Philippe Folliot a récemment publié une tribune consacrée à la défense dans le magazine TTU (28 mars 2012 – n° 840) intitulée “Courage et responsabilité : une vision pour notre armée”. C’est en tant que responsable des questions militaires et stratégiques au sein de l’équipe de campagne de François Bayrou qu’il a rédigé cet article, dans lequel sont présentés les grands axes du programme de défense du candidat centriste.
COURAGE ET RESPONSABILITÉ : UNE VISION POUR NOTRE ARMÉE
Notre aptitude à défendre nos intérêts au sein de rapports de force profondément bouleversés dépend de l’ensemble de nos facteurs de puissance, qu’il s’agisse des outils de puissance douce, dits de soft power, ou d’outils plus traditionnels directe ment liés à l’utilisation de moyens coercitifs. Aussi, l’indépendance de notre dissuasion nucléaire, le savoir-faire opérationnel de nos troupes, l’excellence de nos matériels, l’autonomie et le grand professionnalisme de nos services de renseignement ainsi que la capacité de projection de nos forces sont des atouts essentiels qui permettent à la France de porter une voix crédible sur la scène inter nationale — jusqu’au cœur du Conseil de Sécurité de l’ONU — et de défendre au mieux ses intérêts. Or dans le contexte budgétaire de crise que nous connais sons, cette aptitude est menacée. Conscient de cela, François Bayrou entend mener une politique responsable en la matière en relevant un défi majeur : préserver notre rang tout en gérant une contrainte budgétaire sans précédent.
Le monde fait face à de profondes évolutions géostratégiques — déplacement du centre de gravité vers l’Asie, émergence de nouveaux pôles de puissance – tandis que le spectre des menaces auxquelles nous sommes confronté ne cesse de s’élargir : persistance des menaces conventionnelles, prolifération, conflit de basse intensité et guerres asymétriques, aggravation du risque non conventionnel, terrorisme, montée en puissance des attaques cyber criminelles… Ces évolutions permanentes nous incitent à adapter régulièrement notre concept stratégique, d’autant que l’état de nos finances publiques a sensiblement évolué depuis 2008. A ce titre, François Bayrou souhaite entreprendre une mise à jour sérieuse du Livre blanc en s’appuyant sur les travaux en cours.
En dépit des profondes réformes mises en œuvres au sein des armées et des lourds sacrifices budgétaires auxquels elles ont déjà consenti, nos hommes n’ont jamais failli à leur devoir et ont toujours su mener à bien leurs missions. Si le candidat centriste sait combien les efforts demandés ont parfois été lourds, il refuse pour autant de céder à la démagogie : délivrer un discours de vérité à la communauté militaire est la moindre des choses pour qui veut devenir le futur Chef des armées. François Bayrou ne cache pas que des efforts budgétaires seront demandés, mais il tient à ce qu’ils ne soient pas supérieurs à ceux imposés à l’ensemble des administrations civiles. La défense ne sera donc pas une «variable d’ajustement». Il va sans dire que, d’ici la fin du quinquennat, les armées devront bénéficier des marges de manœuvre que l’Etat aura retrouvées une fois l’effort de redressement financier accompli.
Le premier grand rendez-vous diplomatique du futur président de la République sera le sommet de l’OTAN de Chicago. François Bayrou y défendra des positions claires, responsables et conformes aux intérêts de la France. Bien qu’il se soit opposé au retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN par fidélité à sa vision gaullienne, il ne remettra pas en cause cette décision, de tels aller- retour étant susceptibles de porter atteinte à la crédibilité de l’Etat français. Il portera les réformes qui lui apparaissent indispensables, et tout particulièrement en ce qui concerne le rééquilibrage au sein de l’Alliance entre l’Europe et les Etats-Unis et la lutte contre la dérive bureaucratique. Sur le théâtre afghan, il souhaite que la France adopte une attitude responsable : il n’y aura ni de retrait anticipé ni de maintien des troupes en suspendant de facto leur action sur le terrain. Ce choix est le plus responsable qui soit, tant pour nos alliés, nos partenaires afghans, que pour nos troupes, dont la sécurité ne peut être assurée lors d’un retrait précipité. Tâcher d’assurer jusqu’au bout le succès de notre mission est d’ailleurs le moindre respect que l’on doit à ceux qui y ont laissé leur vie. Par ailleurs, François Bayrou appréhendera le projet américain de défense antimissiles avec la plus grande prudence. Il veillera tout particulièrement à ne pas engager la France dans des dépenses inconsidérées pour financer un projet dont l’efficacité est relative et qui pourraient de surcroît pénaliser à terme notre dissuasion nucléaire. Dissuasion dont il entend d’ailleurs préserver l’indépendance et la crédibilité par le maintien de ses deux composantes de forces.
L’ Europe de la défense est un autre axe qui lui tient tout particulièrement à cœur. François Bayrou tiendra là encore un discours de vérité. En dépit des avancées institutionnelles introduites par le traité de Lisbonne, il est difficile de nier les difficultés qu’a l’Union européenne à porter une vision géostratégique commune : les impératifs sécuritaires ne revêtent pas la même importance pour l’ensemble de nos partenaires, comme en témoigne la disparité des budgets militaires. Il est pourtant indispensable de travailler activement au renforcement de notre coopération en matière de défense, en utilisant au mieux les nouveaux outils institutionnels communautaires. Faire émerger une voix européenne forte et crédible sur la scène internationale, consolider notre base industrielle de défense et assurer la crédibilité militaire de l’UE, voilà ce que François Bayrou veut défendre. Dans ce cadre, le récent accord franco-britannique est prometteur, surtout si, comme dans le passé, il permet d’impulser une dynamique constructive au sein de la politique de sécurité et de défense commune.