Le 18 février dernier, Philippe FOLLIOT est intervenu à la tribune de l’Assemblée nationale lors de de la proposition de résolution de M. Jean-Claude FRUTEAU (P.S.) et plusieurs de ses collègues, appelant à la reconnaissance des droits légitimes de la France sur le plateau continental de Saint-Pierre-et-Miquelon. Lire son intervention ci-dessous :
Monsieur Philippe FOLLIOT. J’ai eu l’occasion par le passé de dire au sein de cet hémicycle que notre pays souffrait d’un mal profond, que j’ai appelé le « métropolicentrisme ». En effet, la France ne se voit pas telle qu’elle est : elle se croit continentale et européenne alors qu’elle est mondiale et maritime. Or quand un pays doute de lui-même, il commence à s’interroger sur sa souveraineté et sur sa capacité à la renforcer. Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit sur la convention de Montego Bay ni sur tout ce que le programme Extraplac offre comme opportunités pour que notre domaine maritime, le deuxième au monde, cela a été souligné, soit non seulement préservé mais même accru. Nous demandons uniquement le respect de nos droits, pour nous-mêmes mais également et surtout pour les générations futures. En effet, les trois défis majeurs que l’humanité aura à relever au XXIe siècle : le défi de l’alimentation de peut-être neuf à dix milliards d’êtres humains, celui de l’accès à l’eau et celui des énergies renouvelables du futur, ne pourront être relevés par l’humanité que par le biais d’une exploitation raisonnable et raisonnée des ressources des mers et des océans. Notre pays a un atout majeur et fondamental en la matière : il a non seulement le deuxième domaine maritime au monde, mais de surcroît réparti sur les trois océans, avec des possessions sur quatre continents. Dans ce cadre, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que nous sommes nombreux, au sein de la représentation nationale, à nous interroger sur la volonté de la France et de ses gouvernements successifs face aux perspectives d’abandon de souveraineté. Vous savez les échanges que nous avons eus sur Tromelin et l’inique traité de cogestion de cet îlot passé avec l’Île Maurice. De même, je vous ai écrit, ainsi qu’à votre homologue des affaires étrangères, dans le but que la France proteste tout à fait officiellement auprès du Mexique contre le comportement des jeunes Mexicains qui se sont rendus clandestinement à Clipperton pour, au mépris de la souveraineté française, remplacer notre drapeau qui flottait sur cet îlot par le drapeau mexicain. C’est purement scandaleux. La situation est aujourd’hui analogue à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je veux saluer le courage, la volonté et le dynamisme d’Annick Girardin dans la démarche qui a mené à ce projet de résolution, et ce à plusieurs titres. Tout d’abord, il faut rappeler que notre pays a, par le passé, manqué singulièrement de courage et de détermination pour défendre ses droits. Ce ne sont pas ceux des seuls compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon : en effet, la République est une et indivisible et quand la France ne se bat pas comme elle le devrait pour défendre ses intérêts dans cet archipel, elle faillit aux devoirs qui sont les siens vis-à-vis d’elle-même. En 1992, au moment de l’arbitrage international, puis en 1996, lorsque le Canada s’est octroyé de manière tout à fait scandaleuse un îlot de sable, certes inhabité et inhabitable, recouvert par les eaux la plupart du temps, afin d’augmenter artificiellement sa zone économique exclusive, les autorités françaises n’ont pas réagi. C’est purement choquant et, je le répète, scandaleux. Fort de cette expérience, l’objectif poursuivi par le projet de résolution est de ne pas recommencer les mêmes fautes et les mêmes erreurs. C’est un enjeu à la fois essentiel et fondamental que de faire passer la zone économique exclusive de Saint-Pierre-et-Miquelon de 10 000 kilomètres carrés à presque 55 000. Ayons l’honnêteté de reconnaître qu’il y a derrière cela un enjeu majeur en termes de ressources pétrolières, sinon avérées, du moins très probables. Notre capacité à défendre la position qui devrait être celle de la France est fondamentale pour notre pays en général et pour nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon en particulier, mais il s’agit aussi d’une question de principe pour laquelle il faut savoir se battre. En conclusion, monsieur le ministre, je me permettrai de prendre une métaphore. Sur un terrain de rugby, si l’on veut que les choses se passent bien, quand l’adversaire ne joue pas le jeu – en l’occurrence les Canadiens, qui affirment avec le plus parfait mépris que nous n’avons rien à revendiquer – il faut se faire respecter. Quand les choses se passent mal sur une première mêlée, il faut la relever. Nous vous proposons, monsieur le ministre, de relever la mêlée afin que les Canadiens nous respectent. La France doit montrer une détermination forte à défendre ses intérêts, non seulement lors du dépôt du dossier de demande de reconnaissance du plateau continental mais aussi dans le cadre du contentieux qui ne manquera pas de voir le jour. Nous attendons de vous un message fort pour lequel vous recevrez certainement un appui ferme et résolu sur tous les bancs de l’Assemblée nationale.