Pour avancer, pour se réformer, pour se transformer, pour se reconstruire, la France est-elle condamnée à de terribles circonvolutions ou à des crises systémiques ? L’actualité récente autour du mouvement des « Gilets jaunes » ne saurait démentir cette affirmation.
Point ne sera mon propos de dire que tout va bien dans notre pays. Cependant, la perception autocentrée que nous en avons est bien différente de celle que l’on ressent quand on analyse objectivement la situation vue et en comparaison de l’étranger tant nous avons une mauvaise habitude à l’autoflagellation ou à l’autodénigrement, qui n’est pas forcément en phase avec la réalité. En qualité de chef de la délégation Française à l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN, j’assiste à de nombreuses réunions ici ou là. Celles-ci me permettent d’avoir d’utiles et d’intéressants points de comparaison mais aussi de prendre un peu de recul, pour ne pas dire de hauteur, par rapport aux événements. La France n’est pas le pays le plus le plus inégalitaire, le moins solidaire, le plus refermé … loin s’en faut !
N’ayez crainte, cette opportunité d’une vision au-delà de nos frontières ne fait pas, pour autant, de moi un élu hors sol, je garde plus que jamais les pieds sur terre, et plus précisément sur mon Tarn natal où je vis. Je reçois, je vois, je rencontre, j’écoute et, autant que possible, j’analyse.
En qualité de Président de l’Alliance centriste, j’ai été reçu par le Premier ministre, comme tous les chefs de partis représentés à l’Assemblée nationale. Je lui ai alors fait remonter ce que j’ai ressenti de la situation sur le terrain et les ronds-points, et ce que nombre de nos concitoyens mécontents ou de commerçants, agriculteurs et chefs d’entreprises inquiets m’ont livré. J’ai toujours assuré la complémentarité entre mon travail en circonscription et celui à l’Assemblée nationale. Je continuerai de le faire . « Un député pour tous, proche de vous » qui assume cette fonction de « demi de mêlé », de lien entre locale et national, au cœur du rôle de parlementaire, fer de lance de notre système républicain de démocratie représentative.
Maintenant, au-delà de l’image désastreuse véhiculée à l’étranger notamment par les scènes de saccage (avec notamment la scandaleuse profanation de l’Arc de Triomphe), de violence et de pillage commis par une irresponsable minorité de casseurs, au-delà des conséquences économiques et sociales plus particulièrement sur le commerce, les annonces du Premier ministre puis du Président de la République doivent permettre une sortie de crise. Il nous faut aussi se poser la question du financement du coût de telles mesures pour ne pas alourdir encore un peu plus les générations futures du poids de la dette.
Toutefois, ce qui m’interpelle, c’est l’amplification par les réseaux sociaux du phénomène et la prééminence du « moi-je » sur le « nous ». Il n’y a eu que trop peu de dessein ou de destin collectif dans les préoccupations qui tournent autour de son pouvoir d’achat, de sa retraite, de sa voiture… Ce n’est pas illégitime et j’ai, par le passé pas plus tard qu’en février dernier avec mon éditorial remarqué sur le T.D.C.D.M (Trou du Cul du Monde), bien avant la crise du moment, répété que notre France périphérique et la population rurale souffrent d’un sentiment de délaissement, de déclassement voire d’ostracisme par rapport aux grandes métropoles. Pour autant, si nous ne gardons pas une ambition globale et collective pour nous en sortir, si nous gardons pas une vision intergénérationnelle notamment sur les cruciaux enjeux environnementaux pour nous en sortir … nous n’y arriverons pas !
J’ai toujours eu cette vision prospective optimiste qui m’anime et j’ai la faiblesse de penser que ce qui nous rassemble sera toujours plus fort que ce qui nous divise. J’espère ainsi que l’important et utile grand débat national qui s’engage, et auquel j’appelle chacune et chacun à participer ou contribuer, permettra de le démontrer.
Quand dans mon introduction, je parle de circonvolutions ou de crise systémique, j’ai l’intime conviction que nous sommes aux prémices d’un profond changement ou bouleversement de société. S’il est nécessaire, ne serait-ce que face à l’urgence écologique (si la moitié de la population mondiale avait notre niveau de vie, il faudrait annuellement 7 fois les ressources de la planète), il fait légitimement peur et ce au regard notamment du risque d’accentuation des fractures sociales et territoriales, face aux défis liés à l’émergence de l’intelligence artificielle, aux biotechnologies, à l’ubérisation de la société…
Je peux comprendre que, pour relever ces challenges, certaines personnes voient dans le Référendum d’Initiative Citoyenne une forme de démocratie directe, intéressante en soi, mais qui ne manque pas de poser de nombreuses questions. En effet, ne risque-t-on pas notamment d’introduire plus encore « la dictature de l’émotion » en plein cœur du champ d’action politique ? Il ne faut pas rejeter le phénomène d’agora amorcé autour des ronds-points mais le canaliser au cœur du jeu démocratique, et laisser « du temps au temps ». Il en va de l’avenir de la République et de sa légitimité…
Je connais les faiblesses de notre système de démocratie représentative et je crois profondément qu’une adaptation est nécessaire. Notre démocratie représentative est fille des Lumières et de la Révolution, elle a mis des décennies à mûrir : de grâce, soyons prudents de « ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Nous pourrions plus tard profondément le regretter.
Ceci étant dit, au cœur de l’immuable et réconfortant cercle familial ou amical, je vous souhaite de passer de BONNES FÊTES !
Amitiés.
Philippe FOLLIOT