Philippe Folliot, Député du Tarn et troisième Vice-président de l’UDI en charge des questions de Défense et de Sécurité, a cosigné avec Emmanuel Dupuy, Professeur de géopolitique et Président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, une tribune dans le Huffington Post intitulée « Prendre (enfin) les bonnes décisions et retrouver la bonne direction pour défaire le terrorisme ».
Dans celle-ci, les auteurs estiment nécessaire une intervention au sol menée par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, qui pourra également associer la Russie, les pays Arabes et d’autres puissances européennes. « Pour être efficace maintenant, c’est donc une très vaste coalition, de l’ordre de 150 000 hommes – qu’il conviendrait “d’armer” et d’engager au sol. Il y a urgence à le faire concrètement, car une fois cette étape déterminante accomplie, restera à réengager, en parallèle, le processus politique, laissé en jachère depuis l’échec du processus de négociations initiés à Lausanne et à Vienne… » concluent Philippe FOLLIOT et Emmanuel DUPUY.
Vous pouvez retrouver la tribune complète ci-dessous, ou sur le lien http://www.huffingtonpost.fr/philippe-folliot/prendre-enfin-les-bonnes-_b_8748066.html :
Prendre (enfin) les bonnes décisions et retrouver la bonne direction pour défaire le terrorisme
Deux semaines après les attentats les plus meurtriers de son histoire, la France et les Français ont témoigné, par leur formidable résilience, leur volonté de faire face, unis et solidaires, à la barbarie meurtrière qui l’a endeuillée si terriblement, en cette soirée du vendredi 13 novembre 2015.
Le choc passé, reste maintenant à agir !
La France est désormais rentrée dans l’Etat d’urgence et dans une guerre, autant virtuelle que réelle. Aux attaques sporadiques, qui hélas devraient se multiplier, s’ajoutent de nouveaux “fronts” (cyber-terrorisme, financement du terrorisme à travers l’exploitation et le pillage des ressources naturelles et des biens archéologiques) qui font de l’EI, une organisation terroriste riche et solidement enkystée dans un territoire, conquis “militairement” et renforcé “administrativement” en Irak et en Syrie.
En Irak, l’EI a ainsi acquis sa “légitimité” aux dépens des milices chiites, des peshmergas kurdes, de l’armée irakienne et de leurs alliés pasdarans iraniens et conquis “intellectuellement” à l’égard de populations, exaspérées par l’inefficacité et la corruption des différents gouvernements qui se sont succédé à Bagdad depuis 2004.
Il en va de même, en Syrie, à l’aune du délitement progressif des milices engagées dans une guerre civile particulièrement meurtrière contre Bashar al-Assad depuis le printemps 2011 et leur incapacité à incarner une alternative crédible militairement et politiquement au régime de Damas et ce, hélas, au profit de l’EI, à partir de printemps 2014, date de proclamation du soit disant Califat sur les zones que l’organisation terroriste contrôle.
L’état d’urgence a donc été prolongé par la Représentation nationale pour une durée de trois mois et ce, pour la première fois, sur l’ensemble de notre territoire, depuis la Guerre d’Algérie.
Cinquante ans après cette première guerre “hybride”, le spectre d’une “longue” guerre asymétrique ressurgit.
Cette décision grave s’imposait cependant, au-delà des querelles politiciennes et contingences politiciennes qui agitent parfois les débats politico-médiatiques. Car, nos ennemis, qui ont toujours agi sur plusieurs fronts (concomitamment dans la bande sahélo-saharienne, au Yémen, au Levant aujourd’hui, en Afghanistan & en Irak hier…), ont également franchi le “seuil” de notre porte et n’hésitent plus à nous frapper sur notre propre territoire. Ce dernier constitue ainsi, comme sur le territoire de nos voisins et partenaires du sud méditerranéen (Maroc, Tunisie), le nouveau et principal “front” dans leur dessein obscurantiste et nihiliste.
Notre ennemi peut revêtir, en effet, plusieurs “habillages” et agir sur des terrains spécifiques plus ou moins éloignés : Daech ; Al Qaeda (AQMI, AQPA), Al-Mourabitoune, Ansar Dine, Front de libération du Macina, Al-Nostra, Fajr Libya, Ansar-al-Charia, Boko Haram, Ansar Beit al-Maqdess, Talibans, Réseau Haqqani..
En réalité, il s’agit de la même folie destructrice et nihiliste, de la même dérive sectaire, caractérisées par une vulgarisation de l’idéologie de mort et une vision déshumanisée de sociétés qui, pourtant aspirent, elles aussi, à l’Universalisme, à l’humanisme, à la culture de la paix, à la Raison, bref à la modernité.
C’est d’ailleurs, ce qui avait fait dire, au lendemain de son élection, en décembre 2014, au président tunisien, Beji Caid Esebsi, qu’entre “eux” et “nous”, “quinze siècles nous séparaient” !
Un puissant débat existe, en effet, à l’aune des nouvelles réalités géo-économiques et géopolitiques nées des processus réformistes, révolutionnaires et des guerre civiles initiées au Maghreb et au Levant depuis le début de l’année 2011.
Cet important, quoique relativement récent, débat vient définitivement battre en brèche la notion des conflits entre civilisations et remet au gout du jour celui d’une réflexion, certes balbutiante mais engagée entre “modernistes” et “littéralistes” interne à la civilisation arabo-musulmane.
Il vise à départager ceux qui voudraient soumettre davantage l’Islam au “Progrès” et à la “Raison”, tendant à vouloir “moderniser l’Islam” et ceux, à l’instar des mouvements salafistes djihadistes et du courant de pensée takfiriste, veulent leur damner le pion auprès de l’opinion publique arabe, en restant dans la posture traditionnelle visant à “islamiser la modernité” : la différence est de taille !
Daech, on le sait, c’est ainsi un budget cette année estimé à près de 2,7 milliards d’euros, un patrimoine évalué à 1800 milliards d’euros, profitant des richesses pétrolières – dont les 48 000 barils que l’organisation vend, via des intermédiaires turcs, qataris et saoudiens lui rapporterait plus de 1,3 millions d’euros/jours -. Ce sont aussi des mines de phosphates, une agriculture qui nourrit les populations sous son joug et dont l’exploitation du coton ou encore de la production et vente de ciment, est source d’immenses profits.
Il en va de même du pillage des 4000 sites archéologiques situés sur son territoire, représentant la superficie de la Grande-Bretagne, plus ou moins 40% du territoire irakien et 30% de celui de la Syrie…
On le comprend, on ne détruira pas Daech par le seul truchement des armes. Cela prendra du reste du temps !
La France a décidé, à juste titre, de s’engager à travers l’opération Chammal – depuis le 19 septembre 2014 – avec aujourd’hui environ 700 militaires stationnés à Amman et sur la base d’Al Dhafra aux EAU.
L’engagement de la France, par le biais de l’Opération Chammal, forte de nos 21 avions de combats, associés à la présence renforcée d’aéronefs stationnés au sein du porte-avion CDG et de son groupe aéronaval, présent dans le Golfe Persique depuis quelques jours, est significatif.
Les récentes frappes françaises contre la “capitale” de l’EI, à Raqqa dans le centre de la Syrie, ainsi que les dernières frappes sur Ramadi et Mossoul prouvent que désormais tous les pays engagés au sein de la coalition anti-Daech ciblent aussi les capacités de financement de l’organisation, à l’instar des raffineries et puits de pétrole, qui, faut-il le rappeler rapporterait près de 1,3 millions d’euros par jour.
Cependant, force est de constater que si ces frappes ont permis de freiner l’avancée des terroristes, de figer dans un statu quo entre forces loyalistes et rebelles, et de reprendre le contrôle de certaines villes en Irak, elles n’ont suffi ni à entamer une véritable reconquête territoriale, ni à affaiblir durablement Daech sur le sol syrien.
La question d’une intervention au sol se pose irrémédiablement, désormais. L’exigence est aujourd’hui de construire durablement une coalition internationale “inédite” associant les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, qui s’était montré jusqu’ici peu réactive à des partenaires aux desseins plus marqués par la Realpolitik.
Il s’agit, au premier chef, de la Russie, qui a initié depuis quelques semaines une intense campagne aérienne en Syrie, et de ses partenaires que sont l’Iran et la Chine, mais aussi et surtout, les pays arabes de la région, au premier chef desquels, l’Egypte et la Turquie.
Ainsi, toute notre attention doit être portée vers la Ligue arabe, l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) ou encore, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), qui, en intervenant sous l’égide des Nations-Unies, pourraient nous permettre de définir une solution politique concertée pour stabiliser la zone de manière durable. Nous avons, ainsi, urgemment besoin des 600 aéronefs dont ces derniers disposent dans le voisinage immédiat des théâtres syriens et irakiens !
Il en a été question à l’occasion des récentes rencontres entre le Président de la République, ces derniers jours, avec David Cameron, Barack Obama, Angela Merkel, Justin Trudeau, Mateo Renzi, Vladimir Poutine, ou encore le Premier ministre des EAU, Mohammed ben Rachid Al Maktoum…
Gageons que François Hollande poursuive ses pérégrinations à Téhéran, à Ankara et au Caire, afin de consolider les fondements de cette coalition sur le modèle d’un “Yalta” inédit contre le terrorisme. Mais ce n’est là, qu’une amorce que la France doit s’évertuer à approfondir avec davantage de détermination et conviction.
L’effort de la France est massif, mais tous s’accordent pour dire que nous avons atteint notre capacité maximale : 34 000 soldats sont actuellement engagés, tant en opérations intérieures qu’en opérations extérieures, dont 80%, le sont en Afrique. Mais seul un engagement commun des pays européens permettra la formation d’un ensemble véritablement puissant, pouvant prendre toute sa place sur la scène internationale.
Il est donc urgent que les pays européens s’unissent pour se donner les moyens de mener une lutte implacable contre le terrorisme islamiste. L’Espagne et le Royaume-Uni, comme la France, ont été frappé depuis 2004. La Belgique est en alerte maximale. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont désormais le théâtre d’actions terroristes concertées ou d’opportunités, comme tend à le prouver la tuerie de San Bernadino ou encore l’attaque au couteau dans le métro de Londres, avant-hier.
La Grande-Bretagne a décidé, grâce au vote à Westminster de s’engager militairement dans une action militaire qui frappe Daech, en Syrie, comme en Irak. Il conviendrait, à cet effet, que le Canada soit plus clair, à son tour, sur son engagement à frapper Daech en son cœur en Syrie !
A cet effet, le recours à la Clause de solidarité communautaire, que la France a eu raison d’évoquer, témoigne des puissants outils dont nous disposons. C’est aussi le cas, avec l’article 222 du Traité de Lisbonne – qui implique une mobilisation au niveau de l’UE, en cas de catastrophes naturelles ou d’attaques terroristes – ou encore de l’article 42-7 du même Traité, appelant, cette fois, à une assistance plus “aisée” sur une base bilatérale ou intergouvernementale.
Tout en dénonçant, avec constance, l’intolérable situation qui a provoqué le décès de plusieurs centaines de milliers de Syriens, par le régime de Bashar El-Assad et provoqué l’exode de plus de 6 millions d’entre eux, nous n’avons, Français et Européens, pu, en réalité faire grand-chose pour stabiliser et ramener la sécurité et la paix dans la région.
Une fois encore, faut-il rappeler qu’il importe d’imposer – en marge de l’action militaire, que nous ne pouvons matériellement assumer sur le terrain – aux termes de nos choix tactico-opérationnels nés du dernier Livre blanc – une sortie de crise “politique” par le biais d’une résolution onusienne, autorisant le déploiement, sous chapitre 7, d’une vaste coalition internationale, incluant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, plus certains de ses partenaires les plus déterminés et impliqués dans la lutte contre le terrorisme (Canada, Australie, Japon, Allemagne, Italie, Egypte, Maroc…).
Cette coalition “hybride” ne saurait faire l’impasse, surtout, d’une urgente quoique balbutiante détermination et sans “faux semblants” ni “double jeu” de la part des états régionaux, en premier chef desquels, la Turquie, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, Koweit et le Qatar.
La résolution adoptée à l’unanimité, il y deux semaines, à New York, permettant de “prendre toutes les mesures nécessaires” pour combattre Daech n’est qu’une première étape, mais elle ne saurait suffire.
Il appartient désormais à la France, en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies, d’être le fer de lance de la mobilisation internationale en faveur d’une telle opération onusienne.
Pour être efficace maintenant, c’est donc une très vaste coalition, de l’ordre de 150 000 hommes – qu’il conviendrait “d’armer” et d’engager au sol.
Il y a urgence à le faire concrètement, car une fois cette étape déterminante accomplie, restera à ré-engager, en parallèle, le processus politique, laissé en jachère depuis l’échec du processus de négociations initiés à Lausanne et à Vienne…