| 4 JUIN 2020 |
Le plus souvent, c’est bien après le crépuscule, en début de nuit, que je trouve le temps et le silence adéquat pour écrire mes pérégrinations.
La nuit, le sombre, le noir fascine, avec le, ou plutôt les mystères qui l’accompagnent. Peurs infantiles de rester seul dans le noir, calmées par le câlin du soir ou l’histoire contée, sens aux aguets pour guetter le moindre crissement anormal, la nuit, dès le plus jeune âge, intrigue, mais au-delà, la nuit dès les premières civilisations a intrigué.
La nuit on ne voit pas, on sent, on devine, on s’interroge, on redoute, on prie, et ce depuis la nuit des temps.
Dans l’Egypte ancienne, c’est le combat que le Dieu du Soleil Ré mène à chaque tombée de la nuit contre les « forces du Chaos », symbolisées par le serpent Apophis, à bord de sa barque sacrée, pour traverser les douze portes correspondant aux douze heures nocturnes d’un terrible périple où le frêle esquif devait surmonter nombre de pièges pour éviter de chavirer et sombrer dans… la nuit éternelle ! Vaillant, le dieu Ré renaissait inlassablement tous les matins avec le lever du soleil. Et c’est ainsi que la rive du Nil à l’Est où apparait le soleil est celle des vivants et de l’autre côté, presque face à Louxor, se trouve la célèbre, j’allais dire la sublime, vallée des Rois, ou vallée de la mort. Ces tombes, malheureusement, au gré des siècles ont été profanées, pillées, voire saccagées, mais cette fascination de l’homme face à la mort, face à la nuit éternelle, a toujours été illustrée.
Nyx, déesse grecque de la nuit, quitte, elle, tous les soirs son monde des profondeurs au-delà de l’enfer qu’elle habite avec le Dieu des ténèbres, son frère Erèbe, pour répandre son voile noir sur le monde. Le lendemain matin, c’est sa fille, la sublime et lumineuse Héméra déesse du jour qui ôtera le voile maternel pour donner clarté et vie aux hommes.
Manco Cápac chez les Incas, Nótt chez les nordiques, mais aussi ne parle-t-on pas de l’empire céleste ou de celui du soleil levant, jour et nuit partout structurent le conceptuel des hommes.
Et puis un jour vint un choc, un terrible coup pour la nuit, c’est l’apparition de la « fée électricité ». Jugulée, la nuit l’a été sous les watt et ampères, l’électricité a modifié profondément la vie et le comportement des hommes qui ainsi se sont peu à peu affranchis de la dichotomie originelle jour-travail/nuit-repos.
En effet, comme encore dans nombre de régions rurales du monde, il y a peu, dans nos campagnes, on vivait au rythme du soleil et de la nuit ! Aujourd’hui, mieux que les statistiques de développement, une photo satellite du globe terrestre de nuit permet de voir les zones noires où l’électricité n’est pas encore ou peu apparue.
Paradoxalement, maintenant on parle du monde de la nuit comme d’un monde particulièrement vivant, fait de fêtes, de sorties, de travail, de trafics aussi… En fait, c’est comme si cette nécessaire coupure physiologique avait perdu un peu de sons sens et était un peu considérée comme perte de temps. Nuisances sonores nocturnes, bruits du voisinage, stress du quotidien… font pêle-mêle que le Français est celui au monde qui utilise le plus de somnifères pour dormir… la nuit !
Il y a finalement une seule chose possible et intemporelle la nuit, et ce du moment que vous ne vivez pas en ville et ne souffrez pas de la pollution lumineuse qui paradoxalement empêche de voir : c’est ce fabuleux et éternel spectacle d’une belle nuit étoilée si propice aux rêveries, aux méditations, aux réflexions… et à l’écriture !
En l’attente, je vous souhaite… Bonne nuit !
Amitiés,
Philippe FOLLIOT