« Jouer le jeu… », l’édito de Philippe Folliot

Félix Eboué et le Général De Gaulle

« Jouer le jeu, c’est être désintéressé.

Jouer le jeu, c’est réaliser ce sentiment de l’indépendance dont je vous parlais il y a un instant.

Jouer le jeu, c’est piétiner les préjugés, tous les préjugés, et apprendre à baser l’échelle des valeurs uniquement sur les critères de l’esprit (…).

Jouer le jeu, c’est garder farouchement cette indépendance, parure de l’existence ; ne pas se laisser séduire par l’appel des sirènes qui invitent à l’embrigadement, et répondre, en pensant aux sacrifices qu’elles exigeraient en retour (…).

Jouer le jeu, c’est savoir prendre ses responsabilités et assumer les initiatives, quand les circonstances veulent que l’on soit seul à les endosser (…).

Jouer le jeu, c’est, par la répudiation totale des préjugés, se libérer de ce qu’une expression moderne appelle le complexe d’infériorité. C’est aimer les hommes, tous les hommes, et se dire qu’ils sont tous bâtis selon la commune mesure humaine qui est faite de qualités et de défauts.

Jouer le jeu, c’est mépriser les intrigues et les cabales, ne jamais abdiquer malgré clameurs ou murmures et poursuivre la route droite que l’on s’est tracée.

Jouer le jeu, c’est pouvoir faire la discrimination entre le sourire et la grimace ; c’est s’astreindre à être vrai envers soi pour l’être envers les autres.

Jouer le jeu, c’est respecter l’opinion d’autrui, c’est l’examiner avec objectivité et la combattre seulement si on trouve en soi les raisons de ne pas l’admettre, mais alors le faire courageusement et au grand jour.

Jouer le jeu, c’est respecter nos valeurs nationales, les aimer, les servir avec passion, avec intelligence, vivre et mourir pour elles, tout en admettant qu’au-delà de nos frontières, d’authentiques valeurs sont également dignes de notre estime, de notre respect… »

Jouer le jeu, c’est s’incliner devant la mémoire de Félix EBOUÉ qui a prononcé de si belles paroles le 1er juillet 1937 au lycée Carnot de Pointe-à-Pitre pour un célèbre et profond discours à la jeunesse des Outre-Mer. Presque trois ans plus tard, le 18 juin 1940, il entra dans l’Histoire en qualité de gouverneur du Tchad, il ralliait le Général De Gaulle et apportait sa toute première assise territoriale à la « France Libre ». Originaire de Guyane, il fut un des premiers enfants noirs de France à accéder aux plus hautes responsabilités. Il n’aura de cesse que de combattre pour la France, à partir de l’Afrique Equatoriale Française pour préparer la victoire qu’hélas il ne verra pas mourant au Caire le 17 mai 1944 à l’âge de 60 ans après avoir été distingué par le Général De Gaulle comme un des tout premiers compagnons de la libération. Au lendemain du décès de Daniel CORDIER, secrétaire de l’héroïque Jean MOULIN et avant dernier des compagnons de la libération auquel ce jour est rendu un émouvant hommage national, tout cela est très symbolique.

Quand le tout dernier compagnon de la libération Hubert GERMAIN, ancien député et ancien ministre, nous quittera, il sera inhumé dans le caveau numéro 9 au centre de la crypte du mémorial de la France combattante, au Mont Valérien.

« Au moment où le pays s’enfonçait dans l’abime de la collaboration, des Hommes libres se sont levés pour reprendre l’étendard de la France éternelle et poursuivre le combat pour la liberté et l’indépendance ». Ainsi je m’exprimais le 3 juin 2010 à la tribune de l’Assemblée Nationale dans le cadre de la discussion générale d’une proposition de loi visant à créer le conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Aujourd’hui encore on peut se sentir si petit, si ordinaire, peut-être si dérisoire face au destin hors-normes de ces hommes et femmes qui, au péril de leur vie, au péril de leur famille, au péril de leur carrière, au péril de leur confort, ont tout laissé tomber pour aller se battre pour relever l’Honneur de la France !

Gaullistes et communistes main dans la main mais aussi socialistes radicaux, démocrates-libéraux, royalistes et bien-entendu non partisans, ils se sont tous rassemblés au-delà de leurs divergences, au-delà de leurs différences pour relever l’Honneur de la France.

Catholiques et protestants main dans la main mais aussi musulmans, francs-maçons et bien entendu juifs, ils se sont tous rassemblés au-delà de leurs divergences, au-delà de leurs différences pour relever l’Honneur de la France.

Ouvriers et paysans, main dans la main mais aussi agriculteurs, fonctionnaires, professeurs, employés, cadres… et bien entendu jeunes et étudiants, ils se sont tous rassemblés au delà de leurs divergences, au-delà de leurs différences, pour relever l’Honneur de la France.

Au moment où le monde vacille, au moment où les démocraties doutent, au moment où la France souffre, face à une triple crise, sanitaire, économique et sécuritaire, il est plus que jamais temps de se rassembler et plus que jamais je fais miens mes propos de juin 2010 à la tribune de l’Assemblée Nationale :

 « Dans de tels moments, notre pays à l’histoire tourmentée et au devenir incertain ne peut que se retrouver pour puiser dans le passé l’inspiration qui lui permettra d’affronter l’avenir avec plus de sérénité »

 

Amitiés,

Philippe Folliot

« Jouer le jeu… », l’édito de Philippe Folliot