcées avec, par exemple, l’envoi début avril de 32 nouveaux respirateurs vers les Antilles permettant de doubler les capacités de réanimation et de 7 respirateurs à Mayotte permettant de tripler les capacités de réanimation. Les envois de respirateurs ont été effectués en fonction des besoins exprimés par les agences régionales de santé et des capacités disponibles dans un contexte de tension globale au plus fort de l’épidémie. S’agissant des évacuations sanitaires que M. le député évoque également, une doctrine consistant à délester au maximum les établissements hospitaliers ultra-marins a rapidement été validée par la cellule interministérielle de crise. Ainsi, si leur état de santé le permettait, les Français de l’étranger étaient systématiquement évacués vers la métropole afin de ne pas saturer les capacités hospitalières des territoires d’outre-mer les plus proches. Des liaisons aériennes ont été maintenues dans cet objectif. Un pont aérien entre Mayotte et La Réunion a, par exemple, été rapidement mis en place pour ravitailler Mayotte en produits sanitaires et alimentaires, permettre les évacuations sanitaires urgentes, et envoyer, le cas échéant, des renforts de personnels soignants. A cette fin, le ministère chargé des transports a passé un contrat d’affrètement avec la compagnie Air Austral, pour la mise en place de deux rotations hebdomadaires. Afin de répondre à la spécificité des territoires ultra-marins que Mme la ministre des outre-mer évoquait plus haut, le Gouvernement a également décidé de déployer des moyens militaires spécifiques. Ainsi, dans le cadre de l’opération « Résilience » et sur la base d’un dialogue décentralisé, plusieurs missions ont été menées outre-mer par les forces armées dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection. Deux porte-hélicoptères amphibies (PHA) ont mis leur polyvalence à la disposition des autorités civiles des Antilles et de Guyane, de La Réunion et de Mayotte. Le porte-hélicoptère amphibie Dixmude chargé de matériel fourni par les ministères mais aussi par EDF, la Croix Rouge et Air liquide, transportant 4 hélicoptères de manœuvre permettant d’atteindre les zones les plus reculées pour transférer du personnel ou d’acheminer du matériel (2 PUMA de l’armée de terre, un Ecureuil de la gendarmerie et un Dragon de la sécurité civile) s’est rendu dans les Antilles à la mi-avril. Le porte-hélicoptère Mistral a été dépêché dans la zone océan Indien à compter du 4 avril ainsi que le navire Champlain. Un deuxième régiment de dragons spécialisé dans la décontamination a par ailleurs été envoyé en Guyane ainsi qu’en Polynésie. Enfin, un aéronef Airbus A400M a été déployé en Polynésie pendant un mois. Face à la problématique d’accès à l’eau courante dans certaines zones, les autorités locales se sont mobilisées pour permettre à chacun d’appliquer les gestes barrières. En Guadeloupe, le préfet a effectué des réquisitions, fait installer des citernes et pris un arrêté sécheresse le 9 avril. Il a lancé plus globalement une démarche de réorganisation du secteur. En Guyane, 16 bornes de distribution d’eau ont été mises en services dans les quartiers informels et des bornes payantes sont devenues gratuites pour la durée de la crise sanitaire. A Mayotte, l’Agence régionale de santé a financé 14 rampes d’eau et mis en place des horaires de distribution en fonction du quartier d’habitation, gérés par les associations de quartier et les centres communaux d’action sociale. La société mahoraise des eaux a ouvert des points relais. En Martinique, un arrêté sécheresse a été pris le 13 mars. Des citernes ont été installées. La différence entre les besoins et la distribution a été évaluée à 12 000 m3/j, en raison des fragilités endémiques du dispositif de production/distribution d’eau potable. Le préfet a initié un plan d’action en urgence qui devait se traduire par une augmentation de la capacité de distribution de l’ordre de 7 à 10 000 m3/j. Enfin, dans un contexte de réduction des vols commerciaux vers les outre-mer, la ministre des outre-mer a souhaité que soient spécifiquement affrétés des avions afin d’acheminer dès le 11 mars plusieurs millions de masques. L’ensemble de ces mesures a ainsi permis de limiter la propagation du virus dans les territoires ultra-marins, à l’exception de Mayotte et de la Guyane qui ont pâti d’un environnement frontalier fortement impacté par la circulation du virus. La ministre des outre-mer peut assurer M. le député que notre vigilance et notre mobilisation restent maximales, notamment à Mayotte et en Guyane.