Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par saluer l’initiative des présidents Bruno Retailleau et Gilbert-Luc Devinaz, car elle nous permet d’évoquer aujourd’hui un sujet éminemment important, essentiel même.
Il faut noter le caractère transpartisan de cette initiative : l’ensemble des présidents de groupe s’y sont associés, ce qui honore le Sénat et marque la spécificité, à certains égards, de notre assemblée.
« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples » : ainsi s’exprimait le général de Gaulle en 1941, alors qu’il se rendait en Syrie. Assurément, la situation dans le Caucase est historiquement compliquée, car cette région s’est trouvée à la confluence de trois empires – russe, ottoman et perse. Il n’a cessé d’y avoir au cours des siècles des mouvements de population, avec tout ce que cela entraîne.
La révolution soviétique, la création d’un État de Transcaucasie, puis la division de ce dernier en trois entités – Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie –, avec des sous-entités, n’ont pas manqué de compliquer encore les choses. Nous héritons aujourd’hui de cette histoire.
Nous devons aussi, je le crois, garder en mémoire que tout n’est pas blanc d’un côté et noir de l’autre. Si l’on analyse la situation dans sa profondeur historique, on constate que des transferts de population forcés ont eu lieu dans un sens comme dans un autre.
Toutefois, les événements les plus récents, ceux qui nous concernent aujourd’hui, doivent être examinés à l’aune du droit international : principe de l’intangibilité des frontières, du respect de l’intégrité territoriale, mais aussi droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire recouvrer l’intégralité de son territoire, l’Azerbaïdjan a agi au mépris de l’accord international qui avait été conclu.
Dans cette affaire, à quoi devons-nous faire face ? À un mécanisme qui, malheureusement, se répète régulièrement dans le domaine des relations internationales. Lorsqu’il y a un puissant et un faible, le puissant s’assoit sur le droit et sur les accords internationaux pour imposer son point de vue. C’est ce qui se passe en Ukraine, avec l’action menée par la Russie contre ce pays, mais également dans d’autres endroits du monde, où nous observons des signaux inquiétants.
Ainsi, monsieur le ministre, la semaine dernière, avec mon collègue François Bonneau, je me suis rendu au Guyana, dans la province de l’Essequibo. Un autocrate, M. Maduro, veut lancer une opération spéciale contre ce pays indépendant aux frontières internationalement reconnues. Nous assistons ainsi à la triste répétition d’un certain nombre d’événements lorsque les mêmes enjeux sont en cause.
J’en viens à la situation spécifique de l’ex-république autonome du Haut-Karabagh, en humanitaire.
La France doit tout d’abord s’engager à demander la libération de tous les prisonniers politiques retenus par l’Azerbaïdjan, notamment les anciens dirigeants du Haut-Karabagh.
Ensuite, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, il y a un enjeu culturel. Des précédents ont montré la volonté de l’Azerbaïdjan d’engager des actions visant à effacer la mémoire arménienne.
Or nous savons qu’il sera a priori très difficile pour les Arméniens de revenir s’installer au Haut-Karabagh, puisque, sur les 120 000 personnes qui y vivaient, 100 000 ont fui ; il ne reste donc plus que 20 000 personnes. La meilleure façon d’arrêter cette volonté d’effacer la mémoire, c’est de permettre à l’Unesco de dresser un inventaire de l’ensemble des biens historiques – pour certains multiséculaires –, afin de faire en sorte qu’ils puissent être protégés.
De cette façon, si l’Azerbaïdjan continue à mettre en œuvre ses actions d’effacement – elles ont déjà commencé ! –, le problème concernera non pas seulement l’Arménie, mais l’ensemble de la communauté internationale. Cet enjeu est important.
Enfin, nous devons poser des limites à M. Aliev. Si l’Arménie n’est pas une démocratie parfaite – elle est classée au quatre-vingtième rang mondial dans le classement des démocraties –, l’Azerbaïdjan, qui est au-delà de la cent quarantième place, est sans aucun doute une autocratie.
Il faut fixer des limites à la volonté de l’Azerbaïdjan, dont l’allié est la Turquie, laquelle joue un rôle qui n’est pas conforme à celui qui devrait être le sien dans le cadre des instances internationales – je pense notamment à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), au sein de laquelle nous sommes alliés à la Turquie.
Face à la volonté de l’Azerbaïdjan de relier le territoire du Nakhitchevan par le couloir de Zanguezour, nous devons rester très fermes quant à notre volonté de faire respecter les frontières et la souveraineté de l’Arménie. Cet objectif n’est pas négociable et ne peut être négocié. La France et la communauté internationale sont attendues sur cette ambition.
Le groupe Union Centriste votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)