Edito de la lettre d’information n°134 du vendredi 14 février 2014
La visite d’Etat du Président Hollande aux Etats-Unis peut être marquée du sceau du « french paradoxe ». En effet au-delà du caractère chaleureux des relations entre nos deux présidents, ce qu’ont souligné les observateurs, c’est le fait que les américains, loin des divergences sur le conflit irakien, placent dorénavant la France au premier rang de leurs alliés. Ce satisfecit donné par la plus forte armée du monde à la France est une reconnaissance du professionnalisme de nos hommes et de la nature de nos engagements. Esquissé en Afghanistan, confirmé par l’opération « Harmattan » en Libye, sans parler de « Sangaris » en RCA, il a été parachevé par « Serval » au Mali. En effet sur cette dernière OPEX, force est de constater que la France, dans des conditions techniques et logistiques plus difficiles, a réussi au Mali là où les américains avaient échoué en Somalie et cela change la donne.
L’évolution du cadre stratégique américain constitue aussi un élément d’explication, car sans renoncer à son statut de superpuissance globale, les Etats-Unis, suite aux relatifs échecs subis en Irak et en Afghanistan, ont décidé de recentrer leurs moyens et leur influence sur la zone Asie et Pacifique pour contrer la fulgurante montée en puissance économique, diplomatique et militaire des Chinois. Les Américains, ne souhaitant pas et ne pouvant pas intervenir partout, ont donc choisi de s’appuyer sur des alliés fiables mais surtout ayant les capacités, les moyens et la volonté d’intervenir, et c’est là où la France joue les utilités.
Un outil de défense à ce jour opérationnel et plus ou moins préservé, contrairement aux Britanniques qui sont en train de décrocher, un cadre juridique empêchant pour les Allemands une capacité d’engagement en OPEX rapide et efficace au regard de leurs impossibilités et contraintes constitutionnelles, ces facteurs font de la France, de fait, le seul allié européen d’envergure en capacité d’agir et d’intervenir mais… pour combien de temps ? C’est là que se situe le « paradoxe français » auquel je faisais allusion car c’est au moment où notre outil de défense est reconnu et encore opérationnel qu’a été votée une Loi de Programmation Militaire lourde d’incertitudes. De surcroît, dans la nécessaire recherche de 70 milliards d’économie supplémentaires en cours, la défense, qui a déjà lourdement contribué et qui supporte 58% des baisses d’effectifs de la fonction publique, va-t-elle être à nouveau impactée ? Si tel était le cas, au-delà des incertitudes que j’ai déjà relevées sur les recettes exceptionnelles et exportations d’armement, c’est la LPM qui serait mort-née.
Malgré le salutaire virage du pacte de responsabilité s’il se confirme dans les actes, en fait le Président Hollande, complétement plombé sur le front économique et social par le déni de réalité face à la crise entraînant d’illusoires promesses de campagnes sur lesquelles il a été élu, mais aussi englué dans les contradictions et divisions des réformes sociétales, ne voit un répit, comme ses prédécesseurs du reste, que dans la stature internationale et les engagements militaires qui en découlent. Dans le grand jeu du pouvoir et des pouvoirs, va-t-il prendre le risque, après l’avoir lourdement affaiblie, de sacrifier la pièce majeure de son échiquier « la reine défense » au moment où celle-ci est reconnue tant en France qu’à l’international ?
Tel est le « french paradoxe ».
Amitiés,
Philippe FOLLIOT