Dans le cadre des questions au gouvernement de ce mardi, Philippe Folliot a interrogé le Ministre des Affaires Etrangères sur la position de la France concernant l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2010 à Liu XIAOBO, intellectuel chinois militant des Droits de l’Homme et emprisonné à ce titre dans son pays. Retenu à Deauville pour le Somet France-Russie-Allemagne, c’est Pierre Lellouch, Ministre des Affaires Européennes qui lui a répondu.
M. Philippe Folliot. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le 8 octobre dernier, le prix Nobel de la paix 2010 était attribué à Liu Xiaobo pour ses « efforts durables et non violents en faveur des droits de l’homme en Chine ». Liu Xiaobo est un intellectuel chinois de renom et une ancienne figure de proue du mouvement démocratique de Tian An Men, réprimé dans le sang en 1989. Il purge actuellement une peine scandaleuse de onze ans de prison pour « subversion du pouvoir de l’État » après avoir été l’un des auteurs de la Charte 08, un texte réclamant une Chine démocratique.
Ce prix Nobel, ainsi que la réaction caricaturale de la dictature communiste chinoise, qui a qualifié cette récompense d’« obscène », vient courageusement briser un tabou, celui de la situation des droits de l’homme dans un pays qui est la deuxième puissance mondiale.
Comme ce fut le cas, jadis, des Nobel attribués aux dissidents des Pays de l’Est, au premier rang desquels Andreï Sakharov, ce prix fera son chemin dans l’opinion publique chinoise et rendra nécessaires des changements politiques inévitables. Il jouera un rôle de justice que la diplomatie internationale ne veut pas jouer, sacrifiant les principes politiques et moraux aux intérêts financiers et économiques.
Ce prix Nobel interpelle les autorités chinoises, mais aussi nos démocraties, et en particulier la France, pays des droits de l’homme. Au-delà de la situation des dizaines de milliers de prisonniers politiques chinois, nous ne pouvons pas rester silencieux sur les conditions qui entourent la captivité du Prix Nobel de la paix et le placement en résidence surveillée de son épouse, Liu Xia.
Ma question est simple : au-delà des déclarations de principe, quelles actions concrètes la France va-t-elle engager pour que Liu Xiaobo soit libéré et puisse recevoir en mains propres à Oslo ce prix prestigieux, acquis au péril de sa liberté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, le prix Nobel de la paix, qui a été décerné cette année à M. Liu Xiaobo, est un symbole fort de la défense des droits de l’homme partout dans le monde.
Le comité Nobel a fait son choix de manière totalement indépendante et il a voulu adresser un message fort à tous ceux qui militent pacifiquement pour la promotion et la protection des droits de l’homme à travers le monde.
S’agissant de M. Liu Xiaobo, avant même l’octroi de son prix Nobel, nous avions, comme l’Union européenne, exprimé notre préoccupation après son arrestation en 2009 et appelé à sa libération à plusieurs reprises. La France vient de réitérer son appel. Nous sommes et restons attachés à la liberté d’expression partout dans le monde.
En ce qui concerne l’épouse de M. Liu, Mme Liu Xia, nous avons également exprimé notre préoccupation. Nous suivons la situation avec attention ; notre attachement au respect de la liberté d’expression et de circulation partout dans le monde reste intact.
Je veux dire avec force devant la représentation nationale que si, sur la question de la remise du prix, nous ignorons les dispositions qui seront prises par le comité Nobel, nous souhaitons la remise en liberté de M. Liu Xiaobo. Nous souhaitons également que Mme Liu Xia soit laissée libre de ses mouvements, y compris de se rendre à l’étranger si elle le souhaite.
Je veux aussi souligner l’étroite coopération européenne sur ce sujet, la vision commune qui nous anime dans les relations avec la Chine dans le domaine des droits de l’homme. La Chine est un partenaire stratégique de la France et de l’Union européenne. Nous souhaitons développer nos relations avec ce pays et nous travaillons concrètement avec elle pour améliorer la situation des droits de l’homme en Chine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)