| 20 AVR. 2020 |
Aux moments les plus forts d’une crise, aux moments les plus sombres de l’Histoire, aux moments les plus difficiles d’une période, il faut non seulement garder espoir, mais aussi et surtout offrir, au-delà d’un espoir, des perspectives. A ce mot du jour, « Archipel », j’accole « France », car Archipel France est ce projet, cette ambition, cette volonté, cette dynamique, cette vision que nous devrions porter pour notre pays. La France est belle, la France est grande, la France est diverse, mais la France n’est pas continentale et européenne, elle est maritime et mondiale !
Archipel France, c’est cette volonté de conjuguer de pair mer et outre-mer, et faire que ces deux politiques maritimes et ultramarines qui se sont côtoyées sans jamais se compléter soient dans le même creuset, dans la même dynamique, dans la même vision stratégique et dans le même… ministère !
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que trois des défis majeurs du XXIe siècle, celui de l’accès à l’eau, celui de l’énergie et celui de l’alimentation, l’humanité ne pourra les relever que par le biais d’une exploitation raisonnable et raisonnée des océans (cf. Philippe FOLLIOT & Xavier LOUY, France sur mer, un Empire oublié, Editions du Rocher, 2008).
Avoir le deuxième domaine maritime au monde, à quasi-égalité avec les Etats-Unis, nos plus de 11 millions de km² de Zone Economique Exclusive (ZEE) répartis sur les trois océans, dans les mers chaudes, froides et tempérées, est un atout remarquable, pour ne pas dire exceptionnel pour la France, via ses départements, collectivités et territoires ultramarins.
Nos outremers sont une opportunité extraordinaire pour notre pays en termes de potentialités, de dynamiques, de diversités, de biodiversité, de cultures, de ressources… : ils devraient être plus au cœur des politiques publiques dans le cadre d’une ambitieuse stratégie d’aménagement et d’équilibre des territoires. On devrait y investir massivement dans l’éducation, la recherche, le développement économique pour sortir de nos mortifères stratégies d’assistanat qui sont l’opposé de la légitime et nécessaire solidarité dont ils doivent bénéficier au titre de l’éloignement, de l’insularité, de situations sociales spécifiques, ou de la compensation des handicaps naturels.
Pourquoi ne pas tenter cela maintenant, en s’appuyant sur l’économie bleue pour y arriver, et ce d’autant plus que 97,5% de notre domaine maritime est lié aux outremers. D’ici vingt ans, le chiffre d’affaires de l’économie bleue devrait doubler à l’échelle mondiale : si la France ne faisait que suivre cette moyenne, cela représenterait près de 600 000 emplois à créer en deux décennies. Si par volontarisme politique, 25% de ces nouveaux emplois étaient fléchés vers les outremers, 150 000 de ces emplois seraient pourvus dans nos départements et collectivités ultramarines. On voit qu’on change la donne, et que grâce à la mer, nos outremers retrouveraient des perspectives, retrouveraient des capacités d’emploi local pour la jeunesse, retrouveraient des ressources propres pour les collectivités, retrouveraient tout simplement la légitime fierté de ne plus être considérés comme une charge pour la France, mais comme une chance issue de la France.
J’irai plus loin encore, dans la compétition des blocs qui se dessine, c’est une singularité exceptionnelle que nous offrons à l’Europe, celle-ci ne doit pas être minorée, encore moins galvaudée, mais surtout valorisée.
Comme avec cette crise nous n’avons rien de plus à perdre, il nous faut bouger les lignes, bousculer les habitudes, tenter des choses, saisir des opportunités… en fait, il faut aussi et surtout oser, oser encore, oser toujours. J’espère, et je suis même convaincu, que le Président de la République, le moment venu, sera au rendez-vous de l’Histoire pour oser… l’Archipel France !
Amitiés,
Philippe FOLLIOT