Edito lettre d’information n°88 du 11 février 2011
A l’heure où je réfléchissais pour écrire ces quelques lignes sur la crise profonde qui secoue la justice de notre pays, la nouvelle du départ du Président Moubarak du pouvoir en Egypte et de la liesse populaire qui s’ensuit vient de tomber. Je saisis cet événement d’une portée considérable voire historique pour changer « mon édito d’épaule ».
Le domino démocratique et l’éveil à la liberté des peuples arabo-musulmans n’est-il pas irrésistiblement en train de s’élancer ? Sans une violente et sanglante répression, ce printemps démocratique aurait pu débuter il y a plus d’un an lorsque l’obscurantiste pouvoir d’Ahmadinejad en Iran a volé l’élection présidentielle de l’opposant Moussaoui. Après la Tunisie hier, l’Egypte aujourd’hui, à qui le tour maintenant ?
La révolution mobile et Internet utilisée par une partie de la jeunesse urbaine mieux éduquée a pour conséquence de contourner les digues des médias officiels sous contrôle et de faire vaciller, puis tomber des régimes autoritaires voire dictatoriaux, le plus souvent corrompus. Ce mouvement a des répercussions non mesurables aujourd’hui sur la paix dans cette partie si tourmentée du monde ainsi que sur les équilibres géostratégiques. N’est-on pas en train de vivre des heures qui, dans quelques années, auront une portée historique et symbolique à la hauteur de la chute du mur de Berlin ? Cela est de plus en plus probable.
La question essentielle est maintenant de savoir si ce vent de liberté ne sera pas confisqué par un repli identitaire et extrémiste ayant pour conséquence d’exacerber les passions, les haines et les guerres.
Quoi qu’il en soit, la clé d’une démocratie stable, et je m’en suis personnel-lement une nouvelle fois rendu compte il y a quelques semaines en Afghanistan, réside dans le développement, un meilleur partage des richesses, l’accès généralisé à l’éducation et des institutions politiques légitimes et représentatives. Pour autant, mon intime conviction est que ce mouvement de fond ne s’arrêtera pas au seul monde arabo-musulman et qu’il concernera tôt ou tard aussi le reste de la planète. C’est ce que nous a montré la libération des peuples d’Europe de l’Est, il y a 20 ans, qui avait été précédée par la chute de nombreuses dictatures en Amérique Latine. La réaction de la censure communiste chinoise sur le traitement médiatique des événements tunisiens et égyptiens est le symbole des craintes de contagion par un système arrogant qui, in fine, n’est qu’un colosse aux pieds d’argile.
Pour moi, la France d’où est parti l’esprit des Lumières qui irradie le monde et dont le Parlement a voté en le 26 août 1789 la première Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen se doit d’être à la hauteur des enjeux et des espérances que beaucoup portent en elle pour accompagner où que ce soit les peuples vers la liberté ! Elle n’est grande que lorsqu’elle est elle-même, du côté des principes et valeurs qu’elle a contribué à engendrer.
Amitiés,
Philippe Folliot.