En mai dernier, à l’occasion des auditions de Messieurs Jean-Marie COLLIN, directeur France de parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement, chercheur associé au GRIP, et de Patrice BOUVERET, directeur de l’Observatoire des armements sur la dissuasion nucléaire, en commission de la défense, Philippe FOLLIOT est intervenu pour les questionner sur l’avenir de la France en tant que puissance nucléaire dans un monde globalisé.
Vous pouvez lire ci-dessous la transcription des auditions mentionnées ci-dessus :
Monsieur Philippe FOLLIOT. Il est légitime que vous vous exprimiez devant notre commission, la connaissance du sujet que nous traitons ici méritant d’être approfondie sans tabou. Vos convictions, qu’elles soient ou non partagées, sont respectables. Comment analysez-vous les efforts de réduction de ses capacités nucléaires que la France a déjà faits ? Selon de nombreuses personnes auditionnées, nous sommes arrivés à un niveau de stricte suffisance, un seuil en deçà duquel la possession d’armes nucléaires n’aurait plus aucun effet dissuasif. Nous vivons dans un monde globalisé où nos décisions dépendent de celles des autres. Il existe cinq puissances nucléaires officielles, trois le sont de fait et d’autres aspirent à ce statut. Vous êtes actifs en Europe et aux États-Unis ; que faites-vous vis-à-vis de la Russie, de la Chine, d’Israël, de l’Inde, du Pakistan ou d’autres pays pour éviter la prolifération des armes nucléaires ? Il n’est pas dit qu’un désarmement unilatéral – en l’occurrence celui de la France – ait forcément un impact positif sur l’ensemble de ces pays.
M. Jean-Marie COLLIN. Le drame est le même, mais nous parlons ici d’armes nucléaires qui ne sont pas des armes conventionnelles. Comme l’a rappelé M. Candelier, les armes chimiques et bactériologiques, qui sont des armes de destruction massive, ont été interdites par des traités ; pourquoi n’est-ce pas le cas des armes nucléaires ? À propos de Hiroshima et Nagasaki, je vous conseille la lecture de Five Myths about Nuclear Weapons, un livre qui a fait le tour du monde et que je viens de traduire pour le GRIP. Son auteur revient sur le mythe selon lequel c’est l’arme nucléaire qui aurait mis un terme à la guerre dans le Pacifique. Quant à la violence, dissuasion nucléaire ou pas, il y en aura toujours dans le monde. Nous n’appelons pas, comme vous le croyez, à un monde utopique dans lequel le 14 juillet serait un jour de défilé d’enfants, comme cela existe ailleurs à travers le monde. Nous demandons bel et bien une armée forte.
Pour ce qui est de la destination des sommes dégagées par la suppression des armes nucléaires, il ne nous appartient pas de la déterminer : c’est votre travail, mesdames et messieurs les députés. Certaines de nos propositions ont été reprises par des parlementaires. Les députés du groupe UDI se sont ainsi déclarés favorables à la suppression des FAS. M. Morin l’a même répété hier, me semble-t-il, sur Sud-Radio. Monsieur FOLLIOT, qui détermine le niveau de « stricte suffisance » ? Il y a vingt ans, il était à trois composantes, aujourd’hui il est à deux. Pourquoi ne pourrions-nous pas diminuer plus encore le nombre d’ogives nucléaires ?
Bien que l’Inde, Israël et le Pakistan ne soient pas reconnus officiellement comme puissances nucléaires, et que ces pays ne reconnaissent pas eux-mêmes le TNP, le droit international humanitaire ou le droit coutumier leur fait obligation, comme aux autres puissances nucléaires, d’aller vers le désarmement nucléaire. Or la France n’a pas beaucoup poussé la négociation en cours pour la création d’une zone exempte d’armes nucléaires en Israël, alors que, en 2012, devait se tenir à Helsinki une conférence réunissant l’ensemble des acteurs de la région pour parvenir à l’élimination des armes de destruction massive, tant chimiques que bactériologiques ou nucléaires. Vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, forts de notre statut de grand vendeur d’armes à l’Inde et au Pakistan, peut-être pourriez-vous faire pression pour que ces pays s’accordent sur un règlement et la diminution de leurs arsenaux nucléaires.
Le réseau PNND que je représente compte 800 membres à travers le monde, qui sont par exemple des parlementaires britanniques, russes, israéliens. Il y a même deux Iraniens. Je concède qu’il n’y a pas de parlementaire chinois, car il est assez compliqué de leur parler. Peut-être auriez-vous pu profiter de la visite en France du président chinois, il y a trois semaines, pour entamer des démarches.
Des actions ont été menées dans l’ensemble de l’hémisphère sud et un peu dans l’hémisphère nord en faveur de la création de ZEAN ou de l’application du protocole additionnel de l’AIEA ou du TNP. La prolifération nucléaire reste un problème, c’est une évidence. Dès lors, pourquoi, lors du sommet sur la sécurité nucléaire qui s’est tenu à La Haye il y a trois semaines, seules ont été évoquées les matières nucléaires civiles et en rien les matières nucléaires militaires ? Nous n’avons jamais préconisé un désarmement unilatéral mais bien un désarmement multilatéral, même s’il faut reconnaître que, jusqu’à présent, la France a toujours procédé à un désarmement unilatéral.
Monsieur Philippe FOLLIOT. Je tiens à préciser que l’UDI a pris position pour un abandon progressif de la deuxième composante à l’horizon 2030, libre au candidat centriste à la prochaine élection présidentielle de la faire évoluer. Nous nous sommes déterminés en constatant la faiblesse des moyens dans certaines composantes traditionnelles ainsi que l’insuffisante couverture des besoins de nos forces en transport tactique, dues au contexte budgétaire contraint.