Philippe Folliot est intervenu récemment dans le cadre des discussions du projet de loi visant à instaurer une journée commémorative pour l’ensemble des soldats morts pour la France. Cette intervention spontanée fut avant tout pour lui l’occasion d’exposer devant ses collègues parlementaires les raisons qui le poussent à soutenir cette initiative gouvernementale. Afin d’étayer son argumentaire, il s’est appuyé sur des exemples tirés de sa vie personnelle, en rendant hommage notamment à ses grand-pères maternel et paternel qui prirent part à la Première Guerre Mondiale ainsi qu’à son amitié avec Oliver LUKSIC, député au Bundestag. En voici la transcription intégrale.
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais d’abord saluer l’ensemble des orateurs qui se sont succédés à cette tribune. Tous, avec des mots souvent appropriés, ont su rendre hommage à l’ensemble des soldats morts pour la France, à l’ensemble des victimes des différentes guerres et plus particulièrement de cette terrible épreuve qu’a été la Première Guerre mondiale.
Le discours que j’avais préparé était assez convenu et j’ai finalement choisi de m’exprimer devant vous sans notes, en commençant par évoquer trois prénoms : Eugène, Justin et Oliver.Eugène Folliot était mon grand-père, fantassin pendant la Première Guerre mondiale, grand blessé à Verdun où il perdit un œil et une jambe et fut laissé pour mort sur le champ de bataille. Il passa plusieurs mois en convalescence et resta toute sa vie infirme et handicapé. Il fait partie de ces centaines de milliers de poilus qui ont souffert dans leur chair pendant la Première Guerre mondiale.
Justin Corbière était mon grand-père maternel, originaire du département du Tarn, tandis que l’autre venait du sud de la Mayenne. Lui aussi a vécu cette guerre. Il faisait partie à l’époque de ce que l’on appelle les forces de soutien, qui sont un peu plus en arrière. Certes, il ne fut pas blessé, mais il vécut douloureusement la perte de nombreux camarades. Il suffit de voir, dans chacun des villages de notre beau pays, la liste de ceux dont le nom est couché sur le monument aux morts, pour se rendre compte de la véritable saignée démographique qu’a représenté ce conflit.
Les derniers poilus étant décédés il y a maintenant quelques années, il est important de passer du temps de la mémoire au temps de l’histoire, tout en continuant à se souvenir de ce conflit et du sacrifice de toutes celles et tous ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été touchés dans leur chair.
Oliver Luksic, enfin, est un ami, député au Bundestag. Je vois dans cette amitié un paradoxe, mais aussi un symbole de l’histoire de nos deux pays : nos grands-parents se sont combattus, mais aujourd’hui leurs petits-enfants se retrouvent à siéger, l’un à l’Assemblée nationale, l’autre au Bundestag, en étant amis et en ayant cette ambition commune de construire une Europe de paix, de prospérité et de respect mutuel de chacune et de chacun.
Ce qui me paraît important dans ce texte, c’est finalement la volonté qui est la nôtre d’essayer de trouver une date symbolique. À cet égard, on pourrait se demander : pourquoi le 11 novembre et pas telle ou telle autre date ? François Rochebloine s’étant exprimé tout à l’heure au nom de mon groupe, je parle ici à titre personnel. Je considère pour ma part que le 11 novembre est la bonne date, parce que, dans l’histoire récente de notre pays, et sans remonter aux guerres napoléoniennes et à toutes celles qui les ont précédées, la Première Guerre mondiale est certainement celle dont l’impact a été plus profond dans le cœur de la nation que bien d’autres conflits.
L’essentiel est bien sûr de se souvenir de ce qui s’est passé pendant cette guerre, mais aussi pendant tous les autres conflits qui ont suivi – la Seconde Guerre mondiale et les guerres coloniales –, en essayant de rassembler, au travers d’une journée, la mémoire collective – j’allais dire : une et indivisible – autour de ce qui a été le sacrifice d’enfants de la République au service de cette dernière.
On peut regretter, toutefois, que la pierre que nous allons poser au travers de cet acte législatif fort ne soit que la première du nécessaire renforcement du lien entre l’armée et la nation, mais aussi entre l’armée, la jeunesse et la nation, qui est essentiel pour notre pays.
À cet égard, dans une proposition de loi que j’ai déposée en 2004, je suggérais moi aussi de considérer le 11 novembre comme une journée nationale du souvenir. Mais je proposais également que, dans tous les établissements scolaires de France, dans les quinze jours qui précèdent, un temps spécifique soit consacré à la mémoire, par la visite de lieux de mémoire, la projection de films, la rencontre avec d’anciens combattants, bref par des initiatives permettant de tisser ce lien mémoriel entre les générations.
Un grand penseur du siècle passé a dit : « N’iront loin que les peuples qui ont de la mémoire. » J’ajouterais pour ma part : plus particulièrement, la mémoire de celles et ceux qui sont morts pour la patrie, mais aussi pour la République et pour ses valeurs.