Dans le cadre des travaux de la commission de la défense dont il est le Secrétaire, Philippe FOLLIOT a rendu ce mercredi un rapport pour avis sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la France et l’Afghanistan.
Bien qu’il ait regretté le peu de temps imparti à l’examen de ce texte (15 jours), Philippe FOLLIOT a remis une étude approfondie du projet de loi en mettant à profit sa connaissance personnelle du terrain. Hier, à l’occasion de la discussion du projet de loi, il a résumé le contenu de son rapport devant ses collègues de l’Assemblée nationale.
La finalité de ce traité est de renforcer le régime en place en l’aidant à faire face aux nombreux défis qu’il devra bientôt pleinement assumer (stabilité politique, développement, modernisation, paix civile…).
Pour ce faire, le traité vise à organiser l’action de la France au terme du retrait de ses troupes, afin que l’Afghanistan puisse poursuivre ses efforts quant à la mise en place d’institutions consolidées, qu’elles soient judiciaires, militaires ou policières. Et alors que la menace des insurgés et le spectre d’une guerre civile sont loins d’être écartés, le volet militaire du traité est pour le moins déterminant. Toutefois, d’autres secteurs sont également concernés, tels que l’agriculture et l’éducation.
Voici la retranscription intégrale de l’intervention de Philippe FOLLIOT :
M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, chargé du développement, mes chers collègues, voilà plusieurs années que je suis tout particulièrement notre engagement militaire en Afghanistan. Je me suis rendu à quatre reprises sur ce théâtre entre 2008 et 2011, notamment à la suite de l’embuscade d’Ouzbine, pour partager le quotidien du 8e RPIMA de Castres, ou encore dans le cadre d’une mission d’information sur les actions civilo-militaires menées avec notre collègue Guy Chambefort, que je salue.
C’est donc avec un intérêt tout particulier que j’ai travaillé sur ce projet de traité, même si je regrette que l’Assemblée nationale dispose de si peu de temps – quinze jours – pour étudier un sujet aussi crucial, alors que la partie afghane semble, elle, prendre son temps pour le ratifier.
Outre l’envoi dès 2002 de ses forces spéciales, la France a pris une part active à la formation de l’armée nationale afghane. Elle contribue fortement à l’objectif des autorités afghanes et de l’OTAN de former 150 000 hommes. Le dispositif EPIDOTE nous permet d’entraîner directement les élites militaires et les futurs officiers. Notre pays a également initié un programme de formation de la police de l’ordre public afghane, qui pourrait s’apparenter à terme à une force de gendarmerie mobile afghane.
Parallèlement aux actions de formation, la France est également présente au combat. En 2008, au sommet de Bucarest, elle a pris la responsabilité de la Kapisa, à l’est de Kaboul. Il s’agit d’une région clé, qui verrouille l’accès à la capitale. Dans le même temps, notre pays a également reçu la responsabilité du district de la Surobi, une zone difficile, contiguë à la Kapisa. C’est dans ce secteur, dans la vallée d’Ouzbine, que dix soldats, dont huit du 8e RPIMA de Castres si cher à mon cœur, sont tombés dans une embuscade.
Au final, notre investissement a donné de bons résultats : formation de 25 000 soldats et de 8 000 policiers, sécurisation de l’accès à Kaboul, développement humain en termes d’éducation et de santé – cela a été dit – et d’infrastructures, au travers des routes etc.
Sur le plan budgétaire, cette intervention a représenté plusieurs centaines de millions d’euros de surcoût OPEX.
Surtout, la France a payé le prix du sang : quatre-vingt-sept de nos soldats y sont morts et plus de 700 ont été grièvement blessés. Qu’il leur soit ici rendu hommage.
Le nouveau Président de la République a décidé d’accélérer le retrait de nos troupes. Les forces combattantes auront quitté le territoire afghan en 2012 et les autres seront de retour en France d’ici fin 2014. Bien que j’aie désapprouvé cette décision, elle a été validée par le suffrage universel et le retrait est aujourd’hui en marche. Le traité accompagne le nouveau partenariat que nous devons maintenant construire.
Les questions de défense et de sécurité n’occupent qu’une partie du texte, plus précisément son article 3. Le traité organise trois commissions mixtes, permettant une concertation régulière à haut niveau dans ces deux domaines. Il préconise la mise en place de coopérants auprès des autorités ; des efforts de formation en Afghanistan et en France ; un partenariat renforcé dans les domaines de sécurité ; le fonctionnement de l’hôpital militaire de l’OTAN à Kaboul, au moins jusqu’en 2014 ; enfin, une contribution au laboratoire européen de lutte contre les engins explosifs improvisés.
Ces préconisations correspondent à un travail déjà engagé et planifié jusqu’en 2016. Toutefois, je tiens à exprimer solennellement mon inquiétude quant à leur financement, dont le coût est estimé à 88 millions d’euros d’ici à 2016.
Si, globalement, toutes les actions pourront être financées en interministériel par le BOP OPEX – le budget opérationnel de programme des OPEX – jusqu’au retrait définitif de nos troupes, c’est-à-dire en 2014, rien ne semble clairement défini concernant les années suivantes.
Comme tous les autres domaines mis en avant dans le traité dont l’agriculture, l’éducation ou encore l’archéologie, la coopération en matière de défense et de sécurité relèvera de l’action extérieure de l’État et devra être financée par le ministère des affaires étrangères, ainsi que par l’Agence française de développement.
Les perspectives d’évolution des forces de sécurité afghanes – armée et police – sont inquiétantes. En particulier, j’ai relevé que la coalition s’efforçait d’atteindre l’objectif de 350 000 personnels en uniforme à la fin de cette année, tout en planifiant une décroissance de ces mêmes effectifs pour atteindre 228 000 en 2015. Cela me semble extrêmement préoccupant, car nous ne savons pas ce que deviendront les 120 000 personnels mis de côté. Ne seront-ils pas tentés de succomber aux sirènes financières de la rébellion ?
Autre point d’inquiétude majeur, le financement des soldes. En effet, les États-Unis considèrent que nous devons les aider à financer les soldes des soldats et des policiers au cours de la décennie. Ils en estiment le coût actuel à 4,1 milliards de dollars par an et souhaitent que la France prenne en charge au moins 10 % de cette somme entre 2015 et 2017, soit plus d’un milliard d’euros en tout. Cela n’est ni possible ni acceptable. Dans la conjoncture difficile que nous connaissons, la France a déjà fait beaucoup pour la coalition et le redressement de l’Afghanistan.
Elle ne saurait, en outre, se substituer à des bailleurs tels que l’Union européenne, dont elle est l’un des premiers contributeurs, ou les pays non engagés militairement, comme le Japon et les pays du Golfe, qui, eux, n’ont pas payé le prix du sang.
Au moment où nous nous attendons à une forte baisse des crédits de défense, il serait difficilement compréhensible que nous financions chaque année l’armée afghane avec l’équivalent d’un programme d’armement.
J’aurai donc, monsieur le ministre, deux questions précises : le budget de la défense sera-t-il mis à contribution pour financer la coopération avec l’Afghanistan au-delà de 2014 ? La France va-t-elle répondre favorablement à la demande des États-Unis de financer les soldes des soldats et policiers ? Si oui, dans quelle proportion ? Je ne vous cache pas que ces deux points préoccupent particulièrement la Commission de la défense.
Il n’en reste pas moins que ce traité permet de faire évoluer les relations franco-afghanes en prenant acte du retrait de nos forces et en passant d’une aide essentiellement militaire à une coopération à dominante civile. Le processus est difficile et demande une volonté politique forte.
Il nous faut encourager cette démarche. La commission de la Défense a donc émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.