Il peut sembler cocasse que l’actuelle majorité reprenne actuellement une proposition que Ségolène Royal avait formulée au cours de la dernière campagne électorale, et qui fut jadis si critiquée par le candidat Nicolas Sarkozy. Mais là n’est pas l’essentiel. Car comme souvent, le texte dont il est ici question est a priori une idée de bon sens. Elle se heurte toutefois à certaines contradictions qui selon moi la rendent caduque.
Mais tout d’abord, de quoi s’agit-il ? La déclaration que fit récemment le Président de la République reprend la proposition de loi du député Eric Ciotti, dont la finalité est de créer une peine alternative à la prison pour les jeunes délinquants. Au terme d’une décision de justice, ces derniers pourraient ainsi être contraints de séjourner dans l’un des vingt Établissement Public d’Insertion de la Défense (EPIDe), que l’on dénombre sur le territoire. Cette démarche, visant à re-socialiser ces jeunes en perte de repères, et à leur inculquer les valeurs civiques élémentaires, préalables nécessaires à toute vie en société, est en soi une proposition intéressante, constructive et pédagogique. Mais pourquoi, me direz-vous, suis-je donc hostile à cette loi dont je viens de vanter les mérites ? Les réserves que j’émets à l’égard de ce texte sont de deux ordres : technique d’une part et politique d’autre part. Il me semble en premier lieu que l’inadéquation entre les objectifs énoncés et les moyens alloués constitue le travers majeur de cette initiative. En effet, ces peines doivent théoriquement s’effectuer au sein des EPIDe. Initialement créés en 2005 afin d’accueillir jusqu’à 20 000 jeunes, ces centres n’en accueillent en réalité que 2000, soit dix fois moins que les chiffres annoncés. J’ai du reste publiquement déploré cette situation à la tribune de l’Assemblée, en soulignant notamment que dans le cadre d’une politique de prévention, le coût de fonctionnement de ce type d’établissement était bien moindre que celui des Établissements Pénitentiaires pour Mineurs (EPM).
Si leur travail est de qualité, comme les taux de réinsertion en témoignent, force est de constater que ces centres sont sous-exploités, voire quelque peu négligés par les autorités publiques. Ainsi, leur contribution à l’effort de re-socialisation des jeunes en difficulté est nécessairement limitée. D’autre part, ces centres devront désormais accueillir des jeunes contraints par une décision de justice, ce qui peut perturber les individus déjà présents au sein des EPIDE. En effet, à la différence des premiers, ces jeunes les intègrent sur la base du volontariat, et sont par définition motivés, et prêts à consentir à de rigoureux effort pour s’en sortir. Au regard de la faiblesse des moyens alloués à ces centres, la proposition de la majorité n’est donc ni une initiative crédible, ni à même de résoudre le problème inquiétant qu’est celui de la délinquance juvénile.
Et cela m’amène à la réserve d’ordre politique que j’évoquais à l’instant. On peut craindre en effet qu’une telle initiative ne réponde qu’à un simple effet d’annonce, et galvaude les propositions pertinentes qui sont à l’origine de ce projet. Une fois encore, les impératifs politiques prennent le pas sur la résolution des problèmes urgents auxquels nous sommes confrontés. Telles sont donc les raisons qui m’amènent à ne pas soutenir ce projet.