Edito de lettre d’information n°129 du jeudi 25 juillet 2013
L’émotion profonde qui a étreint Castres et le Tarn lors du décès de Monsieur Pierre Fabre, démontre combien l’action et l’œuvre d’un homme peuvent changer le cours des choses et être exemplaires pour un territoire et ses habitants. Je ne vais pas revenir sur tout ce qui a été dit : un homme d’exception, capitaine d’industrie qui a transformé sa pharmacie d’officine en groupe multinational présent sur les cinq continents… Bien entendu, ce qui a caractérisé cet essor c’est le pendant à l’international qu’est l’ancrage territorial sur Castres et le Tarn, voulu et enrichi par Pierre Fabre lui-même symbolisé par le soutien sans faille au Castres Olympique ou des centres de décisions qui sont toujours restés tarnais ; mais pour moi l’essentiel est ailleurs. En effet, sans parler de l’humain et du territoire, le caractère exceptionnel de Pierre Fabre c’est d’avoir privilégié des logiques autres que court-termistes et financières dans ses choix basés sur des intuitions ou projections à long terme. Par le biais de la fondation qui protège le capital « du labo » des prédateurs financiers, on peut et on doit espérer que ce modèle perdure. Bien entendu l’efficacité économique et la cohésion sociale ont aussi été des facteurs clefs du développement de ce groupe que je qualifie plus que tout autre de… citoyen.
Le modèle de notre développement économique autour « des stars du CAC 40 » m’interpelle car dans toutes ces holdings contrôlées de fait par des capitaux anonymes, fonds de pensions ou autres, les logiques financières de rémunération de l’actionnaire priment sur le reste. Bien entendu je rejette les chimères des capitaux publics d’économies plus ou moins étatisés dont on a vu les catastrophes (de l’URSS au… Crédit lyonnais !). Mais pour moi, le modèle c’est celui d’un capitalisme « familial » tel qu’incarné par nombre de groupes allemands ou par… Pierre Fabre ! En période de crise, celui qui n’est pas soumis aux diktats de l’immédiateté de l’actionnaire invisible accepte de réduire la rémunération de ses actions plutôt que de dégraisser les effectifs, poursuit ses efforts en Recherche et Développement, favorise les actions de formations, réorganise son outil de production pour être plus réactif et mieux se préparer une fois la reprise venue…
Cette notion de structure de capital joue pour moi un rôle de plus en plus important dans les réussites ou les échecs des économies. J’ai passé l’essentiel de ma carrière professionnelle au sein du secteur de l’économie sociale et solidaire ; je constate que celui-ci progresse bien et résiste mieux à la crise notamment car le plus souvent les salariés sont étroitement associés au capital et au bon fonctionnement de l’entreprise, donc plus impliqués.
En fait comme Monsieur Pierre Fabre l’a mise en œuvre dans son groupe contrôlé à 10% par les salariés, c’est la grande idée gaulliste de la participation qui, en complément d’un actionnariat stable et citoyen (familial, fondation, SCOP, mutuelles…), donnera à nos entreprises les atouts majeurs pour relever les immenses défis de l’avenir.
Un enjeu fondamental que Monsieur Pierre Fabre nous appelle plus que jamais à… méditer !
Bonnes vacances à tous
Amitiés
Philippe FOLLIOT